Au Sénégal, le développement rural se réduit quasiment au développement agricole. Avec une frange majoritaire de sa population rurale, le progrès rural est recherché pour un développement global, intégral et intégré. Toutefois, nombreux sont les experts du développement rural dénonçant une instabilité de politique dans le domaine du développement rural. La politique de développement rural ou agricole est plutôt des politiques, des divers régimes que scientifiques, issue des concertations entre scientifiques et acteurs avalisée par le régime du moment. D’où Mohamed Mbodji, dans la crise trentenaire de l’arachide, 1992 doutait de l’existence d’une politique agricole : « l’Etat n’a pas de politique de rechange…» S’il est vrai que les intentions et ambitions politiques sont fort louables dans ce domaine force est de reconnaitre que ce terrain est beaucoup plus du ressort des scientifiques et des acteurs que de celui des politiques qui devraient selon les moyens à disposition avaliser et accompagner les praticiens. En effet, ces deux dernières décennies, à travers deux régimes libéraux moult plans et programmes de dynamisation de l’agriculture ont fait leur incursion (GOANA, REVA, plan SESAME…sous Wade ; avec Sall ce fut PRACAS, PRODAC, DAC, ANIDA…). A travers ses plans et programmes qui pouvaient être salutaires car apportant du sang neuf, l’Etat met en exergue une agriculture des grandes exploitations, aujourd’hui encore pas du tout populaire au détriment d’une modernisation ou accompagnement adéquat de l’agriculture majoritaire familiale oubliée.
Ainsi, à ‘’l’éternel recommencement’’ dénoncé par Sarkozy, à l’archaïsme de l’agriculture sénégalaise ont voulu mettre un terme nos gouvernants en y accolant une agriculture de grandes exploitations très médiatique et dont le bilan tarde à être fait surtout avec le scandale financier du PRODAC. En effet, ces exploitations modernisées sont encore très localisées, ont un agenda dont l’exécution ou les étapes d’exécution restent floues. Et le grand nombre des sénégalais se pose aujourd’hui des questions quant à leur rentabilité, leur impact en termes d’emplois et d’accélération de la croissance de l’agriculture comme annoncée. A ce registre du bilan, il est aujourd’hui notable que ces différents programmes ont l’apparence d’une expérimentation très circonscrite, font figure de gouffres à milliards, au chapitre du bénéfice que ce soit dans la consommation, le rendement, les retombées en terme de devises et d’emplois, ces programmes n’ont pas été à la hauteur des annonces de démarrage.
Toutefois, dans le monde rural en général, les différents plans gouvernementaux d’infrastructures tel le PUDC, de soutien comme les bourses familiales, d’autosuffisance alimentaire avec la production en quantité et qualité du riz, de capacitation comme le PSE-vert marquent un certain retour au réalisme qu’est le ruralisme de nos politiques de développement d’où est notable un léger mieux avec un rétrécissement des périodes de soudure dans beaucoup de zones. A ce titre, le président de la République Macky Sall est le premier chef d’Etat africain à recevoir la plus haute distinction de l’Académie des sciences et techniques d’agriculture de la France”. Selon le président de cette académie, ‘’les performances de l’agriculture se sont considérablement améliorées depuis l’arrivée du président Macky Sall à la tête du pays et l’histoire lui a donné raison parce que la croissance dans le secteur agricole a battu un record en 2017 avec un million de tonnes de riz”. Et le président Sall de le conforter : “L’agriculture à la part productive la plus importante à la croissance avec 16, 8 %, ce qui prouve que l’agriculture est la force motrice qui doit tirer la croissance du pays”. Un autre, cette fois ci expert du pays et conseiller numéro un au ministère de l’agriculture clame, chiffres à l’appui l’avancée agricole du pays ces dernières années. En effet, le sieur Youssoupha Diallo, à travers un article intitulé : « Par devoir de vérité sur l’agriculture sénégalaise» défend l’idée d’un bond considérable de l’agriculture sénégalaise tant en intrants qu’en rendements : « Pour dire vrai, notre Agriculture est depuis quasiment 5 ans dans une dynamique nouvelle de transformations positives, de modernisation et de performances remarquables.» Mr Diallo parle de l’option d’une agriculture productive, diversifiée et compétitive tirée principalement par 4 filières motrices : le riz et les céréales, l’arachide, l’oignon, les fruits et légumes de contre- saison. Il poursuit : « Dans le PRACAS, version opérationnelle du PSE dans le secteur de l’Agriculture, la stratégie pour l’atteinte de ces objectifs est ainsi déclinée :
• Equipement du monde rural en matériels à traction animale (agriculture familiale) en matériels motorisés (agriculture fermière) ;
• Systématisation et de généralisation l’utilisation des semences sélectionnées et des engrais ;
• Renforcement des moyens des structures de recherche agricole et d’encadrement et de conseil ;
• Amélioration des politiques agricoles, pour accroitre sa résilience aux changements climatiques ;
• Maitrise de l’eau ;
• Renforcement des cultures irriguées dans la vallée du fleuve Sénégal, le Bassin de l’Anambé
• Réduction des pertes post-récoltes, amélioration de la mise en marché et de la qualité ;
• Développement des chaines de valeurs agroalimentaires. »
Et Mr le Conseiller numéro 1 du MAER. Président du Club Sénégal Emergent, et PCA de SONACOS-SA de continuer son argumentaire : « Ainsi, la valeur ajoutée du sous-secteur de l’agriculture est passée de 344 milliards en 2011 à 469 milliards en 2016 soit une augmentation en valeur absolue de 125 milliards et de 36,34% en valeur relative sur la même période, ce qui représente une croissance moyenne annuelle de 9,085%, taux supérieur à celui de la croissance globale de l’économie sur la même période (6,4%).
