La nuit tombe sur Dakar. Mais la ville ne s’assoupit pas. Bien au contraire. Les “cars rapides”, de vieux mini-bus repeints en jaune et bleu sont pris d’assaut par des Sénégalais de tous les âges. Des enfants montent sur les toits. Des femmes avec leur bébé sur le dos s’accrochent à l’arrière des véhicules bringuebalants. Personne ne veut rester en rade. Ceux qui n’ont pas trouvé place sur les “cars rapides” marchent à côté des véhicules qui répandent une fumée noire et nauséabonde dans la nuit étoilée.
Situation de Touba.
Situation de Touba.AURÉLIE BOISSIÈRE
Les marcheurs vont presque aussi vite que les véhicules, tellement la circulation est difficile. Ils suivent la noria de cars, de camions et de voitures. Tout le monde donne l’impression de quitter la ville en même temps. Et pourtant il ne peut s’agir d’une guerre. D’un exode. Bien au contraire, l’ambiance est joyeuse. Festive. Un joyeux bazar. Chaque année au moment du magal de Touba – la grande fête de la confrérie mouride – la même frénésie recommence.
Les fidèles doivent suivre le commandement de leur marabout, de leur grand calife. Il faut se rendre, si leurs finances le permettent, dans leur ville sainte. Ils viennent du monde entier. De Paris, de New York, de Milan. Et bien sûr et surtout de Dakar. Pendant le magal de Touba, la capitale sénégalaise – peuplée d’ordinaire de deux à trois millions d’habitants – se vide.
Tous les Sénégalais ne sont pas mourides. Cette confrérie représente 35 % de la population. Mais elle exerce une influence croissante sur le pays. “Leur poids économique est très important, notamment dans le domaine des transports. Quand les mourides ne travaillent pas, il n’y pas presque plus de transport au Sénégal”, souligne Mamadou Wane, un commerçant dakarois.
Touba, la ville sainte des mourides, est située à deux heures de route de Dakar. Et cette cité fait de plus en plus figure de grande rivale de la capitale. Sa croissance est spectaculaire. Elle a vu le jour en pleine savane, dans une région très chaude, loin des côtes. Elle s’est développée autour d’une immense mosquée achevée en 1964. Aujourd’hui, Touba compte plus d’un million d’habitants contre 300 000 en 1993. Chrétiens ou musulmans, autres que des mourides, fréquentent peu cette ville. Même s’ils y sont les bienvenus.
Touba ne ressemble en rien au reste du Sénégal, un pays où règne un climat d’assez grande permissivité. Ici, le visiteur doit s’arrêter à un barrage situé à l’entrée de la ville. Les calèches tirées par des ânes ou des chevaux font la course avec les voitures, de vieilles Peugeot poussives ou des Mercedes flambant neuves. À Touba, la plus grande richesse côtoie l’intense misère.
À l’entrée de la ville, la police du calife des mourides vérifie le contenu des véhicules. Passées les portes, l’atmosphère austère règne. L’alcool est prohibé. De même pour les cinémas. La voix et la musique dansante du chanteur Yousou N’Dour, qui rythment la vie du reste du Sénégal, ne se font pas entendre. En lieu et place, on entend les chants religieux, diffusés par haut-parleurs.
Spectacle si familier en Afrique, le football est ici interdit. Pour justifier cette décision, des habitants de Touba expliquent : “Ce sport a été inventé par des juifs qui jouaient avec la tête d’un descendant du Prophète.” Même la cigarette et les jupes ne font pas partie du paysage urbain.
A Touba, toutes les femmes ne sont pas voilées, loin s’en faut. Au Sénégal, mouride ou pas, on ne plaisante pas avec les canons de la beauté. Dans ses mémoires, Nelson Mandela, grand amateur de beauté féminine, explique que les Sénégalaises sont les femmes les plus élégantes d’Afrique. Quoiqu’il en soit, elles mettent un point d’honneur à être à la hauteur de leur réputation. Même dans les pires bidonvilles du pays, des jeunes femmes déambulent dans des tenues impeccables, tels des mannequins venus d’ailleurs pour un défilé de mode improvisé.
Touba n’est en rien une ville sage. La circulation est des plus chaotiques. Le code de la route est souvent ignoré : des calèches et des voitures roulent dans la file de gauche. En réalité, l’incivisme est d’autant plus grand que les représentants de l’État n’ont pas droit de cité dans la ville sainte. Les talibés (disciples) du calife sont chargés du service d’ordre. Pour répondre aux cas de force majeure, une gendarmerie a été installée en périphérie. À la question du nombre de gendarmes en poste, le commandant répond que “le chiffre est top secret”! En fait, elle compte à peine une trentaine d’hommes. Et aucune intervention à Touba ne peut se faire sans l’accord du calife. Chef religieux tout puissant devant lequel le chef de l’État lui-même se prosterne.
