Ça y est ! Tu as traversé le fleuve de l’éternité, sans même te retourner. Sans un murmure. Sans même dire un au revoir expressif, avec au bout cette promesse de partir rejoindre, à jamais, tes ancêtres. Ce qui aurait permis à tes proches de te faire une dernière accolade. La traversée se fait dans un silence glacial. A pas sûr. Avec toute la charge de l’inconnu qui donne à la mort son caractère énigmatique.
Avais-tu vraiment le choix, Sidy ? Pouvais-tu transgresser les règles du jeu, là où la Meilleure des créatures (PSL) n’a opposé aucune objection à l’appel de la Miséricorde. Le décret au sceau indélébile tombe comme un couperet. Sans donner à «l’élu» le temps, ni même l’idée de préparer le voyage sans retour. Il écrit qu’il en serait ainsi jusqu’au jour où la natte de la terre et le voile des cieux seront définitivement pliés.
Sidy, tu es désormais dans l’étreinte fatale de la Vérité, et tu peux, à présent, regarder le monde des mortels avec amusement. Un monde où l’illusion d’être éternel accompagne, au quotidien, nos faits et gestes, avec en prime la vanité de ceux qui sont au sommet de la pyramide de Maslow. Ce monde que tu avais voulu transformer en se battant pour la restauration des valeurs de la République, notamment le respect des droits de la liberté de presse et d’expression.
Idéaliste, tu y avais cru jusqu’au bout, parfois avec un brin de naïveté qui tournait en dérision les hommes et les femmes pour qui ce bas monde est le but et non le moyen d’accéder à un autre. Un monde meilleur où la permanence et l’éternité se substituent à la contingence et à l’improvisation. Ici rien ne se fait dans l’urgence. Pas de tension budgétaire… Je vois ton sourire au coin des lèvres. Tout ici est plutôt grâce divine.
Tu étais de tous les combats, convaincu qu’un Sénégal de justice et de paix était de l’ordre du possible. Tu avais toujours refusé que tes convictions, que tu portais en bandoulière, se liquéfient sous le feu ardent de l’argent sale, détourné, volé aux paysans, aux ouvriers, aux travailleurs, aux ménagères, aux étudiants…Accroché à cet idéal de vie, tu n’avais nullement besoin de cour pour chanter tes louanges, usurper une généalogie, à l’image de ces vaniteux arrivistes qui ont toujours vécu, tels des sangsues, aux dépens du pouvoir. Tu n’étais pas un misérable…mais quelqu’un de généreux qui aimait se priver pour donner aux autres.
Tu étais partisan d’un journalisme-militant, au service de l’intérêt général, faisant de l’éveil des consciences, son credo. Un journaliste engagé qui avait défendu les valeurs de la République et n’hésitait pas à se mettre en face de ceux qui voulaient les chahuter. Ce type de journalisme Sidy, n’arrange pas certains tenants du pouvoir. Tu en savais quelque chose. Ils ont menacé, agité le sabre du fisc, coupé le robinet de la publicité…pour te contraindre au silence. Malgré tout, tu avais résisté. Mais ils voulaient, surtout, t’avoir à l’usure, car ta politique éditoriale, celle de la voix des sans voix, éclipsait les travaux d’hercule de celui qui veut entrer dans l’histoire.
Certes, les professionnels, amoureux du journalisme du juste milieu, ne sauraient cautionner toute démarche clivant, celle qui montre uniquement ce qui va ou ce qui ne va pas. Ces deux extrêmes sont parfois constatés dans la manière de traiter certaines informations. Heureusement que le pluralisme médiatique règle en partie cette question. Mais le cœur vraiment de notre métier, c’est la défense de l’intérêt général et cette dimension, tu l’avais intégrée dans ton approche.
Tu étais un homme multidimensionnel, avec différentes casquettes : arabisant, guide religieux, journaliste, écrivain, politique, intellectuel. Tu adorais les choses de l’esprit et cette nourriture spirituelle te permettait de mieux digérer ce que le monde contemporain et moderne avait de plus complexe. Tu aimais citer les grands penseurs tels que Socrate, Platon, Karl Marx etc pour confirmer ou infirmer une thèse.
Sidy, tu diras à Ahmadou Bamba, El Hadj Oumar Foutiyou Tall, El Hadj Malick Sy, El Hadj Ibrahima Niasse dit Baye, Seydina Limamoulaye, Mame Cheikh Bou Kounta…de prier pour le Sénégal, car ce qui se profile à l’horizon n’est guère rassurant. Le pétrole et le gaz ont mis de l’eau à la bouche des politiciens véreux.
Tu diras à Socrate, Platon, Karl Marx, Cheikh Anta Diop… que ce monde qu’ils ont pensé n’a pas fini de créer des surprises avec sa part d’impensé.
Sidy, tu as laissé un lourd héritage à ton pays. Nous ne désespérons pas que d’autres Sénégalais continueront le combat. Le flambeau ne touchera pas le sol.
Mission accomplie. Adieu combattant !
Bacary Domingo MANE
Sidy, tu Diras à …
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