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Sénégal : le respect du processus électoral, condition indispensable pour une élection apaisée

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Plusieurs faits concordants permettent de prouver une mainmise de fer du président Macky Sall sur le processus électoral. L’instrumentalisation politique de la justice, la fiabilité du fichier électoral, le choix d’une personnalité indépendante pour gérer les élections, le parrainage sont exactement des sources de conflits qui pourraient entacher l’image de la démocratie africaine.

La récente décision du Conseil constitutionnel d’invalider la candidature de deux adversaires redoutables du président candidat à sa propre succession vient augmenter le climat préélectoral déjà tendu et risque de faire vivre au Sénégal des conflits postélectoraux.

Le Conseil constitutionnel a rejeté 20 des 27 dossiers de candidatures, a accepté dans la première étape du processus de validation de parrainage les candidatures des deux K (Karim Wade et Khalifa Sall), avant de les invalider par la suite sous prétexte qu’ils ne sont pas éligibles à l’élection présidentielle. Le titre du journal Walf Quotidien sur les déclarations du premier ministre, Mahammad Dionne, au sujet du nombre exact de candidats à l’élection présidentielle avant la publication de la liste définitive par la plus haute instance du système judiciaire est une preuve flagrante de l’instrumentalisation des institutions sénégalaises par le pouvoir exécutif: «Mohammed Dionne « décrète« : « Il n’y aura pas cinq candidats face à Macky«  («le 24 février, à 18 heures, tout sera déjà joué»), avait-il même ajouté». Cette déclaration a été confirmée par la décision du Conseil constitutionnel.

Un faisceau d’indices démontrant l’irrégularité du processus électoral

Le président Macky Sall déroule son plan en posant plusieurs gestes et en n’étant nullement inquiété. Dans une entrevue accordée à Jeune Afrique, l’historien, ancien ministre, chef de file de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti et le travail (LDMPT) et représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, dénonçait l’instrumentalisation de la justice par Macky Sall. «Voilà cinquante ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle».

Dans cette même perspective, le leader et candidat à la présidentielle, Ousmane Sonko a exposé, lors d’un rassemblement politique, les différents actes posés par le président pour dérouler arbitrairement son coup de force électorale. « Présidentielle 2019: Sonko soupçonne une fraude à grande échelle », titrait Azactu net, le 5 janvier 2019.

Selon le leader du parti nommé Patriote du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (Pastef), l’élimination de ses adversaires politiques par la validation de cinq candidatures est le premier acte posé par le président candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar (Ensemble pour un Sénégal Émergent) Macky Sall.

Le président sénégalais choisit celui ou celle qui doit voter : 1 500 000 Sénégalais n’ont pas encore reçu leurs cartes d’électeurs à moins d’un mois de la campagne électorale.

Personne n’a reçu le fichier et la carte électorale, poursuit le jeune leader charismatique. Les électeurs et les leaders politiques de l’opposition ne savent pas où se trouvent les bureaux de vote.

Le ministre controversé de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye a redéfini la carte électorale qui concerne plus de 400 000 électeurs entre les régions de Dakar, Diourbel et Thiès (les plus grands centres urbains, poids électoral) et selon le candidat de la Coalition Sonko Président 2019, ce nombre pourrait même atteindre un million de personnes si on y ajoute les 11 autres régions du Sénégal. Pire encore, cette décision volontaire et arbitraire savamment orchestrée par le pouvoir impacterait négativement certains électeurs qui pourraient être surpris lorsqu’ils se présenteront le jour du vote, si rien n’y fait, de constater que leurs noms ne figurent pas sur le registre électoral ou les listes électorales.

Selon toujours l’ancien inspecteur principal des impôts et domaines qui a fait du changement du système politique son combat, les sondages commandités par le président Macky Sall ne lui donnent pas plus de 34% au premier tour de l’élection présidentielle. Cette situation pourrait expliquer la mise à l’écart programmée de candidats potentiels et une imposition de la loi du parrainage votée, sans débat, à l’Assemblée nationale, le 19 avril 2018, obligeant les candidats à l’élection présidentielle à obtenir, dans au moins sept régions du Sénégal, entre 0,8 et 1% des signatures des électeurs inscrits du fichier électoral dans l’espoir de passer à la première étape de la validation de la candidature par le Conseil constitutionnel.

Le président Macky Sall est le seul candidat à l’élection présidentielle à avoir accès au fichier électoral intégralement. Une iniquité dans un État de droit, entre lui et les candidats de l’opposition, qui ont souvent exigé, en vain, l’accès à un fichier réel et équitable. Le Sénégal devait donc préserver ses acquis démocratiques et, sous ce registre, le président Macky Sall a fait donc moins que ses prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sur la démocratie et la bonne gouvernance (rapports tablettés OFNAC, IGE contre ses partisans).

Confronté à l’épreuve des faits, on constate nettement que le président Macky Sall est loin d’être un démocrate.

Le contexte qui prévalait à l’époque de la précédente élection, en 2012, est le même en termes d’arrogance, de gestion familiale et clanique, de brutalité policière, de perception encore plus négative de la justice et de régression d’un État de droit. Si le maire Khalifa SALL avait accepté de soutenir le chef de l’État sénégalais, on ne parlerait pas aujourd’hui de sa condamnation « pour fausses factures». Si le camp présidentiel soutient mordicus, pour se dédouaner, que l’emprisonnement de Khalifa est la conséquence de l’application de la loi, comment expliquer alors les milliers de rapports qui épinglent certaines autorités et qui ne connaissent aucune suite judiciaire, préliminaire ou finale?

