Dans sa prime jeunesse, le chef de l’Etat a été talibé. Et cela ne l’a pas empêché d’accéder à la magistrature suprême. La nuit de la nomination de Mame Madior Boye comme première femme Premier ministre au Sénégal, il n’a pas fermé l’œil, craignant la réaction des religieux. Ces révélations ont été faites hier, à l’ouverture de la 53ème réunion annuelle de l’Union internationale des magistrats (Uim). Aux juges venus de 77 pays, Wade a soufflé l’idée d’un chef de justice pour améliorer la perception de l’indépendance de la justice.
« J’ai été talibé, cela ne m’a pas empêché de devenir Président », a confessé Wade, à l’ouverture de la 53ème réunion annuelle de l’Union internationale des magistrats, qui se tient à Dakar du 7 au 11 courant. Quand des Organisations de défense des droits de l’Homme parlent de « traite des êtres humains », un des thèmes inscrits à l’ordre du jour de la rencontre, elles ont tendance à l’illustrer par les talibés. Une appréciation que Wade trouve abrupte. Il ne nie pas l’existence du phénomène des mauvais traitements infligés aux apprenants. Cela a toujours existé, mais il ne peut pas, ajoute-t-il, d’un coup de plume magique, l’effacer. « Des marabouts ont été conduits en prison pour des sévices ; s’il y a des cas impunis, qu’on nous le dise », clame-t-il. Dans toute culture, continue Wade, il y a des aspects à préserver et d’autres à bannir. Faire passer la loi sur la parité n’a pas été facile comme glisser une lettre à la poste, à cause de préjugés sociaux.
« Quand j’ai nommé Mame Madior Boye Premier ministre… »
Tout comme nommer une femme Premier ministre, pour la première fois, au Sénégal. Quand il l’a fait, il n’a pas dormi la première nuit. « Je me suis demandé quelle va être la réaction des religieux ; s’ils se prononcent contre, je vais être obligé de revoir ma décision. Lorsque Mame Madior Boye est partie les voir, ils l’ont félicitée. Nous sommes allés contre une conception générale qui voulait que les hommes soient les chefs. Je ne suis pas en train de me faire « hara-kiri », mais les aspects négatifs dans la culture existent partout ». L’indépendance de la justice, du magistrat, de la magistrature…, est souvent mise en bandoulière dans ce genre d’événements. Mais quel que soit le bout par lequel il prend le sujet, le président du Conseil supérieur de la magistrature est fier de l’évolution de la magistrature.
Après quarante ans d’indépendance, on en était encore à « rendre des décisions sous l’arbre à palabre, dans des garages », un juge empruntait un véhicule de transport en commun, au risque d’y rencontrer un détenu qu’il a condamné… Tout ceci n’est qu’un mauvais souvenir. Le moment est venu aujourd’hui de se pencher sur « l’indépendance de la magistrature dans tous les systèmes judiciaires ». Mais aussi de réfléchir sur d’autres moyens de renforcer cette indépendance avec le système anglophone de chef de justice. La désignation de celui-ci par les magistrats devrait permettre d’améliorer la perception de l’indépendance de la magistrature.
De Septembre 1953, date de sa création, à Novembre 2010 à Dakar, en passant par Novembre 1995 marquant l’adoption du juge universel, l’Uim a fait un parcours impressionnant. Cependant, fait remarquer le patron de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) Abdoulaye Bâ, « nous n’avons pas encore obtenu le statut d’observateur auprès de l’Union africaine. Pour le Premier président de la Cour Suprême, Pape Oumar Sakho, la justice est comme la femme de César : « il ne lui suffit pas d’être vertueuse, elle doit aussi être au-dessus de tout soupçon ». De nos jours, l’une des pires formes de criminalité organisée est la traite des êtres humains, fustige-t-il. Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle se fait dans le silence. Selon des estimations, elle génère près de 30 millions de dollars par an. Face à la longueur d’avance que les délinquants semblent avoir pris, les enquêteurs devront compter sur les Ntic pour les traquer et les neutraliser.
Hadja Diaw GAYE
LASQUOTIDIEN.INFO
