Hier, 1er décembre 2010, n’a été marqué au Sénégal par aucun évènement dans le sens de la commémoration de ce fait historique.
Ce fait est pourtant bien en rapport étroit avec le souvenir que nous devons avoir pour la mémoire de nos illustres tirailleurs « Sénégalais » abattus froidement à l’aube du 1er décembre1944 par les balles coloniales françaises.
La question tout à fait logique à se poser est pourquoi, depuis déjà quelques années, l’évènement semble de plus en plus négligé contrairement à la décision et à l’action de Monsieur le président de la République de retour de la manifestation décidée par la France pour commémorer en 2004, le débarquement allié de Provence-Sud de la France- en juillet de cette année-là.
Notre pays, par le premier de ses citoyens, Me Abdoulaye WADE, avait participé activement aux côtés de beaucoup de ses pairs africains, aux festivités organisées par l’ancienne puissance coloniale.
De retour donc de ces festivités, une dynamique bien à saluer a soufflé sur le Sénégal. Des manifestations officielles, civiles comme militaires se déroulèrent dans notre pays à l’initiative de son chef d’Etat. Elles seront rehaussées par la présence à Dakar, en cette occasion de plusieurs de ses pairs de la sous-région.
Le peuple sénégalais comme du reste tous ceux de cette Afrique hier sous domination coloniale française avait fortement salué cette décision de commémorer la geste des Tirailleurs africains à Thiaroye, en cette aube de 1944 en pleine 2ème guerre mondiale. Si l’on rappelle que ces tirailleurs étaient, par delà l’appellation officielle de « Tirailleurs Sénégalais » tous originaires des colonies du Soudan, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Dahomey, de la Haute Volta, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, etc…, il était aisé de comprendre que tous ces chefs d’Etat présents comptaient ainsi, en foulant le sol du Sénégal et la terre de Thiaroye plus spécialement honorer leurs fils délibérément abattus par le pouvoir colonial en place à Dakar de par ses chefs politiques et militaires.
Beaucoup d’initiatives bien heureuses auront été prises par les autorités sénégalaises comme dépôts de gerbes de fleurs, colloques défilés nominations de places et monuments, constructions d’édifices etc et tout le peuple sénégalais attendait bien ainsi une rupture réelle, avec notre passé en la matière car sous le régime politique antérieur à l’An 2000, de telles choses étaient imaginables.
C’est dire donc, qu’une rupture effective avec notre passé de peuple colonisé était bien attendue. Curieusement, une certaine orientation se dessine ces dernières années sans que l’on comprenne, en tout cas pour le commun des Sénégalais comme moi, les raisons réelles.
Si le 1er décembre 1944 retourne à l’oubli par une absence de volonté réelle et conséquente de nos autorités politiques, ce serait un retour en arrière bien regrettable et bien décevant. Pour notre opinion sénégalaise, se serait très probablement la même chose pour l’opinion publique des pays francophones de la sous-région qui attendent beaucoup de notre intelligentsia comme élément moteur dans les initiatives et actions pour pouvoir cultiver effectivement, une histoire qui nous soit propre.
L’intérêt de notre peuple et de toute l’Afrique noire et même de l’Afrique blanche à l’étape actuelle est de chercher à mieux comprendre notre propre histoire. Un adage très répandu dit que : « tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, l’histoire des chasses sera celle du chasseur. » En d’autres termes, à nous Africains, hier colonisés de nous pencher sur notre histoire loin de toute forme de pression extérieure ou étrangère.
En prenant cette dernière orientation pour nous éloigner de la mémoire que nous devons avoir et garder jalousement, des événements qui nous intéresse au premier chef, les autorités de la République semblent donner un crédit à ceux qui pensent et disent que c’est l’ancienne puissance coloniale qui nous dicte « un oubli programmé » des événements de Thiaroye pendant lesquels des balles coloniales ont fauché, en pleine nuit des tirailleurs, aux mains nus
Le silence imposé longuement par le colonisateur était loin d’être un signe de nature à favoriser la paix et la compréhension entre les peuples concernés. Et c’est à de cette même manière que Sétif en Algérie, Dimbokro en Cote d’Ivoire, Tananarive à Madagascar, etc que le colonisateur a agi et réagi. Le colonisateur se garde bien encore de donner le bilan réel de cette nuit de massacre à Thiaroye, ou le lieu exact ou il a enterré les tirailleurs fauchés, tout comme les identités des véritables donneurs d’ordre. Du gouvernement Provisoire de la France Combattante ayant pour chef le Général de Gaulle jusqu’aux subordonnés civils et militaires en AOF et plus précisément dans la capitale fédérale qu’est Dakar, le colonisateur à fait le « black out » sur tous ces éléments.
Notre conscience nationale dicte que nous cherchons à mieux comprendre pour peut pouvoir pardonner s’il y a lieu, car notre intérêt réciproque de compréhension dicte que l’on se respecte dans la vérité et en toute connaissance de cause. C’est dans ce sens que les Africains concernés par Thiaroye, nuit de massacre coloniale barbare sur des tirailleurs revenant des geôles nazies se doivent de tout savoir et sans la moindre contrainte de l’ancien colonisateur pour oublier.
Dakar le 02 Décembre 2010
Cheikh Faty FAYE
Historien