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Decouverte: EL HADJI BASSIROU DIAGNE, le pelerin Lebou

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Date éminemment historique à l’échelle mondiale, comme le sont tant d’autres jours, le 25 mars n’en est pas moins fatidique dans le destin de notre cher pays. En effet, c’est en ce jour, à différentes années, qu’eurent lieu de grands événements heureux comme tristes qui marqueront à jamais les Sénégalais. Si en 1957, cette date coïncide avec le rappel à Dieu du premier khalife général des tidianes, Serigne Ababacar Sy, elle marque, en 2012, l’arrivée au pouvoir, à la faveur de la deuxième alternance politique, du président Macky Sall. L’année suivante, soit en 2013, c’est un autre digne fils du Sénégal qui sera sevré de ses compatriotes. Il s’agit de El Hadji Bassirou Diagne Maréme Diop qui se dévêtait ainsi de son manteau de dix-huitième Grand Serigne de Dakar, au terme d’une mission qui aura duré vingt-huit années. En ce deuxième anniversaire de son rappel à Dieu, occasion ne peut-être plus grande pour se rappeler de l’homme à travers différentes facettes de sa personnalité et son riche parcours.


De par ses actions et ses combats, bref, ses expériences de Grand Serigne, El Hadji Bassirou Diagne s’était finalement forgé une forte personnalité que les Sénégalais ne cessaient d’admirer au fil des années et des événements qui ont jalonné le passé relativement récent du Sénégal. Signe distinctif de sa notabilité légendaire : sa présence donnait prestige et solennité à toutes les cérémonies auxquelles il assistait. Rien que regarder Bassirou Diagne, contempler sa toilette, admirer sa prestance et sa beauté, écouter sa parole vive et attentive demeurait une passion pour beaucoup de ses contemporains. En lui, tout sublimait la culture sénégalaise, léboue de surcroit. Son accoutrement traditionnel atypique, qui nous a tant émerveillés, en est le signe le plus patent. Quand il se parait de ses atours de chef traditionnel sur un grand-boubou bien empesé, ses airs de grand seigneur s’affirmaient davantage.
Mais El Hadji Bassirou Diagne représentait beaucoup plus que cela. Nombreux sont les Sénégalais qui mesurent son importance par le biais de son assiduité à honorer de sa présence certains grands événements. Pourtant ces apparitions publiques, aussi nombreuses et expressives qu’elles soient, ne sont que l’arbre qui cache la forêt dense de missions et d’actions salutaires, lesquelles eurent pour but ultime le renforcement de notre commun vouloir-vivre ensemble. Bien que la presse eut quelques fois l’occasion de relayer l’actualité de son travail pour des raisons d’utilité publique, il reste cependant évident que le grand public, à de rares exceptions prés, n’eut pu avoir écho des plus délicates missions qu’il accomplissait et réussissait. Les rigueurs de sa discrétion en furent la cause.
En guise d’exemple, rappelons la médiation de haute portée qu’il accomplit au mois de août-septembre 2008 en terre libyenne. Cette action diplomatique en question, en plus d’avoir été réussie hors du pays, concernait, au-delà du peuple léboue, tout le Sénégal. En effet, quarante-et-un (41) émigrés clandestins sénégalais emprisonnés dans les geôles de la Lybie furent libérés grâce à son entregent. Aux sources de l’histoire, il revient que le chef de la collectivité léboue, à l’invitation du guide de la révolution libyenne, Mouammar El Khadafi, était en séjour en Libye du 23 août au 2 septembre 2008, accompagné d’une délégation restreinte. Ayant eu écho de l’emprisonnement depuis un mois de quarante-et-un (41) Sénégalais à la prison de la ville libyenne de Sebha pour immigration clandestine, El Hadji Bassirou Diagne décida alors d’offrir sa médiation au profit de ses compatriotes. C’est ainsi qu’il réserva le contenu de sa première audience avec Kadhafi au sort des clandestins, plaidant ainsi pour leur libération. Cette intercession courageuse porta ses fruits. Et plus tôt qu’on ne l’imaginait. Car, sur décision du Gouvernement libyen, non seulement sept (7) des détenus sénégalais furent relâchés illico presto, mais le reste du groupe, dont l’état des dossiers méritait un examen judicieux, l’eut été quelques jours plus tard. Tous ont pu ainsi regagner le territoire national sans le moindre souci. Grâce à Bassirou Diagne. Cette médiation réussie par le chancelier léboue montre à bien des égards la marque d’estime que les autorités africaines, dont Kadhafi fut l’une des plus charismatiques, portaient à son endroit. 
L’autre facette du défunt chef léboue, c’est son statut d’artisan de la paix au sens artistique et laborieux du terme. Animé d’une volonté chevronnée de restaurer dans la conscience collective des Sénégalais, l’esprit traditionnel de solidarité et d’entente dans lequel nos aïeux avaient imbibé leur société, ce leader charismatique s’est illustré dans ces domaines en tant que missionnaire infatigable de la paix et militant du dialogue islamo-chrétien. Sur ce registre, suffit-il de rappeler son geste ô combien symbolique consistant à donner, le jour de la Tabaski, un bélier à son voisin prêtre de l’église de la Zone A, et que celui-ci le lui rendait bien en lui offrant du Ngalakh en veille de pacques.
En tant que dépositaire du mysticisme léboue et des valeurs intrinsèques d’un peuple dont la générosité et le culte du travail détermine l’existence, il s’est fortement embourbé de « jom », de « fulla » et de « kersa » dans toutes les circonstances de sa vie. La qualité de sa personne et la noblesse de sa mission pour le Sénégal se mesurent à travers l’image du « Sénégal personnifié » qu’il renvoyait à ses concitoyens au service desquels il a toujours été.
De lui, on retient aussi le souvenir d’un humaniste soucieux d’un devoir social qu’il remplissait à merveille à travers ses actions de médiation et caritatives. Son temps, bien que chargé, n’épargnait aucun règlement de conflit, son argent, aucune sollicitation valable. Même durant sa maladie, il ne cessait de jouer ce rôle de bienfaiteur social, d’apporter son assistance à qui de droit. Qu’elle soit matérielle, sociale ou morale, cette assistance n’a jamais failli. Même sur son lit de mort, il tenait à satisfaire diverses sollicitations de personnes nécessiteuses. Autant dire qu’il se préoccupait moins de sa personne et de sa santé que des autres.


