Dans l’affaire dite de la caisse d’avance de la Mairie de Dakar, le juge Lamotte rendra son verdict le 30 mars prochain. S’il suit le Procureur de la République dans son virulent réquisitoire, Khalifa Ababacar Sall sera sûrement condamné. Rappelons quand même que c’est à la suite de dix-huit mois de fouille dans sa gestion, qu’un inspecteur général d’Etat a déposé son rapport à qui de droit. Rappelons aussi que cet inspecteur général, un certain M. Camara, aurait déjà fait valoir ses droits à une pension de retraite et serait un ami du Président du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT). Il a été nommé d’ailleurs Secrétaire général de cette institution dès qu’il a bouclé son travail de fouille à la Mairie de Dakar.
Le Rapport de M. Camara n’a pas connu le triste sort de ses nombreux devanciers : souffrir le martyre sous le coude pesant du président-politicien. Il a été transmis, avec une diligence inhabituelle et suspecte au Procureur de la République. Ce dernier, avec la même diligence, le transmet au juge pendant que, sur son bureau, gisent nombre d’autres dossiers qui mettent gravement en cause des proches du président-politicien. Parmi ces dossiers, celui qui accable le Directeur général du COUD. Dans ma précédente contribution, j’ai passé en revue quelques-uns de ses forfaits. Oui, des forfaits, et de très graves, il en a à son compte. Sûr de l’impunité, il continue son pillage systématique du COUD, avec la complicité active de certains de ses collaborateurs. En voici quelques exemples, par de très nombreux autres :
1 – abus de biens sociaux et/ou de détournement d’actifs : personnel du COUD affectés aux domiciles de certains membres de la direction du COUD, notamment du DG et du chef du Département des Ressources humaines ;
2 – abus de biens sociaux et/ou de détournement d’actifs : personnel de sécurité du COUD affecté au domicile de chefs religieux à Dakar et à Louga (on devine aisément qui sont ces chefs religieux).
3 – marché irrégulier octroyé par la Direction du COUD à un ACP sortant : l’ACP entrante a exprimé des réserves sur une somme de 10 millions non justifiés qui ressortait en solde débiteur de la balance des écritures comptables de l’ancien. Pour la rembourser, ou plus exactement pour ‘’boucher le trou’’, un marché juteux de rénovation de 23 millions lui a été attribué de façon irrégulière en guise de cadeau de départ par le DG du COUD et le chef du département des Services Techniques. C’était en 2015. Ils ne pouvaient certainement pas le laisser sombrer seul pour les nombreux manquements soulignés par Madame l’ACP entrante sur la comptabilité de son prédécesseur.
En tous les cas, au-delà des conditions d’attribution du marché (conflit d’intérêt manifeste), les auditeurs de l’OFNAC ont exprimé leur conviction qu’il s’agissait soit d’un marché fictif, soit d’une énorme surfacturation permettant alors de dégager sur un marché de 23 millions un résultat net de 10 millions. Quelle marge bénéficiaire !
4 – décaissements irréguliers et non justifiés autorisés par le DG du COUD : ces décaissements le sont effectivement car l’événement pour lequel ils ont été faits (une course hippique) ne présente aucun lien direct avec l’objet social du COUD, compte tenu des priorités et, en particulier, de la situation de trésorerie très difficile au niveau de l’institution. A cette occasion, 20 millions ont été décaissés et dépensés par le régisseur, incapable de présenter une seule pièce justificative en bonne et due forme.
Ce régisseur est d’ailleurs coutumier des faits. Dans leurs enquêtes, les auditeurs-vérificateurs de l’OFNAC ont constaté qu’il avait acquis une villa à Ngor-Almadies, sans compter une autre en chantier dans sa ville natale. Ils ont relevé aussi des versements suspects d’espèces retrouvés dans son compte personnel à Ecobank à Yoff en Septembre2015, soit plus de 22 Millions de FCFA non justifiés. Lors de son audition devant les vérificateurs de l’OFNAC, il a fait une déclaration surprenante que je ne rapporterai pas ici.
