Premier président librement élu en Guinée, Alpha Condé a prêté serment mardi en exprimant l’espoir d’unifier son pays ethniquement divisé à la manière dont Nelson Mandela rassembla l’Afrique du Sud après l’apartheid.
Opposant historique depuis la dictature de Sékou Touré, Condé a été élu le 7 novembre lors d’un scrutin qui avait pour objet de mettre fin à un régime militaire d’environ deux ans et de tirer un trait sur un demi-siècle d’autoritarisme politique souvent marqué par des violences politiques et ethniques.
Après sa prestation de serment, il a déclaré qu’il s’efforcerait d’être « le Mandela de la Guinée » et d’unir tous les habitants du pays. Il a souligné que le rétablissement de la cohésion sociale et de l’unité nationale exigeaient « un regard collectif sur notre passé douloureux ».
La cérémonie d’investiture s’est déroulée à Conakry en présence du président sud-africain Jacob Zuma et des chefs d’Etat de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Sierra Leone, du Liberia et du Sénégal, pays africains voisins de la Guinée.
« Moi, j’ai de l’espoir, j’ai même beaucoup d’espoir », confiait à Conakry Moumouni Konaté, agent d’une société de micro-crédit actuellement au chômage. « Je sais que les choses vont changer dans ce pays, parce qu’Alpha l’a promis. »
Premier exportateur mondial de bauxite, la Guinée possède d’importants gisements de minerai de fer qui lui ont permis d’attirer des investisseurs étrangers et de générer des milliards de dollars de revenus.
RENAISSANCE
Mais la mauvaise gouvernance et les troubles politiques ont empêché les Guinéens de profiter des retombées économiques de cette richesse minière, la plupart d’entre eux vivant toujours avec moins d’un dollar par jour en moyenne et manquant d’accès à l’eau potable, à l’électricité et à l’emploi.
Les Nations unies ont présenté l’élection présidentielle de novembre comme un exemple de démocratie pour les voisins de la Guinée – en particulier pour la Côte d’Ivoire, où deux présidents s’opposent depuis le scrutin du 28 novembre.
Mais cette première élection libre et démocratique depuis l’indépendance de 1958 a été suivie de plusieurs jours de violences entre les partisans du candidat battu, Cellou Dalein Diallo, et les forces de sécurité guinéennes.
Si Diallo a reconnu sa défaite, il a dénoncé des fraudes en soulignant que plusieurs milliers de ses partisans, en majorité peuls, n’avaient pas eu accès aux bureaux de vote.
La victoire d’Alpha Condé a sonné la fin du régime militaire en place depuis la mort du président Lansana Conté fin 2008.
« Nous sommes ici pour témoigner de la renaissance de la Guinée », a déclaré le général Sekouba Konaté, ancien chef de la junte. « Il est temps de mettre un terme au règne de l’impunité dans notre pays », a-t-il ajouté avant l’investiture de Condé.
Pour l’économiste Yéro Baldé, « c’est maintenant que le travail commence. L’autosuffisance alimentaire en trois ans, la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics, tout cela va nécessiter de profondes réformes dans la gouvernance ».
Alpha Condé avait été condamné à mort par contumace sous le régime dictatorial de Sékou Touré (1958-1984) et emprisonné pour complot en vue de s’emparer du pouvoir sous Lansana Conté (1984-2008).
Il s’est engagé à réformer l’armée, à revoir les contrats miniers, à réconcilier les ethnies et à généraliser l’accès à l’eau, l’électricité et à l’éducation.
« Les attentes sont trop grandes et on se demande comment le nouveau président va parvenir à satisfaire tout ça. Ce sera très difficile », estime Yéro Baldé, spécialiste du secteur minier.
Marine Pennetier et Philippe Bas-Rabérin pour le service français via nouvelobs.com