XALIMANEWS : Le coup de filet a été parfait et la moisson belle, pour les limiers de la Division des investigations criminelles (Dic) qui ont démantelé une bande d’escrocs chevronnés qui avaient monté une vaste mafia foncière aux quartiers résidentiels de Ngor et des Almadies. Le cerveau, M. D. Guèye, ancien clerc d’un cabinet de notaire, est parvenu avec ses acolytes, à gruger une kyrielle de victimes et à flouer trois cabinets de notaire.
«Vous devez au quotidien, faire preuve d’une grande sagacité, d’ingéniosité et de perpétuelle mise à niveau, pour vous mettre à hauteur des modes opératoires de plus en plus pointus des délinquants de tout acabit.» Ce speech harangueur d’un haut gradé de la police trouve toute sa pertinence, à la lecture de ce biscornu dossier d’escroquerie, d’abus de confiance, de blanchiment de capitaux… En toile de fond de cette affaire aux relents de litiges fonciers, est égrenée une kyrielle d’infractions portant : Association de malfaiteurs, faux usage de faux, (sur des titres fonciers), usurpation de fonction, blanchiment de capitaux, retenues contre la bande à l’ancien «clerc», M. Diouf Guèye. Usant d’un modus opérandi des plus achevée, Guèye et sa clique se sont illustrés dans la vente de parcelles appartenant à autrui. Ils formalisaient leurs deals par la production et la confection de faux documents (titres fonciers, baux, droits réels, cartes d’identité nationale…)
D. Guèye, un ancien clerc viré pour vol, devenu cerveau d’une bande de faussaires
Cependant, avant de s’engouffrer dans les méandres de cette histoire, attardons-nous sur le profil du cerveau de la bande. 31 ans, M. D. Guèye passe pour un ancien employé du cabinet d’une célèbre notaire, Me A. G. Diagne. Il sera licencié de cette étude pour un délit de vol qui lui avait ouvert les portes de la prison. Élargi, M. D. Guèye qui est du genre à croquer la vie à pleines dents, se triture les méninges pour trouver les moyens de ne pas avoir à chercher la queue du diable à tirer. C’est ainsi qu’il crée en 2014, sa bande de faussaires, composée de Sénégalais et d’un Nigérian, as de l’outil informatique et doté d’une logistique à même de confectionner des faux documents administratifs, cachets et comble de tout, de vraies fausses cartes d’identité. La machine prend alors forme et les premières victimes ne tardent pas à en faire les frais. Surveillant ses arrières, Guèye use d’un faux nom : El H. F. Mbow, pour gripper toute tentative de remonter jusqu’à lui. En 2014, les limiers de la Dic, sur ses traces, mettent la main sur ses acolytes, mais Mbow leur file subtilement entre les doigts. Il se terre, puis reprend service et gruge plusieurs victimes soucieuses d’acquérir une parcelle aux Almadies. Le préjudice causé porte sur plusieurs dizaines de millions de nos francs. Courant novembre 2016, la bande est à nouveau infiltrée par les limiers de la Dic, qui en arrêtent deux maillons, P. Dasilva et A. Touré. Quelques semaines après, Guèye perd un troisième acolyte, O. Niang. Traqué, Guèye s’offre un repli stratégique.
Le complexe modus opérandi de la bande
Courant 2017, il étoffe son organisation et s’attaque aux quartiers résidentiels de Ngor, Almadies, réputés pour les coûts onéreux des parcelles. Cette fois, ils parviennent à ferrer 5 victimes pleines aux as, grugées à l’aide d’un mode opératoire complexe. Ses acolytes se chargent de dénicher une parcelle nue et recueillent toutes les informations y relatives (nom du propriétaire légitime, sa date de naissance, son adresse, sa situation matrimoniale, sa profession…) Nanti de toutes ses informations, le Nigérian du groupe procède à la confection d’une vraie fausse carte nationale d’identité portant les mentions du propriétaire légitime, mais la photo de Guèye imprimée dessus. Dans la même dynamique, de faux titres fonciers, baux, autorisation d’actes de cession, droits réels… sont conçus. Cette panoplie de faux documents est authentifiée par de faux cachets, bordereaux de différentes structures des Domaines et autres fausses signatures imitées de directeurs. Ainsi, la bande passe à la phase 2. La victime nantie est dénichée, appâtée par la présentation desdits faux documents. Puis, pour ferrer la «proie», Guèye et Cie lui demandent de conclure régulièrement la vente, devant notaire. Ce qu’accepte naturellement l’acquéreur, ainsi mis en confiance.
Trois études notariales flouées par la bande
Ainsi, la bande à M. Diouf Guèye sollicite sereinement un cabinet de notaire de la place. Face à la «clarté» des documents soumis à appréciation, plus d’un notaire passera à la trappe. A la faveur de ce subtil mode opératoire, Guèye et Cie ont floué 3 cabinets de notaire, qui ont malencontreusement validé des transactions conclues sur la base de faux documents. D’autres victimes n’ont même pas eu l’opportunité de faire face à un notaire. Guèye et Cie les ayant «contraintes» à verser d’avance, un acompte, au motif que cette démarche permettra de diligenter le dossier. Cinq parmi ces richissimes victimes ont été identifiées par les hommes du commissaire Ibrahima Diop de la Dic. Il s’agit de M. Diop qui a versé un acompte de 20 millions de FCfa sur les 50 que devait coûter une parcelle. La même de 300m2 est cédée à N. Sow qui a versé 19 millions d’acompte. G. Cissé a connu le même sort, en versant un acompte de 20 millions. Idem pour B. Diallo plumé de 12,5 millions, contre 10 millions casqués par M. Ndiaye.
L’enquête qui a perdu les faussaires
Les hommes du commissaire Diop qui étaient aux trousses de la bande, mettront la main sur M. Niang. Piégé, il a été invité la semaine dernière, par une victime (collaborant avec la police), à venir récupérer une enveloppe d’argent. Il est cueilli sur le lieu du rendez-vous. 24 heures plus tard, le cerveau, M. D. Guèye, est arrêté, avant son compère, A. Mbodj. Alerte, le Nigérian du groupe a pu se terrer. Entendus, Guèye et Cie n’ont pas daigné nier l’évidence. Ils ont confessé leur forfait aux enquêteurs, lesquels ont perquisitionné le somptueux domicile de Guèye, sis à Sacré-Cœur. Sur place, ils ont trouvé 7 enveloppes contenant des autorisations d’acte de cession, des plans de masse, des bordereaux, des copies de droits réels, des baux, 2 encriers, 13 cachets d’études de notaire de la place… Les limiers n’ont par contre rien trouvé dans le luxueux appartement loué à Ngor, par Guèye. Au terme de l’enquête, tout ce beau monde a été déféré, lundi dernier, au parquet de Dakar.
Source L’OBS