XALIMANEWS-L’affaire Kémi Séba ne laisse pas indifférent l’économiste Felwine Sarr qui ne cherche pas mille chemins pour manifester son adhésion, lui aussi, à la cause du combat contre le Franc CFA, même s’il n’est pas d’accord avec la démarche de l’activiste.
« On peut ne pas adhérer à sa méthode, à son propos simpliste, à ses théories du complot, à ses excentricités, au traitement caricatural qu’il fait d’une question dont la réponse est plus complexe que la binarité d’un oui ou d’un non ; il n’en demeure pas moins vrai que les questions impérieuses de la souveraineté et de l’autonomie des Etats africains postcoloniaux, des rapports de domination qui persistent dans les relations entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains, méritent d’être posées, et Kémi Séba les pose », réagit-il dans une tribune, publié dans le site du monde.fr
Ainsi, Felwine Sarr pose un raisonnement vis à vis de certains intellectuels très critiques à l’égard de l’acte de Kémi Séba « Il ne faudrait surtout pas se tromper de bataille et d’adversaire. Le doigt de Kémi, aussi grossier puisse-t-il nous paraître, pointe une lune qui existe bel et bien et un problème qui est réel : les rapports de domination économiques, politiques et militaires, qui font que malgré des indépendances obtenues dans les années 1960 pour la plupart des nations africaines, la décolonisation est un processus qui est loin d’être achevé. Nombreux sont les domaines dans les relations entre les nations africaines et les ex-puissances coloniales qui sont encore fortement marqués d’une colonialité plus que latente ».
Pour l’agrégé en économie, le débat doit être plus sérieux. Selon lui, au delà de l’action de Kémi Séba et compagnies, il doit prendre en compte toutes les dimensions de la question : économiques, politiques et symboliques. « Un débat allant au-delà de la simple dénonciation et portant sur les diverses options envisageables ; leurs avantages et leurs coûts, leur faisabilité, les horizons temporels dans lesquels ces options pourraient être inscrites ; bref, une réflexion sur les différents arbitrages possibles, avec comme objectif ultime l’intérêt de nos économies », indique t-il. L’économiste préconise un débat de fond qui aménerait l’Afrique à rendre son économie forte, après avoir remédier à « leurs faiblesses structurelles ».
Et de poursuivre : « Un activisme uniquement dénonciateur est limité dans sa portée transformatrice. Mais il faut reconnaître que s’il occupe autant de place, c’est du fait d’un vide, d’un espace non occupé par des forces sociales, d’une absence de proposition politique sérieuse de la part des mouvements politiques classiques dans nos espaces, du fait d’intellectuels inorganiques ou de sociétés civiles ne jouant pas pleinement leur rôle sur ces questions-là ».