À Monsieur Le Président De La République Du
Sénégal Pour Alerter Sur Le Monstrueux Projet De
Port De Ndayane
Par
Amadou Lamine Sall
Président de l’Association
A la suite du passage de notre Association pour la Défense, la Protection et la Sauvegarde Écologique du site de Ndoungouman et Alentours, comme invitée de l’emblématique émission télévisée « diakaarlo » du vendredi 20 juillet 2018, pour montrer du doigt et des jambes le projet du port de Ndayane confié à DP World, nous apportons ici, encore, avec respect, des éclaircissements sur la lutte de notre Association contre ce monstre de « porc ».
Il est de notre devoir de lutter contre ce projet qui, s’il était réalisé, serait un véritable génocide écologique et environnemental. L’histoire le retiendrait et pour longtemps, très longtemps, comme tel. Le Président ne mérite pas une telle page d’histoire ! Son legs n’est pas inscrit dans cette nuit noire. Il a déjà beaucoup fait, même s’ il reste encore à faire. Il en sera toujours ainsi dans la vie des peuples.
Le port de Ndayane, ce sont:
– 3600 hectares de surfaces, de terres spoliées dont 600 hectares 1ère phase, 1200 hectares 2ème phase, 1800 hectares 3ème phase. Des dépôt de containers, des voies de chemins de fer, des routes et plus de 1200 camions jour.
– Un nombre incalculable de populations, de foyers, de ménages « déportés » – c’est le terme juste -. Où donc reloger tant d’êtres humains qui n’ont commis aucun tort et qui ne cherchent qu’à vivre, qu’à travailler ?
– Sont impactés par ce port: des écoles, des complexes hôteliers et touristiques, des infrastructures artistiques, des périmètres maraîchers, des centres de formations et d’expérimentations agricoles, le grand complexe de la Fifa inauguré il y a quelques années à coups de milliards d’investissement, le célèbre pèlerinage marial annuel de Popenguine menacé dans ses accès, le plus grand théâtre de verdure au Sénégal créé par Gérard Chenet et connu du monde entier explosé, les sites marins de reproduction des baleines explosés, les innombrables espèces forestières explosées. Inquiétant: même la résidence présidentielle de Popenguine ne serait pas épargnée par l’impact !
– Et ce port, il faut en informer tous, dépasse Ndayane pour s’étendre jusqu’à Toubab-Dialaw. Un véritable monstre qui dévore tout, en mer comme a l’intérieur des terres. Voici un exemple concret de ce que serait le port de Ndayane: c’est comme si l’actuel port de Dakar occupait toutes les terres jusqu’au rond-point de Colobane ! Surréaliste, non ?
– Il est prévu l’installation d’une digue d’un kilomètre dans l’océan dont les conséquences seraient imprévisibles et non maitrisées, comme c’est le cas douloureux, aujourd’hui, à Saint-Louis du Sénégal.
A près de quelques kilomètres sur le même littoral un autre port sème déjà la désolation: celui de Bargny-Sendou. Et sur le même site une centrale à charbon dont les premiers dégâts ont fait le tour du monde. La chaine de télévision TV5 Monde, vient juste de lui consacrer un reportage poignant et retentissant qui fait le tour sur la toile et fait bondir de colère tous les défenseurs de l’environnement dans le monde.
Comment comprendre l’érection d’un pôle urbain comme Diamniadio, le joyau du président de la République, et son encerclement par des engins de la mort: le port minéralier de Bargny. La centrale a charbon de Bargny. La cimenterie de Rufisque. L’usine à plomb à deux jets de pierre de l’Hôpital des enfants. Et demain le port à containers de Ndayane-Yenne-Popenguine-Toubab Dialaw dont la secrète occupation partirait du littoral jusqu’aux portes de la route nationale, et à trois pas de l’aéroport Blaise Diagne. Presque de la science fiction !
Nous ne souhaitons pas, nous ne voulons pas que le président de la République laisse faire un tel malheur. Nous sommes conscients des efforts qu’il a consentis pour un Sénégal meilleur. Nous voulons qu’il nous laisse un bel héritage et non que des cimetières sur le littoral. C’est notre prière et nous savons combien Dieu veille sur Macky Sall et comment Il lui a forgé son chemin de lumière !
