Malgré ultimatums et sanctions, la communauté internationale paraît incapable pour l`heure de pousser Laurent Gbagbo à quitter la présidence en Côte
d`Ivoire, sauf à s`engager dans une opération militaire à très hauts risques.
« Il se battra jusqu`à son dernier souffle », confie à l`AFP l`un des visiteurs réguliers de Gbagbo.
Il a démontré qu`il n`entendait pas céder la place depuis le début de la crise née de la présidentielle du 28 novembre, en dépit des appels et des pressions.
L`ONU, l`Union africaine, la Cédéao (Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest), l`Union européenne, les Etats-Unis, notamment, l`ont sommé de partir et ont reconnu son rival Alassane Ouattara comme chef de l`Etat légitime.
Cette semaine, l`UE et les Etats-Unis sont passés aux sanctions en prononçant des interdictions de voyager contre lui et certains de ses proches. Les Européens doivent ensuite imposer des gels d`avoirs.
Bien installé au palais présidentiel grâce au contrôle de l`armée et de l`administration, Gbagbo a tendu mardi soir « la main du dialogue » à son adversaire.
Se posant en homme de paix devant des Ivoiriens éprouvés par la quasi-guerre civile de 2002-2003 – « je ne veux pas d`une guerre en Côte d`Ivoire qui peut s`étendre aux pays voisins ou les affaiblir » -, il a prôné un « comité d`évaluation » international pour régler la crise.
« Faux message d`apaisement », a tranché un diplomate de haut rang à Bruxelles, pour qui « l`objectif » de Gbagbo est « de diviser notamment le camp africain, de gagner du temps ».
Un rendez-vous important est prévu vendredi à Abuja (Nigeria), avec un sommet de la Cédéao sur la crise ivoirienne.
« La communauté internationale s`en remet à la Cédéao », affirme à l`AFP une source diplomatique à Abidjan, pour qui « l`option militaire », « encouragée par les Américains », sera à cette occasion mise sur la table.
Dans les années 1990, l`organisation ouest-africaine avait envoyé une mission de paix, l`Ecomog, au Liberia alors plongé dans une effroyable guerre civile. Mais elle a surtout laissé le souvenir des exactions qu`elle y avait commises.
« On est obligé de passer par la Cédéao », justifie un diplomate occidental.
Les Nations unies disposent sur le sol ivoirien d`une mission de paix de près de 9.000 éléments, l`Onuci, mais elle n`a qu` »une très faible capacité opérationnelle », selon un expert militaire.
Si la force française Licorne (900 hommes) est également sur place, Paris a clairement exclu une intervention, hormis pour des évacuations de Français en cas d`urgence. Les événements de 2004, au cours desquels une cinquantaine de manifestants pro-Gbagbo étaient tombés sous les balles françaises, sont dans les mémoires.
« L`option militaire, c`est le scénario catastrophe », avertit l`expert.
Une opération étrangère se heurterait aux très nombreux partisans de Gbagbo à Abidjan – dont une figure, Charles Blé Goudé, bat actuellement le rappel des troupes – et exciterait un réflexe nationaliste bien au-delà du cercle de ses inconditionnels, ajoute-t-il.
Mais le temps presse pour le camp Ouattara, toujours isolé dans son hôtel à Abidjan. Il peut certes s`appuyer sur l`ex-rébellion dirigée par son Premier ministre Guillaume Soro, et qui contrôle le nord du pays. Mais sa capacité réelle reste une inconnue, alors que le régime Gbagbo s`appuie sur un imposant
appareil sécuritaire.
A sa manière, Soro a reconnu la disproportion des forces en appelant mercredi la communauté internationale à intervenir militairement. « Il n`y a qu`une solution qui reste, celle de la force », a-t-il assuré, alertant, comme le chef de l`ONU Ban Ki-moon, sur le risque d`une « guerre civile ».
afp