Avant les élections, Abdoulaye Wade fait d’ailleurs bénir ses candidats par le “grand marabout” mouride. Interrogé sur les pouvoirs réels de la gendarmerie, un magistrat sénégalais affirme qu’ils sont minimes. “Si le commandant de la brigade spéciale déplaît au marabout, au grand calife, il est immédiatement révoqué. Ils le savent et se tiennent à carreau !” Un juge d’instruction dakarois souligne que des conflits, parfois violents, se multiplient à Touba. “Dans cette ville, il n’existe aucun titre foncier.
Il suffit qu’un chef religieux donne une terre à un disciple pour que celui-ci se considère comme propriétaire. Parfois, des marabouts rivaux offrent la même propriété à plusieurs personnes.” Des Sénégalais qui n’appartiennent pas à cette confrérie trouvent qu’elle a trop de privilèges : “À Touba, les mourides ne paient aucun impôt. Ils font de l’import-export et ne sont soumis à aucune taxe. Ils pratiquent une concurrence déloyale tout en bénéficiant des infrastructures payées par tous les Sénégalais”, s’emporte Hassan, un habitant de la région qui n’appartient pas à cette confrérie.
L’austérité de Touba ne convient pas à tous les mourides. Loin de là. “Bon nombre d’entre eux ont pris l’habitude de faire de temps à autre un tour à Mbacké, la ville voisine”, m’explique avec le sourire un habitant de Touba. À Mbacké, l’ambiance change du tout au tout. Des cinémas projettent des films d’un genre pas très religieux. Avec des fouets et des femmes très court vêtues. Les affiches sont visibles depuis la route. “Du moment que tout ça se passe hors de Touba, personne ne s’en offusque et puis c’est bon pour le commerce et la décompression”, m’explique un habitué des lieux.
Nouveau venu dans la ville, un chauffeur de taxi, avoue sans ambages qu’il a rejoint la ville sainte pour s’enrichir : “Ici, je ne paie pas de patente. Et mon marabout m’a donné une terre. On ne paie même pas l’eau.” Seul bémol, les mourides doivent reverser une importante “dîme” à leurs chefs religieux.
Mais le mouridisme fait d’autant plus d’adeptes que ses disciples savent que leur mouvement a le vent en poupe depuis l’accession au pouvoir de l’un des leurs, le président Abdoulaye Wade, en 2000. Moustapha Cissé Lo, l’un des chefs religieux en charge des finances de Touba, fait bien volontiers visiter aux journalistes la suite où le président Wade vient passer ses week-ends. “Depuis que Wade est au pouvoir, on se sent enfin compris”, précise-t-il.
Pourtant, les relations étroites entre le président et sa confrérie irritent beaucoup de ses compatriotes. “Les autres Sénégalais ont l’impression d’être traités comme des citoyens de seconde zone. Et ils pensent que les principes de la laïcité sont remis en cause. Le président a tort de jouer cette carte confrérique. Les mourides sont puissants économiquement. Mais ils ne sont pas majoritaires au Sénégal. Le président ne doit pas l’oublier, s’il veut être réélu. Notre pays est une démocratie”, estime Souleymane, un magistrat en poste dans la région de Touba.
À quelques kilomètres de là, les tidianes, l’autre grande confrérie du pays, possèdent eux aussi leur ville sainte. Mais à Tivaouane, le climat est différent. Au centre de la ville, le visiteur croise une gendarmerie et un Palais de justice.
“Nous les tidianes nous sommes favorables au concept de laïcité. Pour nous, certaines prérogatives – telles que la justice et la police – doivent rester de la compétence de l’État.”
Dans cette ville, l’on ressent beaucoup moins l’influence de la religion qu’à Touba. Les symboles de l’État sont bel et bien mis en évidence. Des écoles de la République, surnommée ici “écoles françaises”, car l’on y enseigne la langue française. Et aussi parce qu’elles sont perçues comme porteuses des valeurs de la culture occidentale.
À Touba, c’est la langue wolof qui règne presque sans partage. Il n’est pas toujours aisé d’y trouver quelqu’un qui manie bien la langue de Molière. Même la construction d' »écoles françaises » a été refusée. Seules les écoles coraniques sont admises dans la ville.
Le “climat” est différent à Tivaouane. “Plus ouvert, moins austère”, me dit un autre habitant de la ville. Pourtant, tout n’est pas permis à Tivaouane. Les chrétiens n’ont pas obtenu l’autorisation d’y construire une église dans la ville. Une autorisation refusée récemment. Alors même que 10 % des Sénégalais sont chrétiens.
