Le 23 octobre 2018, le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement du Sénégal a publié un communiqué notifiant l’attribution provisoire du contrat d’affermage de la gestion de l’eau potable en zone urbaine et périurbaine au Groupe SUEZ.
Malgré quelques réactions et certaines inquiétudes exprimées, le peuple sénégalais offre un boulevard à l’état pour confier un secteur aussi stratégique à une multinationale française motivée uniquement par le gain et le profit.
Au moment où, toutes les Grandes villes et maitres d’ouvrage d’eau potable remettent en cause la gestion par des entreprises privées pour des raison économiques et de service public soucieux du consommateur, le Sénégal, notre pays écrit une nouvelle fois l’histoire en sens contraire.
On peut vivre sans pétrole, sans téléphone et sans ressources minières, mais on ne peut pas vivre sans eau. Nous constatons, au désespoir du peuple sénégalais, la dilapidation de nos ressources pour des intérêts de clans. Mais l’eau est une ressource vitale et appartient à tous les sénégalais d’aujourd’hui et de demain.
Dans un pays comme le Sénégal, comment peut-on confier notre service public d’eau potable à une société au prix plus cher que le sortant ? Nous connaissons des retards en termes d’investissement qu’aurait pu combler les 50 milliards que SUEZ engrangera en plus-value que la SDE.
- La SDE a déçu les sénégalais
Parmi les arguments avancés par les autorités, on répète que la SDE a été défaillante et n’a pas été à la hauteur des attentes des consommateurs. Mais il ne faut pas perdre de vue que ses concurrents, Veolia et SUEZ, ont respectivement 165 et 138 ans d’existence. Ces deux sociétés ont connu durant leurs vies et continuent d’en connaitre, d’énormes défaillances techniques et des problèmes qui ont été à l’origine de catastrophe sanitaire. Il est donc bien normal qu’une société aussi jeune que la SDE puisse avoir des problèmes durant ses deux décennies d’existence. Il ne s’agit d’être laxiste avec la SDE mais il faut retracer l’histoire avec transparence.
Les gros problèmes connus ces dernières années sont dus majoritairement à un retard d’investissement de la part de la SONES. La SDE est exploitant et non maitre d’ouvrage des infrastructures. On ne peut donc pas reprocher à la SDE les retards et les erreurs de planification de la SONES.
- SUEZ, une société en perte de vitesse
La société SUEZ connait depuis quelques années la perte de ses plus gros contrats France. C’est ainsi qu’elle a perdu les contrats de Lille, Bordeaux, Valenton…
Cette société est en pleine restructuration pour accuser le coup de ces pertes importantes.
Aucun gros contrat n’a été remporté ces dernières années par SUEZ au profit d’un sortant. Je les mets au défi d’en donner 1 seul !
Comment dans ses conditions et pour quelles raisons le Sénégal leur fait confiance à un prix plus cher que la SDE ?
- Le profit au cœur de la stratégie
Au moment où nous devrions nous battre pour notre liberté et l’indépendance du peuple sénégalais, comment peut-on confier un secteur aussi vital à une multinationale animée uniquement par la recherche du profit.
Si la SDE appartient en partie à ERANOVE, sa gouvernance est aux mains de nos compatriotes soucieux du bien des sénégalais. SUEZ est une entreprise qui sera dirigée par des français ayant un seul but : la rentabilité. Comme au Maroc ou ailleurs, c’est une équipe délocalisée de la Défense qui gérera le Sénégal.
Lorsque la rentabilité n’y sera plus, SUEZ se retirera de ses engagements comme ils l’ont fait au Maroc ou en Inde. Que deviendra la gestion de l’eau au Sénégal ?
Indignez-vous chers Sénégalais ! La liberté vaut mieux que l’intérêt de personnes en dessous d’un parapluie qui les protégera des dégâts de leur décision.
AMADOU MBAYE FALL
Expert économie de l’eau