5 – Soirée Doudou Ndiaye MBENGUE :
On sait vraiment gaspiller l’argent du contribuable au COUD. A l’occasion de cette soirée de l’autre ‘’griot’’ du président-politicien, le chef du Département des Ressources humaines a décaissé 3 000 000 FCFA du COUD. Entendue par l’OFNAC, elle n’a pu apporter aucune pièce justificative relative à l’utilisation de ces fonds publics. Elle considère qu’il s’agit d’une dépense souveraine et que, par conséquent, le COUD n’a à la justifier auprès d’aucun corps de contrôle. Ces 3 000 000 sont peut-être des fonds politiques qui échappent à tout contrôle ! L’impunité peut conduire à tout, y compris aux explications les plus rocambolesques.
6 – Le ndogou de Claudel
Ce fameux Ndogou a été organisé en faveur des étudiantes de la Cité Claudel pour un montant de 15 millions de FCFA. Le problème, c’est que La Direction du COUD et l’Agence Comptable ont été incapables de certifier à l’OFNAC le montant dépensé et, encore moins, de lui fournir la moindre pièce justificative relative aux dépenses effectuées. Voilà ce qui se passe au COUD ! On y détourne l’argent du contribuable par tous les moyens. On y recrute à tort et à travers du personnel payé à la tête du client. Les auditeurs de l’OFNAC l’ont constaté et exprimé dans le point suivant :
7 – népotisme et clientélisme politique flagrant dans le recrutement du personnel
On se souvient des 400 jeunes Podor recrutés d’un coup par notre DG. Dans son investigation, l’OFNAC en a relevé plus de 155 natifs de NDIOUM, la commune où le DG surprotégé est le premier magistrat. En voulant leur accorder des niveaux de rémunération supérieurs, il a créé une situation discriminatoire inédite entre agents temporaires. Les nouveaux recrutés, moins expérimentés, mais natifs de Ndioum, étaient mieux rémunérés que les autres qui avaient parfois plus de 10 ans d’expérience. Leur tort, c’est qu’ils étaient originaires des autres coins du Sénégal. Cette situation discriminatoire devenant de plus en plus intenable, le DG surprotégé a été obligé de relever tous les salaires des travailleurs temporaires de 44 000 FCFA à plus de 70 000 FCFA par mois. L’effectif pléthorique du personnel temporaire conjugué au doublement des salaires a conduit le COUD à des difficultés de trésorerie sans précédent dès le mois d’Avril 2015. Ainsi, constatent les auditeurs-vérificateurs de l’OFNAC, les crédits prévus pour le personnel temporaire, se sont épuisés depuis le mois d’Avril avec des impayés de 6 957 859 FCFA. A ce titre, la masse salariale mensuelle du personnel temporaire est passé de 154 951 501 FCFA en juin 2014 à 225 653 475 FCFA en juin 2015, soit une hausse de plus de 45% d’une année à l’autre. En guise de comparaison, la masse salariale du personnel temporaire était de 1 575 724 882 FCFA sur l’année 2014, alors que celle du seul premier semestre 2015 avait déjà atteint les 1 308 552 459 FCFA au moment du passage des auditeurs de l’OFNAC. Qu’en serait-il pour le second semestre de l’année 2015, n’ont-ils pas manqué de se demander ?
