L’agitation sociale observée en cette période pré-électorale ne constitue qu’un retour de bâton plus que mérité pour une bande de coquins et de copains, qui sont censés gouverner ce pays, coupables de n’avoir pas tenu les engagements, auxquels ils avaient, pourtant, librement souscrits.
Loin de relever du chantage, ces nobles luttes syndicales partent d’un postulat très simple : la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs transcende les futiles agendas politiciens, de même que le calendrier électoral, d’autant que rien ne garantit que l’équipe actuelle sera reconduite aux prochaines élections présidentielles.
Les envolées lyriques sur une prétendue Émergence, à l’horizon 2035 n’auront pas réussi à endiguer la détermination des forces syndicales, qui a eu raison de tous ces outils et instruments de diversion des travailleurs que constituent le pacte de stabilité sociale et d’émergence ainsi que les manigances du Haut Conseil du Dialogue Social.
Il est significatif, à cet égard, que notre honorable Premier Ministre en soit réduit à diligenter le paiement d’arriérés d’heures supplémentaires, au lieu de s’atteler à la mise en œuvre concrète d’accords déjà signés, il y a quatre ou cinq années. C’est ainsi que Mr Mohammed Dionne, tel un apprenti prophète, enchaîne des numéros d’illusionniste cocasses, pour tenter d’envoûter les syndicalistes, qui sont loin d’être dupes. Au contraire, jamais le mouvement syndical n’aura fait preuve de plus de maturité, en organisant de grandes marches et en diversifiant ses formes de lutte.
Mais comment accorder du crédit à un pouvoir, qui tout en jugeant les revendications syndicales exagérées, lance des initiatives onéreuses telles que la construction du CICAD lors du sommet de la Francophonie à Dakar, l’extension de la bourse de sécurité familiale à de nouveaux bénéficiaires, la création de l’autoroute Illa Touba, l’acquisition du TER, la mise en place du HCCT…etc., autant de chantiers loin d’être prioritaires, mais à « haute rentabilité politicienne et électoraliste ».
Refusant de faire droit aux légitimes exigences syndicales, les pouvoirs publics tentent de différer la satisfaction des revendications à incidence financière vers un futur incertain.
Pourquoi, par exemple, ne pas dissoudre le HCCT et réviser la grille salariale au niveau de la Fonction Publique à la lumière de l’étude sur le système de rémunération au sein de l’Administration sénégalaise, dont on nous a rabattu les oreilles, toutes ces dernières années ?
Pour desserrer l’étreinte syndicale en cette année pré-électorale, le gouvernement privilégie des solutions de replâtrage.
C’est ainsi qu’il va – en l’absence d’un rapport de forces suffisamment dissuasif – se contenter de régler les revendications les moins coûteuses, ne nécessitant que l’adoption de nouveaux textes législatifs et réglementaires. Il en est ainsi des questions de statuts, de création de nouveaux corps et de nouvelles filières…, ayant trait le plus souvent à la gestion des ressources humaines et entrant dans les prérogatives quotidiennes de la DRH et/ou de la Fonction Publique. Il y a également l’aménagement de zones à usage d’habitation et l’attribution de parcelles tirées du domaine national aux coopératives d’habitat affiliées aux syndicats, comme palliatif à l’octroi d’une indemnité de logement conséquente aux travailleurs ne disposant pas d’un logement de fonction.
Pour ce qui est de la revalorisation du régime indemnitaire et de la réforme des retraites, par contre, c’est le dilatoire qui est de mise. Les quelques concessions prévisibles en direction des seuls médecins et enseignants du Supérieur, révoltés par le contraste flagrant entre la longueur de leurs études et leur niveau de rémunération, même si elles sont légitimes, risquent d’être mal comprises par les autres travailleurs. C’est pourquoi, il importe de faire front contre tous ces louvoiements et manœuvres du gouvernement, qui ne peuvent prospérer que si les syndicats font preuve d’absence de cohésion et se laissent diviser.
Concernant la problématique des retraites, la prolongation de la période d’activité pour certaines catégories socio-professionnelles ne peut être comprise que comme une mesure transitoire, en attendant la revalorisation des pensions et le recrutement massif de personnels.
Par ailleurs, il est temps pour les syndicalistes si prompts à revendiquer la majoration d’indemnités non indexées au salaire, de changer de paradigme. Il leur faudra, de plus en plus, exiger une augmentation du salaire indiciaire, dont ils pourront profiter, même lorsqu’ils iront à la retraite.
On ne peut que constater le manque criard de volonté politique des tenants de l’Etat pour améliorer le sort des travailleurs dont la plupart sont des soutiens de familles très élargies, qui subissent de plein fouet les errements des politiques publiques mises en œuvre par un Exécutif trop enclin à satisfaire les désidératas du Capital étranger.
La vérité, c’est que le régime de l’APR est convaincu que les fonctionnaires sont des privilégiés pour lesquels l’État a déjà trop fait. Cette façon de voir les choses ne peut émaner que des membres de la caste politico-bureaucratique aux commandes de l’Etat, qui en plus de confortables salaires, bénéficient de retombées de fonds occultes (politiques ou spéciaux) et de combines aussi juteuses que suspectes.
NIOXOR TINE