Le racisme défini comme l’hostilité envers des personnes d’une race différente fait des ravages dans le domaine du sport. Très souvent on ne remarque et ne condamne que les attitudes racistes ostensibles venant la plupart du temps des supporters. Mais sur le terrain, dans la presse sportive, il y a des considérations, des remarques et des insinuations racistes qui provoquent des séquelles d’autant plus dangereuses qu’elles sont sournoises.
Le racisme est souvent l’arme secrète de la légitimation de la domination économique et culturelle. En méprisant autrui, en le vexant, on cherche également à le convaincre de son infériorité naturelle. Ce mépris inhibe et persuade la victime sur la nécessité d’ajuster son comportement à l’appréciation de son bourreau. On qualifie très souvent les footballeurs africains d’athlétiques et ce, quels que soient leur génie et leur technicité. On oublie que le football est certes universel, mais on ne peut pas le jouer sans une mise en valeur de ses qualités intrinsèques.
C’est pourquoi il devient de plus en plus urgent que nos sportifs évoluant en Europe et dans les compétions internationales soient encadrés par des psychologues et des anthropologues pour déconstruire l’ascendant psychologique qui dope l’auteur de propos ou d’attitudes racistes et inhibe la victime. C’est vrai qu’être sportif professionnel, c’est également développer des aptitudes de résistance contre l’adversité, quelle que soit sa forme, mais ce que l’on demande à nos sportifs est parfois exagéré. Et les arbitres africains sont eux-mêmes victimes de ce préjugé. Ils font les mêmes erreurs que leurs homologues européens, mais il faut qu’on rappelle aux téléspectateurs qu’ils sont africains et que l’arbitrage africain…. !
« C’est frustrant parce que maintenant, on sait que la VAR, c’est pour les grandes équipes. Nous, il y a une main de Piqué qui n’est pas sifflée. Il y a un corner qui est joué de l’autre côté. C’est pour les grandes équipes, la VAR ». Cette réflexion de Younes Belhanda, le milieu de terrain du Maroc, ne manque pas de pertinence si on fait le rapprochement avec le match Nigéria vs Argentine de ce 26 juin 2018. Le Nigéria aurait été une équipe européenne, il aurait bénéficié de deux penalties, sans même la consultation de la VAR.
Bien souvent nos sportifs sont victimes de réflexions racistes que le sens commun n’arrive pas à discerner. Et il suffit de regarder les matches pour comprendre l’étendue du désastre psychologique que tout cela produit sur nos sportifs et sur la culture que les téléspectateurs eux-mêmes ont du sport. Les sportifs africains sont généralement obligés de fournir plus d’énergie psychologique que les autres parce qu’il leur faut à la fois jouer contre leur adversaire sur le terrain et contre un public hostile. Ceux qui ont une fois pratiqué un sport quelconque savent que le mental y joue un rôle décisif. Les sportifs africains victimes d’actes ou de propos racistes sont donc défavorisés sur le plan de la bataille psychologique. Le fair-play n’a vraiment pas sens dans un sport où les gens sont stigmatisés. On sanctionne lourdement les sportifs et encadreurs coupables de dopage alors que les actes racistes sont plus dévastateurs que le dopage. Il faudra donc que la FIFA réfléchisse sur des formes de sanctions plus lourdes et plus contraignantes contre les supporters et les auteurs coupables d’actes racistes. Personne ne peut mesurer le préjudice moral qui frappe le sportif victime d’actes aussi violents : ça fausse l’esprit du sport et tue la saine compétition. Le sport est et doit rester l’alternative contre les dérives difficilement contrôlables dans les autres secteurs de la culture humaine. La coupe du monde est la communion des nations et pas seulement de quelques individus : il faut donc la préserver de telles dérives.
Le pire c’est que la presse sportive n’est pas épargnée par cette gangrène qui ronge l’esprit du sport. La FIFA doit prendre des mesures draconiennes contre les organes de presse qui laissent passer certaines dérives racistes sans sévir contre le journaliste coupable. Il faudra, pour arrêter cette tendance sournoise, mais très dangereuse, aller jusqu’à retirer au média qui refuse de sanctionner ses employés coupables de telles dérives le droit de retransmission. Que veut faire comprendre un journaliste à un joueur en lui « conseillant » de prendre du banania ? Pourquoi par exemple, quand un Gomis commet une bourde on est obligé de rappeler qu’il est sénégalais alors qu’il a opté de jouer pour la France ? Que dire du respect dû aux téléspectateurs que des reporters sans professionnalisme blessent dans leur honneur sans aucun état d’âme ?
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack de Thiès