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Drogues et violence : les Colombiens n’en peuvent plus de la série « Narcos »

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La série de Netflix « Narcos », qui retrace l’histoire de Pablo Escobar et des cartels de la drogue en Amérique latine, est loin de plaire aux Colombiens, qui préfèreraient tourner cette page sombre de leur histoire.

La guide colombienne Nicole lève les yeux au ciel quand le roi de la cocaïne arrive dans la conversation, lors d’une visite de la vieille ville de Bogota. Non pas qu’elle ne comprenne pas l’intérêt des étrangers pour un criminel au destin fascinant, mais, souligne la jeune femme de 25 ans, les Colombiens en ont plus qu’assez de Pablo Escobar.

Engagez la conversation avec les locaux entre les places art déco et les églises baroques du quartier de La Candelaria, et vous verrez qu’ils préfèrent discuter d’économie, de foot ou du dernier disque de Shakira. Si la série criminelle « Narcos », sur l’histoire de Pablo Escobar et des cartels de la drogue colombiens, a été créée pour le marché sud-américain par Netflix, elle est loin de faire l’unanimité dans le pays natal du personnage principal.

La série à succès, tournée essentiellement en espagnol, et dont la troisième saison est disponible depuis le 1er septembre sur le site de streaming, a généré des centaines d’emplois en Colombie, tout en mettant en scène sa beauté sauvage et certains de ses talentueux acteurs. Mais elle décrit une fois de plus un pays en proie aux barons de la drogue et aux politiciens corrompus, rappelant un conflit qui a fait 260 000 morts et 7 millions de déplacés.

Les critiques locaux, tout en reconnaissant la qualité de la série, tournée presque entièrement sur les lieux réels de la guerre de la drogue, ne peuvent s’empêcher de railler les accents d’acteurs non colombiens censés incarner des compatriotes.

Le téléspectateur colombien Daniel Lara-Agudelo, dont les parents vivaient à Medellin, la ville d’Escobar quand il était au sommet de son règne sur l’industrie de la cocaïne, raconte sur Internet avoir souffert toute sa vie de commentaires négatifs sur sa nationalité. « Les gens doivent réaliser que Pablo Escobar a été tué il y a plus de vingt ans et que la violence, si elle existe toujours, est loin d’être aussi vive qu’à l’époque. »

« Narcos », Garcia Marquez et football

Michael Stahl-David, qui joue l’agent de la police américaine des stupéfiants Chris Feistl dans « Narcos », a admis lors d’un entretien avec des journalistes à Bogota que la série « est contestée » en Colombie, « mais sans hostilité. C’est juste que (les locaux) ne veulent pas forcément la regarder ».

Le producteur exécutif Andi Baiz, lui-même Colombien, reconnaît que ses compatriotes sont fatigués de l’association entre leur pays et le narcotrafic : « À travers le monde, les gens pensent à la Colombie en termes de drogue et, si on a de la chance, de Gabriel Garcia Marquez et des joueurs de foot ». « Ils ont du mal à comprendre que nous avons beaucoup plus, notre culture, notre musique, les arts, notre résilience (…). Mais je pense que ‘Narcos’ montre ça aussi. »

Ces dernières années, la Colombie s’est notamment illustrée pour la détente entre les rebelles Farc et le gouvernement, qui a valu au président Juan Manuel Santos un prix Nobel de la Paix, et pour un boum touristique qui dope sa croissance.

Taliana Vargas, Miss Colombie 2007, qui joue dans la nouvelle saison, veut se montrer positive et assure que « tous les pays du monde n’ont pas eu l’occasion de raconter leur histoire » à un public international, « nous l’avons avec ‘Narcos’. C’est une histoire douloureuse, mais nous n’en sommes plus là »

Une série « néfaste » pour Juan Pablo Escobar

Une histoire douloureuse que décrit Juan Pablo Escobar, fils du plus célèbre narcotrafiquant de l’histoire, dans un ouvrage sorti jeudi 7 septembre, « Pablo Escobar, mon père ». Dans une interview parue dans L’Express, il exprime également quelques regrets sur la manière dont Netflix présente son père et la Colombie.

« Le message que Netflix fait passer aux jeunes est terrible », déplore l’auteur, dont le livre présente, malgré tout, Pablo Escobar comme un bon père. « Sur les réseaux sociaux, je reçois des messages du monde entier en provenance de gamins qui croient avoir compris qu’être narcotrafiquant, c’est ‘cool’… Ils m’écrivent de France, des États-Unis, d’Afrique ou du Honduras pour me dire : ‘J’aimerais être comme lui’. L’influence de cette série est franchement néfaste », explique Juan Pablo Escobar.

Le « fils de » vit aujourd’hui à Buenos Aires, en Argentine, où il est architecte sous le patronyme de Sebastian Marroquin. Il consacre une partie de sa vie à sensibiliser la jeunesse latino-américaine aux dangers du métier de narcotrafiquant qui n’a rien du « glamour » que veut lui prêter Hollywood, comme il le rappelle à L’Express. Pourtant, deux films sortent ce mois-ci dans les salles obscures et mettront en scène le caïd de Medellin : « Barry Seal, American traffic » et « Loving Pablo », qui revient sur la liaison de Pablo Escobar avec une journaliste.

Quant aux Colombiens, ils devraient pouvoir se réjouir. Les scénaristes ont annoncé que la quatrième saison de « Narcos » s’éloignera de leur pays et prendra pour cadre le Mexique, patrie de cartels au moins aussi fameux que ceux de Medellin et de Cali.

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