COUPE DU MONDE 2018 – Star attendue de ce Mondial, Lionel Messi s’avance en Russie en marchant sur des œufs. À 30 ans, la Pulga dispute là peut-être sa dernière Coupe du monde, en tout cas dans la force de l’âge. Si son rapport avec l’Argentine reste compliqué, c’est aussi parce que seul ce Mondial peut lui faire franchir le dernier cap à sa carrière : celui de meilleur joueur de l’histoire.
« Diego es un pelotudo pero ganó la Copa« . La phrase est sortie d’un coup sec et a fusé au milieu du brouhaha ambiant d’un samedi soir à Buenos Aires où les effluves de Fernet s’entremêlaient aux sonorités du reggaeton avoisinant. Mais cette phrase-là, je l’ai entendue le plus clairement possible. Car, en Argentine, quand le football parle, le reste fait silence.
Le génie né hors des radars argentins
Le péché originel de Messi ne pourra jamais être réparé. En Argentine, le football se vit au stade, et même sur la télé publique de 2009 à 2017. Les pépites sont scrutées de près et se doivent de passer par les clubs locaux avant de s’exiler en Europe monnayer leur talent. Chaque idole à son club : Maradona a débuté à Argentinos Juniors avant de flamber à Boca Juniors, où Juan Roman Riquelme, Martin Palermo ou Carlos Tévez restent, encore aujourd’hui, des dieux vivants. Pour River Plate, on peut citer Daniel Passarella, Gabriel Batistuta, Ariel Ortega ou encore Javier Mascherano. Liste(s) non exhaustive(s).
Et Messi dans tout ça ? Il n’est rattaché à aucune équipe, aucun blason. Certes, les premiers éclairs de la Pulga ont été observés du côté de Newell’s. Mais c’est Barcelone qui a révélé le garçon. Et l’a fait devenir ce qu’il est aujourd’hui : le meilleur joueur du monde et l’un des plus grands de tous les temps.
Implicitement, cela a forcément joué dans la relation Messi-Argentine. Car la Pulga est devenue immense loin de son pays natal qui l’a vu grandir à travers les matches du Barça sur grand écran et non en s’égosillant la voix depuis les tribunes. Messi n’a jamais été le « jugador del pueblo » qu’a été Tevez. Il n’a jamais emporté l’adhésion populaire par sa grinta comme Mascherano. Messi a « juste » été Messi : immense mais si discret. Et, en Argentine, la discrétion n’est pas dans les gênes.
Il serait faux ici d’écrire que Messi n’est pas aimé. Évidemment, c’est lui qui porte la sélection sur ses épaules et, à ce titre, il incarne l’Argentine. Surtout après avoir endossé le costume de sauveur en qualifications. Mais quand l’Argentine était au bord du gouffre, c’est bien Messi qui était visé. Le revers de la médaille. Avec ce cliché si tenace qui lui colle à la peau : le gaucher n’est pas « bon » en sélection. S’il faut de tout pour faire un monde, on parle quand même du meilleur buteur de l’histoire de l’Albiceleste (64 buts en 124 matches) devant des monstres comme Batistuta, Hernan Crespo et… Diego Maradona.
Argentine – Coupe du monde 2018Getty Images
La tâche sur son CV
Maradona, on y revient finalement toujours. Parce que l’effet miroir est évident. Et, parce que comme le disait si bien mon pote Tomas, « lui l’a gagnée ». Pour traverser les âges, il faut accrocher la Coupe du monde. Le plus beau des trophées. Passage obligatoire si l’on veut voir son nom accolé en haut de l’affiche pour toujours. Grossièrement, dans le désordre, voici les grands qui reviennent quant au titre de plus grand joueur de l’histoire : Pelé, Maradona, Zidane, Ronaldo (le Brésilien), Di Stefano, Cruyff ou Beckenbauer (liste, encore une fois, non exhaustive sur un sujet aussi brûlant). Tous n’ont pas gagné la Coupe du monde à l’image de Di Stefano ou Cruyff. Pour les autres, c’est une condition sine qua none.
Si Zidane fait partie de cette liste, c’est parce que son doublé du 12 juillet 1998 l’a transporté dans une autre dimension. Si Pelé est si communément appelé « le roi », c’est en raison de ses trois sacres. Si Maradona est là, c’est qu’il l’a gagné à lui tout seul, ou presque, par la force de son talent. Si Messi veut s’inviter à leur table, il n’a plus le choix. Son talent réclame ce titre. C’est aussi simple que cela.
À 30 ans, le numéro 10 de l’Albiceleste est dans la force de l’âge. Il est devenu un joueur total, celui qui sait tout faire, doit tout faire. C’est surtout probablement son dernier Mondial. Ou en tout cas le dernier dans ces conditions. Son CV est absolu. Cinq Ballons d’Or, cinq souliers d’or, 3 Coupe du monde des clubs, 4 Ligue des champions, 9 Ligas, 6 coupes d’Espagne… Bref, son palmarès est en or. Reste cette tâche tenace. Qui tarde à s’effacer. À la Pulga de s’en débarrasser. Pour que, dans trente ans, des ados qui ne l’ont jamais vu jouer puisse reprendre le refrain. « Messi ganó la Copa « .