Le 14 Novembre 1980, un groupe d’hommes armés dirigé par le commandant Joao bernardo Vieira « Nino », alors ministre de la Défense, déposait le premier Président de la Guinée-bissau indépendante Luis D’Almeida Cabral. Le Président Ould Haidallah de Mauritanie venait de terminer une visite de quarante huit heures en Guinée-bissau. A peine son avion avait-il décollé de l’aéroport international Osvaldo Vieira de Bissau que le Président Luis Cabral décollait aussi à bord d’un hélicoptère pour Bubaque dans l’archipel des Bijagos où il avait l’habitude de passer ses fins de semaine. C’est le moment qu’avaient choisi Nino et ses complices pour passer à l’action. Il était un peu plus de 19 h à ma montre. J’étais au balcon de mon appartement de l’immeuble des Postes et Télécommunication, sur l’avenue principale qui mène de l’aéroport au palais présidentiel situé à la place des Héros, au centre-ville. Des colonnes de chars à vive allure prenaient à contre-sens le rond point de Bandim, juste à l’endroit où est construit le palais de l’Assemblée nationale. Des soldats lourdement armés postés sur les chars, d’autres à pieds protégés par les engins ont envahis le quartier administratif où étaient logés tous les membres du gouvernement et du PAIGC.
A 19H45, les premières rafales de Kalachnikov ont retenti tout près de la résidence de Nino, à un jet de pierre de l’Ambassade du Portugal, l’ancienne puissance coloniale. A partir de mon balcon qui surplombait la rue, j’ai vu sortir par une porte dérobée, le commandant Nino entouré par une dizaine de soldats parmi lesquels j’ai pu reconnaitre un jeune capitaine Bota Na Mbatcha, Kaba Camara et un jeune Adjudant Ansumane Mané Brick-Brack. Après leur départ, arrivait sur les lieux le directeur général de la sureté, Antonio Buscadini qui a aussitôt dégainé son pistolet et tiré quelques coups en l’air, comme pour donner l’alerte que le pouvoir venait d’être pris d’assaut. C’est ce coup qui a attiré l’attention d’un autre groupe de putschistes qui se trouvait non loin de là. Une course poursuite a été engagée entre les soldats et l’officiers de police qui a été ratrapé puis exécuté quelques mètres plus loin.
A 20H la radio nationale annonçait que le régime de Luis Cabral venait de tomber. Le Peuple retint d’abord son souffle. Puis un deuxième communiqué indiquait que « le pays venait de passer entre les mains d’un vrai fils du pays », sans donner son nom et son identité. Ensuite ce fut la voix de Rafael Barbosa, un des membres fondateurs du PAIGC; on l’a surnommé le Mandela de la Guinée-Bissau, pour avoir passé 27 ans de sa vie en prison. Il appela la population au calme et promis que l’avenir du pays sera meilleur. Une page de l’histoire venait d’être tournée, et une autre de s’ouvrir. Le Conseil de la Révolution dirigé par le Camarade Joao Bernardo Vieira Nino devait d’assumer le pouvoir. D’une voix qui immitait celle d’Almilcar Cabral, le commandant KAbi nom de guerre de Nino, hurla : »Vive le Conseil de la Révolution, vive la Guinée-bissau , à bas les fils du colonisateurs portugais! ». La folie s’empara alors de la rue et partout dans les quartiers populaires, comme Cupilum, la population s’en prenait directement aux cap-verdiens considérés comme des descendant des colons portugais.
Il y a donc trente ans que le calvaire de la Guinée commença! Car le Conseil de la Révolution sans programme de gouvernement , ni cadres clairvoyant ne savait par où commencer. En quatre ans, entre 1980 et 84, aucun gouvernement n’a été mis en place. Les unités de production, les magasins du peuple, fermaient les uns après les autres. Les nouveaux maîtres du pays ne se soucièrent guère à former un gouvernement pour se mettre au travail. Un seul homme décidait de tout: le Camarade Président Nino Vieira, entouré d’une trentaine de courtisans, les uns plus affamés que les autres. L’économie et le pays tout entier s’effondre comme un vieux chateau de carte. La suite vous la connaissez, la Guinée-bissau ne se releva jamais de cette erreur monumentale de son histoire. Personne ne comprend aujourd’hui encore comment une entité qui a écrit la plus belle histoire de l’émancipation du continent se retrouve à la traine, pour ne pas dire à la queue du peloton des pays en développement.