Simone, épouse et âme damnée de Gbagbo
Par Thierry Portes
À chaque nouvelle crise, cette femme politique au caractère trempé a su imposer sa ligne dure au côté de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo. En 2004, elle avait attisé la colère des Jeunes Patriotes. Elle savoure aujourd’hui l’obstination de son mari.
La Dame de fer, parfois aussi surnommée la Dame de sang à mesure que le respect puis la crainte qu’elle inspirait se transformaient en terreur, est revenue en grâce. Tout sourire dans sa robe blanche, telle une jeune mariée, Simone Gbagbo, 61 ans, plastronne, en ce 4 décembre 2010, à l’investiture de son mari à la présidence de la Côte d’Ivoire. Cette cérémonie est dénoncée comme une mauvaise farce par une communauté internationale certifiant qu’Alassane Ouattara l’a clairement emporté dans les urnes. Mais de ce que pense « l’étranger » , qu’il soit Français, Américain ou même électeur musulman du nordiste Ouattara, la Dame de fer n’a cure. Elle sourit devant les appareils photo et caméras. Et ce jour-là savoure, au milieu des ultras du clan Gbagbo, une victoire politique qui a un parfum de revanche personnelle puisque Nady Bamba, l’épouse coutumière de son président de mari, n’est pas de cette fête officielle.
YOAN VALAT/FEDEPHOTO Simone Gbagbo, lors de la cérémonie d’investiture de Laurent Gbagbo, le 4 décembre dernier, au Palais présidentiel, à Abidjan.Désormais évincée par sa rivale pour certaines affaires privées, Simone Gbagbo garde l’attention de son mari pour les choses sérieuses, la politique et le pouvoir auxquels elle a dédié sa vie. Simone Gbagbo n’est ni une potiche, ni une écervelée. C’est une vraie femme politique, au passé militant, qui fut emprisonnée et torturée. « Ma position actuelle, aime-telle à rappeler, je la dois à ma trajectoire, pas au poste de mon mari. » Une déclaration parmi d’autres qui suscite bien des fantasmes sur le rôle de la Dame de fer dans l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, et même quelques interrogations sur la personne qui, au sommet du pouvoir, pèse le plus sur les événements. Tout en louant le rôle de premier plan exercé par son mari, Simone Gbagbo, qui dispose d’un cabinet à la présidence, prend moins de gants avec le personnel politique. « Tous les ministres ont du respect pour moi, a-t-elle un jour confié à L’Express. Et on me situe souvent au-dessus d’eux. J’ai la trempe d’un ministre. »
Elle a sonné la charge contre Ouattara
Il semble, en fait qu’il y ait un partage des tâches dans le couple présidentiel ivoirien. In fine, c’est bien Laurent Gbagbo qui décide, lui l’habile tacticien, le manoeuvrier. Mais, elle, assurément, ne manque pas de l’influencer. Ses certitudes à l’emporte-pièce, son inflexibilité et sa détermination pèsent, dans le secret de la résidence de Cocody, comme à la tribune de l’Assemblée nationale où la Première Dame, députée d’Abidjan depuis 1996, dirige le groupe du parti au pouvoir.
Simone Gbagbo ne doute pas. Surtout depuis le grave accident de voiture dont elle réchappe miraculeusement avec son mari cette même année 1996. Depuis lors, elle croit son couple protégé par Dieu. Elle qui était née catholique est passée du côté des évangélistes. En 1998, le pasteur Moïse Koré l’a convertie à la « vraie » foi. Koré vient aujourd’hui encore régulièrement à la résidence de Cocody pour organiser des prières. Laurent paraît moins habité que Simone. Elle qui est capable de lancer, en meeting : « Je remercie Dieu de nous avoir donné cette terre, ce peuple. Merci à Dieu de nous avoir donné ce président de la République. Merci mon Dieu tout simplement d’être Dieu. »
À chaque nouvelle crise, cette femme au caractère bien trempé prend toute sa place aux côtés de celui qu’elle accompagne depuis quarante ans. Discrète au début de la dernière campagne présidentielle, elle est peu à peu réapparue entre les deux tours. Sa stature imposante vêtue d’un pagne traditionnel, le menton volontaire et le verbe fort, elle est venue rallier les électeurs baoulé. Son mari hésitait encore à conspuer son concurrent. Elle, comme à son habitude, a sonné la charge : « Le pouvoir de Laurent Gbagbo a été attaqué par Alassane Ouattara en 2002. Si tu mets un guerrier à la tête de ton pays, c’est que tu veux la violence ! »
En 2002, la rébellion venue du Nord a fait vaciller le pouvoir de son mari. Un an plus tard, à Marcoussis, la France tentait d’imposer une solution politique au clan Gbagbo. Laurent a feint d’accepter. Simone a giflé l’ancien premier ministre coupable à ses yeux d’avoir signé ces accords. Sa foi évangéliste a poussé la Dame de fer à partir en croisade contre les nordistes musulmans, au premier rang desquels figure Alassane Ouattara. Et que celui-ci ait une épouse née dans l’Hexagone n’a fait qu’attiser chez elle un sentiment anti-Français.
Bien souvent, la Dame de sang a électrisé les ardeurs des Jeunes Patriotes qui ont poursuivi la communauté française d’Abidjan et semé la terreur dans les rues de la capitale ivoirienne. C’est le chef de sa garde personnelle qui a été mis en cause de plusieurs assassinats d’opposants politiques. Et c’est son beau-frère qui est cité dans l’assassinat du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer. Dans Paroles d’honneur, le livre qu’elle a publié pour se présenter sous un meilleur jour, elle s’est lamentée : « Comment ne pas avoir le coeur gros lorsque les déferlantes de la haine vous transforment en monstre ? » Mais c’était en 2007, au moment où le clan Gbagbo commençait à se laisser peu à peu convaincre d’organiser enfin une élection présidentielle.
Las ! Le résultat ne fut pas celui qu’ils avaient prévu. Alors ils le changèrent. Et en ce 4 décembre 2010, Simone Gbagbo semblait presque aussi heureuse que dix ans plus tôt, quand Laurent avait été élu à la présidence de la Côte d’Ivoire.
regardez la on dirait un s***