L’enjeu est tellement triste et mortel, que nous serions prêts à croire que le Président n’est pas correctement informé de la réalité de ce projet de port. L’histoire de notre pays nous a démontré qu’un président de la République ne sait pas toujours tout. Alors, Monsieur le Président, prenez vous même ce dossier en main ou posez-le entre les mains de votre intraitable et « bien propre » Premier ministre !
Notre Association a, en sa possession, les plans, les études, les arguments des experts. En face, pour l’État comme pour le concessionnaire DP World, c’est silence radio. Nous ne demandons qu’a être convaincus de la nécessité de ce port à Ndayane -Yène-Popenguine-Toubab Dialaw, car ce port couvre toutes ces localités en mer comme dans les terres ! Des études l’attestent !
Il est triste que l’on doive se référer toujours au président de la République pour résoudre tous les problèmes du Sénégal. On lui demande non seulement de gouverner mais également d’administrer. Mais un homme, quel qu’il soit, n’est pas Dieu !
Notre association remercie:
- Le ministre de l’Environnement du Sénégal qui nous a reçus.
- L’archevêque de Dakar qui nous a reçus et écouté longuement.
- Le Recteur de Popenguine qui nous a reçus.
- Le Grand Serigne de Dakar, Chef de la communauté léboue, Abdoulaye Mactar Diop, qui nous a reçus avec émotion et une grande affection.
- L’imam de Touba-Dialaw que nous avons reçu à Ndougouman..
- Les populations de Touba-Dialaw qui ont pris part à notre forum d’informations sur les impacts du port qui va de Ndayane jusqu’au delà de la très célèbre école des sables de notre patrimoine artistique mondial: Germaine Acogny. Un riche échange a suivi avec les populations.
- Le cabinet en charge des études d’impacts environnementaux dont le siège du cabinet mère est basé à Londres, commis et payé par DP World, le concessionnaire du port de Ndayane. Avec ce cabinet qui est venu nous rendre visite, nous avons eu des échanges d’une extrême importance.
- « Greenpeace » Sénégal qui nous a saisis.
- La radio communautaire très suivie de Ndayane qui nous a interviewés.
- Les nombreux réseaux mondiaux de défense de l’environnement qui travaillent avec nous, chaque jour et relaient notre combat.
Nos contacts se poursuivent pour informer juste, d’abord au Sénégal. L’international suit notre combat et nous sommes admiratifs devant ceux qui épousent notre cause et nous soutiennent de leurs voix! Mais c’est bien Macky Sall qui décidera souverainement! Et nous savons qu’il décidera sans bruit. Et tant mieux!
Pour rappel, c’est en 1990 déjà, que nous avions fondé une association pour la défense de l’environnement et de l’écosystème à Toubab-Dialaw, précisément a partir du village dénommé Ndougouman.
Gérard Chenêt, poète, sculpteur, m’avait fait découvrir dans les années 1987 cet espace unique en biodiversité. Nous avions alors décidé de demander au président de la République de l’époque, Abdou Diouf, de classer cette zone.
Et le projet du port de Ndayane est arrivé, des décennies après. Notre association, tout naturellement, est montée à l’assaut de ce projet monstrueux qui va tout détruire.
Disons-le tout de suite: le développement, nous le voulons, le souhaitons. Mais pas n’importe quel développement, surtout un développement qui spolie, qui humilie, qui exile des populations, qui arrache des natifs à leur terre, qui ment à une jeunesse assoiffée d’emplois, qui prend aux pêcheurs leurs biens, aux femmes leurs emplois sommaires. C’est cela le projet du port de Ndayane s’il était réalisé!
Dire également, avec force, qu’il ne s’agit pas et qu’il ne s’agira jamais de s’attaquer a un Gouvernement, à un chef d’État. Nous aimons notre pays. Nous respectons notre Gouvernement. Son chef, élu par le peuple sénégalais, est un homme pour lequel nous avons, du moins pour ma part, un très affectueux attachement et qui date. Mon respect est entier. C’est pour toutes ces raisons et pour d’autres, que nous souhaitons que ce projet de port de Ndayane soit consciencieusement revu et interrogé avec prudence.
