Des dizaines de milliers de Rohingyas venus se réfugier au Bangladesh pour fuir les violences en Birmanie pourraient bien se voir déplacés de force sur une île déserte, si un projet controversé de Dacca aboutit.
Le gouvernement du Bangladesh tente d’obtenir l’appui de la communauté internationale dans son plan de relocalisation de réfugiés rohingyas sur l’île de Bhashan Char – récemment renommée ainsi, auparavant appelée Thengar Char. Si l’idée est dans les tuyaux depuis deux ans, la vague massive de nouvelles arrivées la relance avec d’autant plus d’actualité.
Plus de 310.000 Rohingyas, minorité musulmane persécutée dans l’ouest de la Birmanie, se sont abrités au Bangladesh depuis fin août. Cette marée humaine, déclenchée par un nouveau cycle de violences entre l’armée et une jeune rébellion rohingya, est venue grossir les rangs des 400.000 membres de cette communauté apatride qui se trouvaient déjà dans les camps de réfugiés misérables du sud-est du Bangladesh.
Un fardeau pour une nation pauvre
Débordées, les autorités locales cherchent désespérément où loger ces nouveaux venus, qui constituent un fardeau supplémentaire pour cette nation pauvre d’Asie du Sud. Elles sont d’ores et déjà à la recherche d’un espace pour dresser un nouveau camp de réfugiés d’une capacité de 250.000 personnes dans la région de Cox’s Bazar, près de la frontière birmane. Mais cette capacité pourrait s’avérer encore insuffisante.
Défi immense
En conséquence, le gouvernement a accéléré les travaux d’aménagement de Bhashan Char. Cette île alluviale à l’entrée du golfe du Bengale est apparue il y a une dizaine d’années, formée par les sables charriés par le fleuve Meghna. Elle ne figure même pas sur nombre de cartes. Le Bangladesh rêve de la transformer en camp de réfugiés à ciel ouvert pouvant accueillir des centaines de milliers de Rohingyas. Mais le défi est immense: tout est à faire.
Inondations
Les dirigeants de la communauté rohingya et les organisations de défense des droits de l’Homme s’opposent avec virulence à ce projet de déménagement, dénonçant l’isolement du lieu et les conditions naturelles hostiles de ce banc de sable inhabité. Bhashan Char se trouve à une heure de navigation de Sandwip, île habitée la plus proche, et deux heures d’Hatiya, l’une des plus grandes îles du Bangladesh. Une à deux fois par an, la petite île est sujette aux inondations lors d’importantes marées, selon un responsable de la police régionale. Seuls quelques pêcheurs et fermiers venant y faire paître leur bétail l’utilisent. L’île nécessite « un investissement massif d’infrastructures avant de pouvoir être habitable », a déclaré à l’AFP le responsable policier.
La présence sur l’île de la marine bangladaise, impliquée dans le chantier, a permis d’en détourner les pirates qui sévissent dans les eaux environnantes. L’armée « a déjà installé deux héliports et est maintenant en train de construire des routes et un abri pour leur usage », a indiqué Mahbub Alam Talkukder, un responsable de l’administration régionale.
Des étrangers au sein de la Birmanie
Lors d’une réunion dimanche avec des diplomates et des responsables de l’ONU, le ministre des affaires étrangères bangladais a sollicité une aide de la communauté internationale pour le transport des Rohingyas vers Bhashan Char. Une relocalisation forcée serait « extrêmement complexe et controversée », selon une agence de l’ONU. Considérés comme des étrangers au sein d’une Birmanie à plus de 90% bouddhiste, les Rohingyas sont apatrides même si certains vivent dans ce pays depuis des générations. Ils n’ont pas accès au marché du travail, aux écoles, aux hôpitaux et la montée du nationalisme bouddhiste ces dernières années a attisé l’hostilité à leur encontre.
Pour les réfugiés exténués au Bangladesh, la misère noire des camps des alentours de Cox’s Bazar reste cependant préférable à la vie sur une île déserte du golfe du Bengale. « J’ai fui mon village dans (la région birmane de) l’Arakan pour échapper à la mort aux mains des Birmans », a raconté à l’AFP Ayubur Rahman, jeune homme de 26 ans qui a pris le chemin de l’exode avant la dernière flambée de violences. « Je ne veux pas aller sur l’île », a-t-il dit, « je préférerais rester ici ».
Source: 7sur7.be