Il s’appelle Malick Ndaw et était domicilié à Djeddah Thiaroye Kao en octobre 2005. Recasé au camp de Yeumbeul à cause des inondations, le 11 décembre de la même année, au moment où il prenait sa douche, il est tombé et s’est fracturé la jambe. Débute alors, une longue course pour une prise en charge et il fut renvoyé de ministère en ministère. Aujourd’hui, faute d’argent pour retrouver l’usage de sa M. Ndaw a entamé depuis jeudi une grève de la faim avec son épouse. Mais hier il a été cueilli, avec sa femme par le commissaire de la Police du Plateau.
Suite à l’entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien, jeudi, dans la matinée devant l’Assemblée nationale pour annoncer le début de la grève de la faim qu’il observe avec sa femme, nous avons appris que le commissaire de la Police du Plateau s’est déplacé, en personne, et a conduit Malick Ndaw au commissariat. Notre source indique que le commissaire a juste fait savoir au gréviste de la faim qu’on lui avait interdit, à maintes reprises, l’occupation de la voie publique. Et M. Ndaw de lui rétorquer qu’il avait bien le droit d’observer une grève de la faim. Jusqu’à 19h hier, au moment de recueillir cette information, M. Ndaw était toujours gardé au niveau du commissariat de Police du Plateau en compagnie de son épouse et de son enfant ; et ne s’était pas encore entretenu avec le commissaire.
A L’ORIGINE DE L’éPREUVE, UNE CHUTTE
Tout près de l’Assemblée nationale, c’est une famille qui est à l’agonie qu’on a trouvée sur place. Assis aux côtés de son épouse et de son enfant, qui tétait le sein de celle-ci, Malick Ndaw nous lance un regard de désespoir. Au moment des inondations de 2005, toutes les victimes avaient été recasées au niveau du camp militaire de Yeumbeul et Malick Ndaw et sa famille en faisaient partie. En prenant sa douche, sa jambe était en effet entrée dans les canaux d’évacuation des eaux de pluie et, il glisse et tombe.
Les agents de la Croix-rouge qui étaient sur les lieux, l’ont conduit chez le Major, qui l’évacua de suite à Pikine. Les autorités de ladite structure prennent une ambulance et l’évacuent à nouveau à l’hôpital Le Dantec. Au début, il s’était acquitté de sa prise en charge concernant les premiers soins alors que, dit-il, au niveau du camp, on leur avait fait savoir que «tous les sinistrés étaient pris en charge par l’Etat».
HADJIBOU SOUMARE L’AIDE SUR FONDS PROPRES
Après 5 jours passés sur un lit d’hôpital, il est parti voir le gouverneur de la région de Dakar d’alors, Ndary Faye dont l’intervention a permis à Malick Ndaw de subir une opération. Mais, par la suite, confie-t-il, il n’y a eu aucun suivi médical. Quelque temps après, les douleurs recommencent et un de ses os se fracture de nouveau au même endroit, en août 2006.
Jusqu’au mois de juillet 2007, il était toujours à la recherche d’une prise en charge et au moment de la levée du camp des sinistrés, il avait observé une grève de la faim et fut pris en charge par le Premier ministre d’alors Hadjibou Soumaré, sur fonds propres, jusqu’en septembre. Le professeur Abdoulaye Ndiaye, de l’hôpital Le Dantec l’opéra et lui administra un traitement.
Mais, en septembre 2008, le Pr Ndiaye lui remet un certificat médical faisant état d’une nécessité d’évacuation en France, pour se soigner complètement. Il y était mentionné : «Vu en consultation en octobre 2005 et opéré en 2005, le patient marche sans appui avec deux cannes. Actuellement, il persiste une grosse perte de substance osseuse. Faute de banque d’os à Dakar, cette chirurgie ne peut être faite dans nos structures sanitaires.» Et dans la correspondance parvenue de France pour ses frais de traitement, la somme totale pour le traitement s’élève à 14 650 euros, soit 9 522 500 francs Cfa.
Toutefois, M. Ndaw estime que puisqu’il faisait partie du camp des sinistrés, il devait être pris en charge par l’Etat. C’est pourquoi, il s’était rabattu de nouveau sur Hadjibou Soumaré, mais malheureusement celui-ci lui fit savoir qu’il était dans l’impossibilité de régler son évacuation, et lui conseilla d’adresser une lettre à l’Etat du Sénégal pour une éventuelle aide. Ainsi, M. Ndaw suit ses conseils et adresse une lettre à M. Soumaré en tant que Premier ministre, et une autre au chef de l’Etat. Après une longue attente, il n’obtient aucune réponse. Au mois de mars 2009, sentant qu’il était en train de perdre sa jambe, il décide de manifester devant les grilles du palais de la République. Il fut arrêté, jugé et mis en prison durant quelques jours avant d’être relâché. Tout en ne perdant pas espoir, il réécrit une autre lettre en avril 2009. Il manifesta une seconde fois et fut de nouveau arrêté et emprisonné.
«PUISQUE TU FAIS UNE GREVE DE LA FAIM…»
Cette fois-ci, lorsqu’il est sorti de prison, il s’est tourné vers les organisations de défense des droits de l’Homme ; et les ministères de la Santé, de l’Action sociale, des Affaires sociales, de l’Intérieur – chargé du plan Orsec – ont tous été interpelés.
Par la suite, M. Ndaw s’est rapproché de Me Assane Dioma Ndiaye, qui a par la suite saisi le Président Wade, mais toujours sans suite. Seul le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye a répondu en le mettant en rapport avec Faustin Diatta, alors ministre des Affaires sociales. Mais à sa grande surprise, le ministre lui fait savoir qu’il n’avait pas de budget, car dirigeant un tout nouveau ministère. Mais il lui demande d’attendre jusqu’en 2010.
Faisant preuve de patience, Malick Ndaw attend encore cette année. Mais entre temps, Me Assane Dioma Ndiaye lui conseille de réécrire au Pm, ce qu’il fit. Mais il sera encore renvoyé au niveau du ministre des Affaires sociales. Et après maints aller-retour jusqu’en mars, on lui fait savoir que ce ministère ne peut pas le prendre en charge, faute de ressources. C’est pourquoi, deux mois après, sa mère, son épouse, ses enfants et lui se rendent à nouveau devant le Palais présidentiel. Conduit au Parquet, il fut entendu puis relâché. Par la suite, il se rend à la Raddho qui a aussi envoyé une demande de prise en charge au Palais. Le 26 octobre dernier, il introduit une demande de manifestation devant le palais de la République, qui sera rejetée par le préfet de Dakar.
Ayant perdu tout espoir, M. Ndaw trouve comme ultime moyen de lutte, la grève de la faim, pour rencontrer le chef de l’Etat. Malick Ndaw estime d’ailleurs que les services de la Présidence seraient bien au courant de sa situation, mais n’auraient pas averti le chef de l’Etat. D’ailleurs, il révèle que le médecin de la Présidence serait bien au courant. Mais, il lui aurait fait savoir : «Puisque tu observes une grève de la faim, s’il t’arrivait à mourir et toute ta famille avec, ce serait ton problème. Car, le budget de la Présidence ne pourra jamais t’évacuer, à moins que le chef de l’Etat te prenne en charge avec son propre argent.» Malick Ndaw ne compte pas arrêter sa diète, tant qu’il n’aura pas rencontré Me Wade.
Avant de traverser cette épreuve, il travaillait comme artisan au village artisanal de Guédiawaye.
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