Les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord prévoient pour la première fois un embargo contre les produits pétroliers. Mais la mesure est trop limitée pour changer la donne dans le dossier du nucléaire nord-coréen.
Des sanctions et encore des sanctions. Le Conseil de sécurité de l’ONU en a votées de nouvelles à l’unanimité contre la Corée du Nord, lundi 11 septembre. Mais cette fois-ci, grande première : les États-Unis ont obtenu un embargo partiel sur les importations nord-coréennes de produits pétroliers raffinés.
« Cela faisait des années que Washington voulait l’imposer, et pour la première fois, la Chine a donné son accord”, souligne Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique. Après le sixième essai nucléaire mené par Pyongyang et la surenchère dans la rhétorique guerrière de Kim Jong-un, Pékin n’avait plus d’autre choix que d’accepter ces sanctions.
Éviter le véto chinois
Mais l’administration Trump n’a pas obtenu pleinement satisfaction : elle voulait un embargo complet, aussi bien sur les produits raffinés que sur le pétrole brut. La résolution de lundi soir résulte d’un compromis « afin d’éviter un veto chinois », note ce spécialiste de l’Asie. Au final, il s’agit tout au plus d’une limitation des importations.
La Corée du Nord va donc pouvoir continuer à se fournir en pétrole brut auprès de la Chine et, dans une moindre mesure, de la Russie. Pyongyang pourra, ensuite, en traiter une partie dans l’unique usine de raffinage du pays, « [même] si personne ne connaît sa capacité de raffinage », précise Antoine Bondaz.
Les importations de produits raffinés vont, quant à elles, diminuer de plus de 50 %, si le régime « ne réussit pas à contourner les sanctions », écrivent les auteurs d’un rapport sur l’impact économique d’un embargo sur le pétrole du Nautilus Institute for Security and Sustainability (NISS), un institut international spécialisé dans les questions de sécurité en Asie. L’ambassadeur de la France auprès des Nations unies, François Delattre, a d’ailleurs mis en garde contre « la créativité dont la Corée du Nord fait preuve pour éviter les sanctions ».
« Pas d’impact sur l’économie »
On est donc loin du « feu et de la fureur », promis par Donald Trump. « L’embargo partiel sur le pétrole ne suffira pas à ramener la Corée du Nord à la table des négociations et n’aura pas d’impact sur l’économie du pays », estime Antoine Bondaz. Le but des sanctions internationales est de faire pression sur le régime nord-coréen pour l’obliger à accepter un arrêt de son programme nucléaire, car il dépend du complexe militaire, grand consommateur d’or noir. Mais Pyongyang n’y touchera pas, car c’est une priorité absolue pour Kim Jong-un, et « ce seront d’autres secteurs, comme le transport, qui devront faire des sacrifices pour amortir la baisse des importations de pétrole », estime le chercheur français.
Pyongyang dispose de toute façon d’un an de réserves de pétrole pour le secteur militaire, d’après les experts du NISS.
Pyongyang ne sera économiquement pris à la gorge qu’en cas d’embargo complet sur le pétrole. Un pas que Pékin se refusera toujours de faire car « cela signifierait probablement une crise économique en Corée du Nord avec le risque de voir le régime s’effondrer », rappelle Antoine Bondaz. Un scénario catastrophe pour la Chine qui aurait alors à gérer d’importants mouvements de populations qui tenteraient de fuir la Corée du Nord en ruine. Surtout, même des sanctions aussi drastiques ne devraient pas ébranler la détermination de Kim Jong-un à se doter d’un arsenal nucléaire. Cela ne ferait que repousser le problème, et pour aboutir à une solution, « il faut absolument un volet diplomatique en plus », assure Antoine Bondaz.
L’embargo partiel a beau ne pas avoir de précédent, il représente « davantage une punition qu’une sanction, car personne ne s’attend à ce que cela change la donne », juge le spécialiste français. Kim Jong-un s’est fait taper sur les doigts, mais s’en sort, au final, plutôt bien.