Pensionnaires d’écoles coraniques, ils seraient plus de 100 000 forcés de mendier quotidiennement sous peine de brimades physiques ou psychologiques.
De nombreux talibés, ces enfants pensionnaires d’écoles coraniques du Sénégal, restent victimes d’abus sévères et de négligences, ayant entraîné la mort d’une quinzaine d’entre eux ces deux dernières années, a dénoncé mardi 11 juin Human Rights Watch (HRW), en réclamant que le président Macky Sall mette fin à ces « énormes souffrances ».
« Plus de 100 000 enfants seraient forcés de mendier chaque jour par leur maître coranique pour ramener de l’argent ou de la nourriture, sous peine de brimades physiques ou psychologiques de leur maître, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest dominé par l’islam confrérique », indique un rapport publié par l’ONG britannique et la Plate-forme pour la promotion et la protection des droits humains (PPDH), un réseau d’ONG sénégalaises.
Seize enfants talibés sont morts en 2017 et 2018 « des suites de passages à tabac, d’actes de négligence ou d’une mise en danger par certains maîtres coraniques dans leurs écoles, appelées “daaras” », indique ce rapport de 81 pages, fruit de 150 interviews, dont celles de 88 talibés ou anciens talibés, de 23 maîtres coraniques et de travailleurs sociaux, experts et responsables gouvernementaux.
« Enchaînés, séquestrés »
Il fait également état d’abus perpétrés à l’encontre de ces enfants « dans 8 des 14 régions du Sénégal, dont 61 cas de passages à tabac ou d’abus physiques, 15 cas de viols, tentatives de viols ou abus sexuels, 14 cas d’enfants séquestrés, attachés ou enchaînés dans des daaras, et un recours généralisé à la mendicité forcée ».
« Je n’aimais pas le daara parce qu’on nous frappait tout le temps, si on ne mémorisait pas les versets du Coran ou si on ne rapportait pas d’argent », a déclaré un talibé de 9 ans, cité dans le rapport. « Si on essayait de s’enfuir, le marabout nous entravait les jambes avec une chaîne », a expliqué un autre, âgé de 13 ans. Des enfants ont signalé avoir été « attachés, enchaînés ou séquestrés dans des daaras, dans des salles comparables à des cellules, parfois pendant des semaines voire des mois, en guise de punition », selon Human Rights Watch et la PPDH.
Réélu en février, le président Macky Sall peut avoir un « impact durable sur la vie de milliers d’enfants », a estimé Mamadou Wane, coordinateur de la PPDH, en réclamant des mesures d’urgence. Alors que les autorités sénégalaises ont lancé en 2016 des opérations de « retrait » des enfants de la rue, au succès limité, et qu’elles « se disent engagées à protéger les enfants et à éliminer la mendicité forcée, pourquoi un si grand nombre de daaras dangereux ou caractérisés par l’exploitation ou d’autres abus continuent-ils d’opérer ? », a interpellé la directrice adjointe de la division Afrique de HRW, Corinne Dufka.
Le Monde