Incontestablement, l’Agriculture tire notre économie, c’est une locomotive de notre croissance. De 2012 à 2016 plus de 302,5 milliards ont été investis dans le secteur dont 78,3 milliards pour les équipements et le matériel agricoles.
Des résultats spectaculaires et records ont été enregistrés dans presque toutes les spéculations.
Production 2013 2017
Riz 436.153 T 1.015.000 T
Arachides 677.456 T 1.411.574 T
Oignons 230.000 T 400.000 T
Fruits et légumes de contre-saison 62.226 T 104.645 T
La production de céréales (riz, mil, sorgho, fonio, maïs.) s’établit en 2017 à 2.516.466 tonnes soit une hausse de 18% par rapport à 2016 et 73% par rapport à la moyenne des 5 dernières années. Pour les exportations de fruits et légumes en 2017 106.000 tonnes ont été réalisées soit une hausse de 17% par rapport à 2016.
• 4.991 unités de matériels agricoles motorisées dont 1320 tracteurs sans compter les 1000 unités réceptionnées récemment venant de l’Inde dont 520 tracteurs. Le reste des unités est constitué de motoculteurs, de moissonneuses batteuses, de batteuses à riz, décortiqueuses etc.
• 61.523 unités de matériels agricoles attelés (houe, semoirs, charrues, charrettes……). »
Si on effectue un constat d’étape on voit que le matériel motorisé n’est pas étendu aux exploitations familiales (EF) majoritaires d’où du matériel motorisé tournant devrait progressivement être mis à disposition de l’agriculture familiale pour un plus grand impact, la qualité des semences reste décriée d’où des semences adaptées aux différentes zones agricoles sont attendues par une plus grande intégration-application de la recherche. les politiques agricoles sont encore loin de transformer l’agriculture familiale majoritaire qui n’a pas varié mais persistent dans ses carences (archaïsme matériel, non respect et inadéquation des engagements lors des subventions et de la commercialisation), dans le bassin arachidier en manque d’eaux de surface pas de système de rétention consistant alors que le projet des vallées fossiles est à ce jour enterré d’où l’équation de l’eau, les zones à réseaux hydriques sont des espaces de plus en plus disputés d’où des problèmes fonciers donc la privatisation agricole devrait impliquer les populations riveraines formées et recrutées, les problèmes de stockage, de transformation, de commercialisation sont notoires, constituent un défi ancien, aujourd’hui déclaré comme tel par les gouvernants. Des agropoles zonaux sont annoncés à cet effet, mais tardent à se matérialiser. Aussi, les chiffres sur les rendements, les devises déclarées ne sont pas toujours vérifiables, d’où l’agriculture déclarée locomotive économique du pays connait des invendus, des retards lors de la commercialisation et des subventions, quelle est la contribution des programmes agricoles du régime?
En ce qui concerne la déclinante huilerie arachidière qu’est la SONACOS, après une privatisation précipitée selon le Professeur Sow, Jabber d’advens a malmené l’entreprise, aujourd’hui rachetée par l’Etat qui sous la conduite de l’ex directeur Dieng a tenté de stabiliser l’entreprise qu’il a déclaré sans bons impayés lors de sa passation de service avec le nouveau directeur Modou Diagne Fada. Aujourd’hui, une reprise timide de la SONACOS est enclenchée cela avec une kyrielle de mesure d’accompagnement, ainsi le peint Mr Youssoupha Diallo, Conseiller numéro 1 du MAER. Président du Club Sénégal Emergent, et PCA de SONACOS-SA : « Lorsque le Président Macky SALL reprenait SUNEOR, toutes les cinq usines Dakar, Kaolack, Diourbel, Louga et Ziguinchor étaient totalement à l’arrêt ; la dette de l’entreprise vis-à-vis des banques et fournisseurs se chiffrait à plus de 45 milliards, les pertes de plus de 50 milliards. La collecte 2015/2016 était de 7146 tonnes. La nationalisation de SUNEOR, rebaptisée SONACOS-SA suite à la nomination de nouveaux dirigeants, a permis de redresser rapidement la barre. Les cinq unités industrielles reprennent activité en moins d’un an, la collecte arachidière passe de 7.146 tonnes en 2015/2016 à 96.000 tonnes en 2016/2017 et plus de 187.000 tonnes en 2017/2018. Pour permettre aux huileries sénégalaises de faire face aux fluctuations, à la baisse des cours mondiaux des huiles et tourteaux, d’avoir un meilleur équilibre financier et de s’approvisionner en graines, deux mesures fortes ont été prises par le président Macky SALL :
• La signature du Protocole Etat-huiliers lors de la campagne 2013/2014.L’Etat s’engage ainsi à appuyer les huiliers contre les pertes consécutives aux fluctuations baissières des prix sur le marché mondial à la fixation d’un prix plancher rémunérateur pour les producteurs (passage de 175F à 210F CFA le kilo)
• L’instauration d’une taxe conjoncturelle à l’exportation des graines de 40 FCFA par kilogramme d’arachide décortiquée.