Après la décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier d’éliminer leur candidat, les femmes de la Coalition de Khalifa Sall, réunies au Quartier général du député-maire pour préparer une stratégie de combat politique, se sont vues brutalisées et violentées par la police de Macky. Ces braves citoyennes avaient le droit de manifester dans leurs propres locaux par rapport à une décision purement politique et arbitraire.

Des leaders de l’opposition regroupés dans le cadre du C25 (collectif de tous les candidats de l’opposition à la présidentielle) sont venus apporter leur soutien au candidat et à sa Coalition. Le candidat Idrissa Seck, connu pour son éloquence, a résumé, en substance, les raisons d’un risque d’instabilité politique et l’impérieuse nécessité de s’unir pour faire front contre le dictateur Macky Sall.

« (Nous sommes venus) apporter notre soutien pour constater l’agression dont (les) responsables et militants ont fait l’objet avec une rare brutalité comme nous le montre l’état des lieux. Nous sommes venus dans le cadre du C25 exprimer notre solidarité après nous être indignés de cette brutalité policière, de cette violence physique qui n’est que le prolongement de la violence juridique, législative, administrative et technologique que le pouvoir entend utiliser pour écarter des candidats à l’élection présidentielle de 2019 », dénonce celui qui a le verbe facile.

Le président Macky Sall, comme l’a rappelé le candidat recalé à la présidence Malick Gakou, ne compte que sur les forces de l’ordre pour se maintenir au pouvoir, sachant que le peuple lui a définitivement tourné le dos.

Or, la première mission des forces de l’ordre est une mission régalienne, comme l’a souligné le maire Cheikh Gueye, un fervent défenseur du candidat Khalifa Sall.

Le déroulement d’un schéma mis en œuvre par Macky Sall est exécuté à la lettre par son ministre de l’intérieur partisan. Il a juré publiquement de tout faire pour que son candidat gagne au premier tour des élections en inscrivant et faisant voter massivement pour son candidat, alors que des milliers de Sénégalais réclament depuis des mois leurs cartes d’électeurs, un droit constitutionnel. L’ancien ministre de l’Énergie et des Mines a un grand intérêt à ce que le président Macky Sall remporte les élections, puisqu’il serait lui-même impliqué dans certains dossiers (accusation ou soupçons de pots de vin dans différents scandales, dossier Arcelor Mittal, éclaboussé dans le rapport de l’Inspection générale d’État (IGE), Pétro-Tim, Bictogo).

L’opposition a fait, à juste titre, du départ de ce ministre une condition indispensable d’une élection transparente en demandant que l’on confie l’organisation des élections à une personnalité neutre, un acquis démocratique issu d’un consensus électoral sous les anciens présidents, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.

« Chat échaudé craint l’eau froide», dit-on souvent. Après la mauvaise expérience du référendum, des dysfonctionnements dans l’organisation du vote des élections législatives du 30 juillet 2017 étaient notés dans presque tout le pays. L’État avait créé les conditions pour désorganiser volontairement les élections pour reprendre l’expression du célèbre du journaliste indépendant Pape Alé Niang qui avait constaté, comme d’ailleurs tous les citoyens sénégalais, une planification savamment orchestrée par le pouvoir en place pour saboter le vote dans les localités qui ne leur étaient pas favorables. «Une plainte citoyenne (pour dénoncer l’exclusion des milliers de Sénégalais de leurs droits civiques consacrés par la constitution) était (même) déposée devant la cour de la justice de la CEDEAO».

Les candidats à la présidentielle ont été recalés sur la base d’un fichier de référence auquel un seul candidat, en l’occurrence le président Macky Sall, avait accès, un favoritisme et une grave discrimination.

Le président de la République, qui jubile après avoir mis en œuvre le parrainage, déroule tranquillement son plan de liquidation des adversaires. Les candidats à la présidentielle ont été recalés sur la base d’un fichier de référence auquel un seul candidat, en l’occurrence le président Macky Sall, avait accès, un favoritisme et une grave discrimination.

Si la validation du parrainage est matérialisée par la vérification des signatures des électeurs, comment le Conseil constitutionnel peut-il simplement effectuer des vérifications sur «la base des seuls supports contenant les fichiers électroniques», comme l’a d’ailleurs souligné l’opposition, regroupée au sein de la Plateforme opérationnelle de sécurisation des élections (POSE), dans une lettre ouverte au président et aux membres du Conseil constitutionnel. Elle y réclamait le rétablissement dans leurs droits des 20 candidats recalés. Les difficultés de la loi électorale concernent le fait que les décisions du Conseil constitutionnel sont susceptibles de ne faire l’objet d’aucun recours.

Comment les Sénégalais peuvent-ils avoir confiance en leur justice alors que chaque fois, ils constatent l’instrumentalisation politique de cette institution qui est le dernier rempart dans un État de droit?

Après avoir mis en œuvre sournoisement son plan de liquidation des adversaires, le président Macky Sall nargue les candidats recalés par le Conseil constitutionnel en leur demandant de rester « sur le banc de touche », ne prenant ainsi aucune hauteur à la fonction présidentielle. Le président le plus impopulaire du Sénégal désacralise, par ses gestes antidémocratiques et d’inélégance républicaine, le statut de la plus haute institution du pays.

Doudou Sow, blogueur, citoyen socialement engagé et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs 2017

Source : Integrationemploi

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