Notre association a été républicaine. Nous avons commencé par le commencement: aller rencontrer les autorités étatiques pour les informer du danger et les inviter à ne pas commettre un crime écologique. L’État doit être respecté. Nous le respectons. Mais respecter l’état, ce n’est pas se taire, laisser faire, mourir sans dire mot.
Nous sommes des citoyens et comme tels, notre droit est de participer au débat du développement. Il ne s’agit pas de petits bourgeois venus s’installer les dimanches en bordure de mer. Ce débat là n’est porté que par de vilains ignorants, de petits et obscurs politiciens sans vision, des caisses de résonnance qui font honte à notre pays, qui abaisse notre si fragile démocratie. Repensons au mot de Camus : « la démocratie ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ».
Que l’on vienne donc voir les emplois créés par ces habitants du samedi que l’on montre d’un doigt coupé par l’immoralité et la corruption ! Nous ne sommes pas non plus des « politiques », au sens nauséabond et partial du terme. Nous ne politisons pas notre lutte contre ce projet de port. Nous regrettons même que ce débat tombe à un moment sensible où nous marchons vers des élections présidentielles. Nous n’appartenons à aucun parti politique en combattant ce projet. Notre parti, c’est notre responsabilité citoyenne! Nous l’assumerons sans trembler et sans renoncer à rien !
Pour toutes ces raisons nous invitons les décideurs à prendre le temps de voir en profondeur les conséquences désastreuses de ce port de Ndayane. Il ne sert à rien de se presser et d’aller contre le mur et contre l’histoire.
Une fois de plus, nous ne combattrons pas le développement. Ce que nous combattons, c’est le mal-développement. C’est l’accaparement par des multinationales de nos ressources, de nos terres, de notre patrimoine, de notre dignité. Nous sommes sûrs et persuadés que Monsieur le Président de la République partage ces mêmes valeurs et jusqu’au bout. Pour ma modeste part, je n’en doute pas. Alors que l’État prenne le temps d’échanger avec les populations de Ndayane, de Yène, de Popenguine, de Toubab-Dialaw. Prenons le temps d’interroger nos propres experts et non toujours ceux des autres, afin de mesurer les dégâts irréversibles.
C’est de l’avenir des populations et de l’avenir de leurs enfants dont il s’agit. L’aéroport international de Ndiass dont nous saluons la modernité et les perspectives, n’a pas donné des emplois, comme promis, aux enfants de Ndiass. Ces jeunes le manifestent en brûlant sans cesse des pneus sur les routes qui mènent a l’aéroport.
Il s’agit juste de communiquer juste, de communiquer avec courage et honnêteté, et non de tenir toujours de fausses promesses. Ce que l’État décide de faire, il le fait. Nul ne pourrait l’en empêcher. Il en a la force, les moyens et les pouvoirs. Il peut imposer sa volonté à tous. Mais il n’a pas toujours raison sur tout et sur tous! Il ne peut surtout avoir raison sur l’histoire !
Dp World, « patron » du projet du port de Ndayane, ne fournit aucune réponse a nos questions. C’est leur méthode. C’est leur règle de riche. C’est le camouflage. C’est le « laisser pourrir ». C’est le mépris des « autochtones, les nègres » -oui, laissez-nous choisir les vrais termes-. Leur stratégie: pas besoin de communiquer. Nous avons l’argent. Nous avons l’État avec nous. Nous avons de quoi faire taire tout le monde. Nous savons que ceux qui s’agitent ne sont qu’une misérable minorité de poètes et d’écrivains perdus, d’artistes de merde, de pêcheurs paresseux, d’hôteliers en faillite, de professeurs et de maitres d’école désenchantés, de maraîchers d’un soir, de femmes marchandes de cacahuètes et de poissons pourris.
Voilà le livre rouge de Dp World partout dans le monde des pays pauvres. Non, notre pays n’est pas ce pays que l’on humilie. Non, le Président Macky Sall n’est pas le berger endormi et ivre de lait d’un troupeau meuglant et sans pâturages.
Par ailleurs, allez donc visionner la vidéo du port de Lomé, au Togo, qui fait le tour des réseaux sociaux. Vous serez pris de vomissements. C’est le même modèle que Dp World, avec la bénédiction de l’État du Sénégal, veut imposer au Sénégal.