Ensuite, conformément aux orientations du PSE, il a été décidé d’augmenter la consommation domestique d’huile d’arachide raffinée à hauteur de 30% de la consommation nationale (200.000T). Des mesures commerciales et fiscales conséquentes ont été prises. Les importateurs d’huiles étrangères sont astreints à acheter un quota d’huile d’arachide raffinée avant d’avoir l’autorisation d’importation.» Ainsi, nous avons droit à un protectionnisme à l’exportation comme à l’importation rationnalisé car concerté en faveur de l’entreprise, garantie aux producteurs, des mesures incitatives de dynamisation allant vers l’installation de mini agro industries servant la sonacos : « l’émergence d’une chaine de valeurs nouvelle et autocentrée.» Mr Diallo reconnait des progrès fragiles à poursuivre
Certes, la chaine de valeur riz sénégalais est une fierté à consolider d’où
: «une dynamique de renforcement de la chaine de valeurs riz est à l’œuvre dans la vallée du Fleuve Sénégal et le Bassin de l’Anambé avec la production, la transformation par des unités modernes et la consolidation et l’élargissement véritable d’un marché intérieur de commercialisation de riz ».
Concrètement, aujourd’hui, pour que l’on puisse parler de nouvelle donne agricole au Sénégal, il nous faut apporter un certain nombre de correctifs au secteur, cela notamment à travers l’application par les gouvernants d’une politique consensuelle entre acteurs et scientifiques ayant dans le viseur les demandes locale et extérieure mais surtout le déterminisme physique zonal à optimiser. Il urge aujourd’hui d’amorcer une dotation matérielle adaptée à adopter à grande échelle d’où une adhésion ou inclusion populaire donc dans l’agriculture familiale aussi. En effet, il faudrait du matériel motorisé léger pour préserver la biodiversité, lequel matériel tournant sera affecté aux exploitations familiales d’une certaine dimension. Par ailleurs, le journaliste consultant de la RTS, Barry souhaitait pour sa part une accentuation de la formation agricole. Cependant, des formations universitaires peu être pléthoriques sont fournies à travers des UFR à l’université de St louis, de Kaolack, de Ziguinchor, de Bambey, de Thiès, de Dakar et bientôt de Dakar banlieue ; donc faudrait surtout multiplier les écoles ateliers comme celle dans les temps installée par les espagnols à l’université de St louis. Ces écoles ateliers n’ont pas d’exigences contraignantes en termes de diplômes ou niveaux d’étude donc recrutent de jeunes agriculteurs surtout ruraux facilement d’où le transfert de technologie se fera et l’insertion ne pose pas problème. La formation spécialisée en machinisme agricole des jeunes agriculteurs par ces écoles ateliers serait la bienvenue pour faire transiter notre agriculture du passé au présent. Dans ce sens, l’érection d’un corps de volontaires de l’agriculture est une priorité pour épauler l’agence nationale de conseil agricole et rurale (ANCAR) et les directions régionales de développement rural (DRDR) en insérant les formés au chômage. Le contrat entre la Sonacos et des prestataires de services pour triturer et décortiquer est peut être un début de restitution des avantages du système carreaux-usine captés par des affairistes opérateurs. Mais aussi, un début de capacitation en agro industrie des producteurs chargés de triturer pour pouvoir savoir intégrer les agropoles annoncés à cet effet malgré le retard de ceux-ci car encore sans signes annonciateurs dans le bassin arachidier où le stockage, la transformation, et la commercialisation demandent à être pris en compte ; d’ailleurs : « y’a des défis de transformation et d’industrialisation » déclarait en connaissance de cause le premier ministre. Dans cette logique, les mesures de sauvetage de la sonacos et de l’économie arachidière devraient être renforcées et tendre à la transformation de nos autres produits agricoles.
P B Moussa Kane, doctorant UGB en Aménagement-développement rural