Une ambiance relativement décontractée règne jusque devant la grande mosquée de Tivaouane. Des hommes discutent tranquillement à l’ombre des frondaisons, à deux pas de leurs voitures, des Peugeot rutilantes. Tandis qu’une jeune élégante passe en marchant avec nonchalance et élégance devant la mosquée. La tête presque nue, tant son voile est discret, le port altier se déplace de façon à mettre en valeur ses chaussures à hauts talons et sa robe moulante. La belle se plaît à faire tourner les têtes. Fière d’être l’une des femmes les plus élégantes de la ville. Personne ne semble choqué par sa tenue vestimentaire “sexy”. À Tivaouane beaucoup de femmes ne portent pas le voile. Les jeans moulants et les tailles basses sont portés par les jeunes filles.
Tout semble aller de soi dans cette ville tranquille au charme discret. A la sortie de la ville, le propriétaire d’une boutique qui diffuse les chants religieux “à fond” n’est pas un “fanatique” essayant de faire du prosélytisme. Il veut juste attirer l’attention sur ses marchandises. Il s’agit seulement d’une technique de marketing. Outre les cassettes de chant religieux, il propose une multitude de DVD. Les derniers James Bond et l’oeuvre presque complète de Sylvester Stallone. Même l’agent 007, Rambo et Terminator ont droit de cité dans la ville sainte. À deux pas des cassettes de chants religieux.
Rien à voir avec le climat qui règne dans d’autres capitales religieuses du monde musulman. Un fidèle qui s’apprête à faire ses ablutions avant d’entrer dans la grande mosquée explique avec un regard malicieux : “Belle leçon de tolérance à la sénégalaise.”
Pierre Cherruau
Marabouts
Au Sénégal, les marabouts, les chefs religieux des mourides, ont un immense pouvoir sur leurs disciples. Ils peuvent par exemple leur demander d’arrêter toutes leurs activités séance tenante afin d’aller cultiver les champs de leurs chefs religieux. Les marabouts mourides sont très fréquemment de grands propriétaires terriens et des cultivateurs, notamment d’arachides. Le pays compte des milliers de marabouts.
Laïcité
Ancienne colonie française, le Sénégal a aussi fait sien le principe de laïcité. Le premier président Léopold Sedar Senghor, un chrétien, au pouvoir de 1960 à 1980, était d’ailleurs un ardent défenseur de ce principe. De même que son successeur Adbou Diouf qui a régné de 1980 à 2000.
Mais l’actuel chef de l’Etat, Abdoulaye Wade ne cache pas de quel côté son coeur balance. Wade affirme qu’il les soutient parce qu’il a “été élu par eux”. Et il se prosterne devant le grand marabout de cette confrérie.
Talibés
Ces élèves des écoles coraniques sont près de 100 000 à mendier dans tout le Sénégal pour le compte de leur marabout. En échange de l’argent qu’ils rapportent à ce dernier, les talibés reçoivent la nourriture, le gîte et une formation religieuse, prodiguée par leur maître spirituel.
Pratique
Y ALLER
Cinq heures de vol entre Paris et Dakar. Destination bien desservie notamment par Air France, la RAM et Iberia. A partir de 400 €.
Les Français n’ont pas besoin de visa pour entrer au Sénégal.
Deux heures de voiture entre la capitale sénégalaise et Touba ; la route est bonne, bien bitumée.
QUAND ?
En décembre, janvier et février, le temps est très clément. Moins chaud que le reste de l’année.
OU DORMIR ?
Mieux vaut dormir à Dakar. La ville sainte des mourides n’a pas été conçue pour accueillir des hôtels.
Article paru dans l’édition du magazine Ulysse de novembre – décembre 2010
Titre anti islamique contenu pauvre il faut rendre à cheikh ahmadou bamba à ce qui appartient à cheikh ahmadou bamba c’est l’islam pure comme pour Maodo malick sy se sont nous nos références pour toujours
Tivaoune n’appartient pas a la famille Sy. Cette famille y détient un quartier. La ville existe bien avant qu’Elhadji Malick n’y arrive. Quand on y tuait Samba Laobe Fall Elhadji Malick etait encore a Saint-Louis ou N’diarné chez Serigne Magoumba Amar. Touba est un titre foncier au nom de Khadimourasol qui a achete le titre foncier pendant la colonisation. Et apres a chaquefois que la ville grandit on paie encore des droits fonciers. Tivaoune appartient a L’Etat du Senegal. C’est ville comme Bambey, kebemer et autres. Donc elle doit etre Laique