Aussi, malgré sa maladie qu’il supportât stoïquement et dignement, le chef suprême de la collectivité léboue n’en fut pas moins touché par des événements malheureux qui se sont succédé durant les deux dernières années de sa vie. Lesquels concernent des personnalités qui lui étaient intimement liées, mais arrachées à son affection sans que le destin ne leur permît de faire leurs adieux. De fait, il avait été très affecté par la liquidation atroce de son ami, l’ancien président libyen, Mouammar Kadhafi, mais aussi par la disparition de son guide, le khalife général des tidianes, Serigne Mansour Sy, à qui il offrit la tenue portée lors de son dernier Maouloud. Pis, 33 jours seulement avant son décès, Bassirou Diagne devra supporter, la mort dans l’âme, le décès de l’autre grand Serigne, son oncle de sang, El Hadji Massamba Coki Diop avec qui il entretenait de rapports bienveillants. Hormis cette page nécrologique, l’autre chose qui lui a beaucoup fait mal fut l’emprisonnement de certains dignitaires de l’ancien régime d’Abdoulaye Wade, impliqués dans la fameuse traque des biens mal acquis enclenchée par le président Macky Sall dés son arrivée au pouvoir. Supportant mal de voir de l’humiliation dont subissaient certaines personnalités, El Hadji Bassirou s’était décidé maintes reprises, et malgré sa santé chancelante, à s’en ouvrir au président de la République afin qu’il fît recours à d’autres moyens de recouvrement des biens de l’État supposés gaspillés. Malheureusement, il en sera dissuadé par sa famille qui était soucieuse de son état de santé.
Au côté de ce genre de missions, il est demeuré un grand serviteur de l’Islam. Par le nombre important de pèlerins du Hajj pour qui il supportait tous les frais et par l’importance de beaucoup d’autres actes nobles accomplis dans la discrétion. À propos de l’action musulmane de Bassirou Diagne, faudra-t-il rappeler que ses efforts pour faire découvrir ses coreligionnaires les Lieux saints de l’Islam étaient plus soutenus avant son élection. En effet, nombreuses sont ses proches qui s’accordent à croire qu’il a offert plus de billets quand il était Inspecteur de police, puis opérateur économique.
Voilà un peu sur El Hadji Bassirou Diagne, le prince lébou. Investi de la mission à la fois noble, sensible et grandiose de présider aux destinées d’une communauté marquée par la diversité confrérique, politique…, il s’est illustré par une intelligence rare et un esprit soutenu de tolérance et de dépassement. Cette manière de faire eut le double effet de lui faire éviter pas mal de tensions internes comme externes -sur lesquelles nous aurons l’occasion d’y revenir, et de le rapprocher de ses débiteurs des premières années de Grand serigne. Mais aussi de faire émerger autour de lui la sympathie des Sénégalais de toutes obédiences confondues.
Mansour Gaye

Histoire d’Afrique

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