Ils n’étaient pas d’ailleurs au bout de leur surprise. Poussant plus lin encore le népotisme, notre DG intouchable n’a pas hésité à nommer la petite sœur de son épouse, Chef du Service de Gestion et de Promotion de la restauration Express. Ce cas est particulièrement frappant. N’ayant aucune compétence en restauration et ne bénéficiant d’aucune expérience en matière des œuvres universitaires, elle a été quand même nommée à la tête de ce service qui n’existait d’ailleurs que de nom, et qui se limitait à la seule personne de la demoiselle. Notre princesse (elle en était une au COUD) se retrouvait avec une indemnité de chef de 130 000 francs, une prime de transport évaluée à 100 000 francs avec un véhicule commandé à la société EMG à hauteur de 12 millions dans le cadre du «car Plan Auto» du COUD. Je n’ai rien inventé : ce sont les constations des vérificateurs de l’OFNAC.
Notre surprotégé DG ne s’arrête pas en si bon chemin : il détourne aussi les actifs du COUD au profit de sa commune de NDIOUM, par l’utilisation de véhicules et du personnel du COUD, avec des frais de mission supportés par l’institution. A titre d’illustration, le montant du seul préjudice en carburant est de 5050 Litres en 10 mois. A ce préjudice, s’ajoutent évidemment les frais de personnel. Au moment où la mission de l’OFNAC était arrêtée net par la volonté du président-politicien, la détermination des frais de déplacement pour le DG, son chauffeur et son garde-corps imputés au COUD était en cours.
Les cas de pillage systématique du COUD qui viennent d’être passés en revue ne sont que quelques exemples parmi de très nombreux autres. On en rencontre qui dépassent carrément l’entendement. On peut ainsi retenir l’exemple frappant de détournement de deniers publics et d’escroquerie sur la vente du matériel réformé par un Commissaire-priseur avec la complicité, précisent les vérificateurs de l’OFNAC, du prédécesseur du DG Cheikhou Oumar Anne, des membres de la Commission de vente aux enchères et de l’Agent Comptable d’alors. Ils estiment le montant du préjudice subi par le COUD dans cette affaire rocambolesque à plus de 124 Millions FCFA (en juillet 2014).
Le Maire de Dakar, en détention provisoire depuis plus d’un an, pour notamment un détournement présumé d’un milliard 800 millions de francs CFA, pourrait être lourdement condamné le 30 mars prochain, pendant que notre surprotégé DG continue de humer tranquillement l’air libre et le pillage systématique du COUD. Il pourrait être condamné pendant que notre président-politicien met rageusement le coude sur ‘’Rapport public sur l’Etat de la gouvernance et de la Reddition des comptes’’ de l’IGE (juillet 2013). Il ne voulait pas, expliquait-il sans convaincre, envoyer en même temps en prison le frère et la sœur. Et s’ils sont tous les deux coupables ! On se rappelle que lors de la première ‘’Université d’hivernage’’ organisée à Mbodiène par ses jeunes Républicains, notre président-politicien les ‘’mettait en garde’’ en ces termes : « La CRÉI, c’est pour les autres, mais l’OFNAC, c’est pour nous. » Et il ajoutait avec force, une force feinte : « Je ne protègerai personne. Je dis bien, personne. » Six années sont passées et nous connaissons mieux l’homme. Nous le connaissons bien mieux avec les extraits de ses engagements antérieurs que nous rappelle Papa Alé Niang dans ses excellentes chroniques hebdomadaires. Ses engagements de Mbodiène, comme de nombreux autres, n’étaient pas sincères. Aujourd’hui, les 23 ou 22 de la liste de la CRÉI vaquent tranquillement à leurs occupations. Ils ne craignent plus rien et tout le monde sait, pourtant, que pendant douze longues années, ils ont contribué au pillage de nos deniers publics. Tout le monde sait aussi que ce président-politicien se dédit sans état d’âme car, il protège, couve ses proches et laisse en prison le seul pauvre Khalifa Ababacar Sall considéré, dit-on, comme son adversaire politique le plus dangereux. Dans une chronique de Papa Alé Niang, nous l’avons entendu dire qu’ « il n’y pas au Sénégal des citoyens de première et de seconde zones et que la justice y est égale à tous ». Il racontait des histoires et le savait parfaitement. Cheikhou Oumar Anne, Ciré Dia, Syndjéli Wade et consorts sont des citoyens de première zone. Le Maire de Dakar qui croupit en prison depuis plus d’un an et qui a fait bien moins qu’eux – s’il a fait – est bien un citoyen de seconde zone. La justice n’est point égale, point la même pour eux.