Le discours connu et éprouvé des multinationales -elles peuvent être utiles mais en sauvegardant notre souveraineté- c’est d’écraser tout. Acheter tout. Humilier tous. Mais nous avons nos gouvernants qui peuvent être plus dignes que Dp World, plus patriotes, plus vigilants sur l’avenir de leurs populations.
Mahammed Boun Abdallah Dionne, particulièrement, et pour le nommer sans crainte, est de ceux-là et je l’assume ici, en mon nom, mesurant la hauteur, l’éthique, la rigueur, l’exigence et l’honnêteté du chef du Gouvernement. Entre Dieu et un « certain » État, il choisirait Dieu. Même si un État est un tout, soudé, cohérent, solidaire et secret ! Je n’oublie pas, non plus, ce que « la raison d’État » peut dicter, au-delà de tout et de tous ! Je fais simplement confiance à mon pays pour défendre mon pays !
Tant pis si nous sommes naïfs parce que certains croient que l’argent achète et conquiert tout et que ce port serait déjà marché conclu ! Nous ne voulons pas y croire un seul instant ! Mais si l’État cédait et si son chef laissait faire, ni l’un ni l’autre ne sortiraient indemnes de l’histoire de ce génocide.
Déjà le port de Bargny-Sendou en cours de réalisation inaugure des impacts catastrophiques qui se font déjà sentir jusqu’à Joal !
Nous leur faisons confiance et nous leur demandons de « fouiller » ce dossier du projet de port de Ndayane. Nous leur demandons de renoncer au choix de ce port synonyme de mort, de ruine, d’exil, d’errance, de déracinement, et de souffrance.
Le nom et l’histoire de la vie du chef de l’État devraient pouvoir échapper à cette page sombre et durable que laisserait la construction de ce port. Son héritage, nous le voulons digne, exemplaire, humain, juste, durable dans les livres d’histoire et la mémoire de son peuple, de nos enfants, de l’Afrique, du monde.
Ne jamais oublier les pages de l’histoire. Elles ont déterré des tombes à elles toutes seules, sans pelle ni pelleteuse !
Nous ne sommes rien d’autre que des hommes et nous passons. Mais parmi ces hommes qui crient aujourd’hui ici, parmi ces femmes, parmi cette jeunesse des hommes de demain, des pages seront écrites pour témoigner et ces pages resteront que rien n’effacera.
On ne peut pas a la fois prendre à des populations déjà cruellement démunies et « leur mer » qui les nourrit et leurs terres qui les abritent avec leurs enfants.
Nous savons qu’il existe un prix à payer pour le développement, mais pas n’importe quel développement. Nous prenons le risque et faisons le pari ici, que le président Macky Sall n’enterrera pas nos rêves et nos espoirs.
Si nous nous sommes trompés, nous saurons en témoigner et nos enfants avec et pour longtemps.
Que personne ne nous reproche de faire appel au président de la République, de le citer, de louer ce que nous croyons qu’il a déjà réalisé de bien pour notre pays. Pourquoi devrait-il être politiquement tabou de reconnaître les réussites de quelqu’un , sans taire ses échecs ? Mais que personne ne nous reproche, non plus, de lui demander avec fermeté, mais respect, de reculer sur un projet mortel, douloureux, sinistre, dont les enjeux de développement sont loin d’égaler la cruauté des conséquences sociales, économiques, environnementales.
Les pré-travaux et sur le terrain et en mer, déjà en cours de prospection avec Dp World, doivent être stoppés. C’est le premier signal attendu !
Notre côte vers Saint-Louis est si libre, si grande, si dégarnie, qu’un port pourrait y être envisagé, en mesurant toujours les dommages. Mais Dp World, selon les experts, ne voudrait pas trop s’éloigner de la région de Dakar encore moins de l’aéroport Blaise Diagne. Ses investissements seraient encore plus lourds !
Puisse le président de la République ne pas porter demain le lourd fardeau d’un port destructeur qui polluerait ses souvenirs et prendrait en otage l’histoire de sa présidence. Puisse t-il prendre grand soin de ses propres choix de développement, afin de ne pas faire porter des haillons à sa légende.
Déjà, ses grands travaux, depuis 2012, l’honorent et l’élèvent ! Et ce n’est pas fini !
Nous, nous ne demandons qu’à vivre, être libre ! Est-ce beaucoup demander ?
Amadou Lamine Sall
Président De l’association
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