Côte d’Ivoire: bureaux de vote ouverts pour une sous haute tension
Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 07H00 (locales et GMT) en Côte d’Ivoire pour le second tour d’une présidentielle historique qui doit clore une décennie de crise politico-militaire, un scrutin sous haute tension après des violences.
Au moins trois personnes ont été tuées samedi à Abidjan lors de heurts entre la police et des opposants qui manifestaient contre le couvre-feu entré en vigueur dans la soirée.
Alors que des jeunes protestaient contre cette mesure dans le quartier populaire d’Abobo (nord), bastion de l’opposant et candidat Alassane Ouattara, les manifestants se sont affrontés aux forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs à balles réelles, ont rapporté à l’AFP des témoins et une source policière.
Au moins trois personnes ont été tuées, ont indiqué des sources concordantes, notamment médicale. Une dizaine de personnes ont été blessées, a constaté un journaliste de l’AFP dans un centre hospitalier.
Ces violences meurtrières ajoutent à la tension qui régnait depuis l’annonce à la mi-journée d’un couvre-feu à partir de samedi à 22H00 (locales et GMT), à quelques heures d’une présidentielle historique censée clore une décennie de crises politico-militaires.
Le président Laurent Gbagbo, qui affronte M. Ouattara dimanche, a décrété ce couvre-feu nocturne jusqu’à mercredi pour assurer le « maintien de l’ordre ». La mesure ne s’applique pas aux « personnes impliquées dans l’organisation des élections », ni aux observateurs ni aux journalistes.
Le chef de l’Etat a défendu une « mesure dissuasive pour quelques extrémistes », mais le camp de son rival avait assuré qu’il ne respecterait pas cette décision qui est selon lui « la porte ouverte » aux « fraudes ».
Pourtant à Abidjan, la ville était bel et bien déserte à partir de 22H00, et seules les forces de l’ordre déployées aux points stratégiques et de très rares véhicules autorisés y étaient visibles, a-t-on constaté.
Mais à Bouaké (centre), fief de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui contrôle le nord du pays depuis le putsch raté de septembre 2002, la vie suivait son cours. Passants dans les rues, bars et restaurants ouverts, mais regardant la télévision au bord de la route: la ville vivait un samedi soir ordinaire.
Le décret a été signé le jour même d’une visite à Abidjan du médiateur dans la crise ivoirienne, le président burkinabè Blaise Compaoré, qui a rencontré ensemble les candidats.
Alors que la Commission électorale indépendante (CEI) avait dans un communiqué « recommandé au chef de l’Etat d’assouplir les mesures de sécurisation » liées au couvre-feu, aucune annonce précise n’a été faite sur le sujet à l’issue de la visite du médiateur.
Les deux prétendants ont lancé « un appel solennel » aux électeurs à « s’abstenir de tout acte d’agression » pour « permettre l’organisation du scrutin dans un climat apaisé ». Ils se sont de nouveau engagés à respecter le verdict des urnes.
La campagne électorale a été marquée par un durcissement des discours et des échauffourées entre partisans des deux bords. Un militant pro-Gbagbo a été tué jeudi dans son bastion du centre-ouest, lors d’un de ces heurts qui ont fait de nombreux blessés dans la capitale économique et dans l’intérieur du pays.
Quelque 5,7 millions de personnes sont appelées aux urnes pour cette élection – six fois repoussée depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005 – à l’issue très incertaine entre les deux figures les plus antagonistes de la politique ivoirienne.
MM. Gbagbo et Ouattara avaient recueilli au premier tour le 31 octobre 38% et 32% des suffrages.
Signe de l’appréhension liée au scrutin et à ses suites, à Abidjan les habitants s’étaient pressés samedi devant les guichets de banques et dans les commerces.
« Nous avons peur, c’est pourquoi je fais des provisions », confiait à l’AFP Madeleine Hema, mère au foyer, dans le quartier de Marcory (sud).
AFP