Ce serait manifestement injuste de condamner le seul Maire de Dakar et de fermer les yeux sur les graves forfaits dont sont coupables des dizaines de proches du président-politicien. La Justice est un attribut de DIEU. Que nos magistrats se le rappellent ! Qu’ils n’oublient pas cette sentence de Serigne Touba Khadim Rassoul en direction de son père, pour le dissuader d’être kadi d’un prince : « Le juge le plus honnête aura des comptes à rendre à DIEU » ! Qu’adviendra-t-il alors du juge malhonnête, le Jour du Jugement dernier ? Du juge qui condamne ou relaxe en fonction de la volonté du prince ?
Dakar, le 26 mars 2018
Mody Niang
MERCI MR NIANG DIT TOUT A CES VOLEURS DE L’APR
merci pour cette contribution éclairante M. Niang. cependant je reste profondément déçu par l’ofnac et l’administration sénégalaise en général(justice, corps de contrôle, médias, législatif…).
dans un cas le directeur d’une institution se permet d’utiliser les ressources de l’institution pour faire de la politique politicienne favorisant celui qui l’a nommé; dans l’autre cas, les dirigeants du corps de contrôle supposé identifier et dénoncer la corruption dans l’état, ferment les yeux pendant quatre ans sur maintes violations, évidentes à tous, de celui qui les a nommés. quelle est la différence?
encore une fois:
dans le premier cas, le directeur (j’allais dire la crapule) a détourné de l’argent et autres ressources pour aider le prince dans sa politique d’achat de conscience, dans le second cas les dirigeants(j’allais dire les fonctionnaires pétrifiés ou intimidés, ou naïfs, ou hypnotisés, ou en attente d’une nomination/promotion, qui sait?) ont dévoyé la mission à eux confiée en taisant/ignorant sciemment (pendant les quatre premières années de leur mandat) certains dossiers qui peuvent embarrasser le prince.
les deux postures ne sont elles pas également blâmables?
Non, je reconnais qu’elles ont quelques différences. Dans un cas on a affaire à un bandit motivé, dans l’autre cas on a affaire à des fonctionnaires qui servent le prince au lieu de servir l’État.
ce pays est saigné par la gente politicienne avec la complicité passive, et parfois active, des fonctionnaires
Monsieur Mody Niang, il ne faudra pas céder aux propositions futures d’un quelconque nouveau pouvoir. Le Sénégal (pour ne pas dire la démocratie sénégalaise en chantier interrompu depuis les lendemains de notre indépendance) a besoin de plumes objectives. Malheureusement, la pauvreté et le besoin d’enrichissement ostentatoire ont détourné plusieurs sénégalais qui étaient appelés à des projets ambitieux. Votre position ACTUELLE vous place au-dessus du pouvoir. Vous êtes un porteur de lanterne qui nous éclaire. Attention nous surveillerons votre parcours. Que Dieu vous protège!
Merci pour les prières, mon cher compatriote ! Je vous rassure et apaise votre crainte. Mon cher compatriote, vous n’avez vraiment pas besoin de surveiller mon parcours. Ce n’est pas à mon âge, après quarante (40) ans de présence dans l’espace politique, qu’une quelconque station du pouvoir me fera bouger d’un pouce de la position citoyenne qui a été toujours la mienne. Je crois en avoir administré la preuve plus d’une fois. Mon cher compatriote, je termine par cet adage wolof : » La sikket daan dounde ba sax sikkim, dounde boobe war na ko doy ». J’espère que vous êtes alphabétisé en langue nationale wolof et que vous la comprenez.