Face aux menaces à venir en matière de pluies diluviennes et aux dégâts causés dans la capitale économique ivoirienne, le président Alassane Ouattara est rentré, mercredi soir, plus tôt que prévu de son séjour en France. Un Conseil de sécurité doit se tenir dans la journée et on devrait en savoir un peu plus sur le détail des aides apportées aux populations sinistrées. En attendant, les populations s’organisent comme elles le peuvent pour retrouver un logement et remettre en route leurs commerces.
A la Riviera Palmeraie, dans le quartier Cocody d’Abidjan ce n’est plus de l’eau claire, mais une rivière de boue et de déchets en tout genre qui coule au beau milieu de la rue, sans discontinuer depuis 24 heures. Il n’y a plus de goudron, plus de chaussée, plus de route ni de trottoir. Tout a été arraché par la force de l’eau.
En remontant cette rue, il est facile d’imaginer le calvaire qu’a dû vivre la veille un enfant emporté par un torrent de boue sur plus de 1 000 mètres entre sa maison et la station-service où on a retrouvé son cadavre. Un drame parmi beaucoup d’autres, qui révolte Cady, la gérante d’un maquis du quartier Palmeraie : « Chaque année, c’est comme ça. Mais cette année, c’est pire parce qu’il y a eu des pertes en vie humaine. Ce qui me fait très mal. Le matériel, on peut le remplacer après. Mais on a vu des corps d’enfants. Vraiment, ça me fatigue beaucoup ».
Un riverain insiste aussi sur la responsabilité de chaque Ivoirien qui jette dans les égouts un pneu, des gravats, des sachets plastiques pourtant interdits depuis quatre ans. Autant de déchets qui obstruent les canalisations à la saison des pluies : « Chacun a sa responsabilité puisque l’inondation, ça, c’est les autorités. Mais le fait de jeter les ordures dans le caniveau, ça, c’est la population ».
Max, responsable de l’ONG « Pour un sourire » incrimine ceux qui permettent des constructions anarchiques dans Abidjan au nom du profit, aux dépens de la vie des habitants : « Les gens construisent n’importe où. Je pense que le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire a laissé faire bonne gouvernance. Malheureusement ici, c’est par la magie que les gens ont des titres de construction au niveau du ministère de la Construction, qu’ils arrivent à construire. Il y a trop de magie en Côte d’Ivoire ».
La « magie de l’urbanisme » anarchique à Abidjan, qui tourne au cauchemar à chaque saison des pluies, sera peut-être au centre du Conseil de sécurité que préside aujourd’hui le président Alassane Ouattara. Si les opérations de secours sont finies, les sapeurs-pompiers restent sur le qui-vive. En effet, de nouvelles pluies sont attendues d’ici la fin de la semaine.
Des centres de collecte dans les quartiers touchés
En attendant l’aide aux sinistrés s’organise. Dans la ville, des centres de collecte ont vu le jour. Des bouteilles d’eau, des paquets de pâtes, de l’huile, du sucre, mais aussi des médicaments, des draps et des vêtements. La permanence de la députée de Cocody, Yasmina Ouegnin, dont la circonscription a été particulièrement touchée par les inondations, a des allures de centre de crise. Envahie par une armada de bénévoles et de donateurs soucieux d’aider les populations des quartiers sinistrés, comme cette mère de famille venue notamment offrir plusieurs biberons : « J’aurais eu plus de temps, je serais parmi les bénévoles ici. Mais à mon humble niveau, c’est ma manière à moi de participer à cette action citoyenne ».
Abraham, un avocat, a pris un jour de congé pour participer à la collecte et il est impressionné par la mobilisation : « Ce qui nous touche, c’est que les gens viennent de partout. Chacun vient avec quelque chose de première nécessité. On ne peut pas remplacer tout ce qu’ils ont perdu, mais quand ils vont sentir la chaleur humaine à côté d’eux, on est sûr que cela va leur faire du bien ».
En milieu de journée, dans une camionnette, la première distribution d’aide est prête à être livrée dans les quartiers. Et c’est Anicet un entrepreneur social qui est à la manœuvre : « On a reçu beaucoup d’eau, des conserves, du pain. Tout ce qui est nourriture froide. C’est de cela dont on a besoin dans le premier chargement parce qu’il y a eu des fuites de gaz, l’électricité et l’eau sont coupées dans cette zone. Donc ils n’ont pas le minimum pour pouvoir faire de la cuisine, c’est pour cela qu’on envoie des repas froids ».
Rfi