C’est l’un des pires massacres de l’histoire carcérale brésilienne : 62 détenus du centre pénitencier d’Altamira dans l’Etat du Para (nord) ont été assassinés, illustration d’un système en déperdition.
Lors d’une rixe entre factions rivales de narcotrafiquants, ce lundi 29 juillet, 58 prisonniers avaient déjà perdu la vie, dont 16 sauvagement décapités. Le bilan s’est alourdi alors que quatre autres détenus ont été retrouvés morts « par asphyxie » dans le camion qui devait les transporter vers une prison de haute sécurité à Belem, la capitale du du Para. Ils faisaient partie des 46 détenus ayant pris part à la rixe et auraient ainsi été tués, probablement par d’autres prisonniers, au cours du transport.
Les gardiens ont découvert les quatre cadavres mercredi vers 1h du matin, durant une étape dans la ville de Maraba, à environ 500 km d’Altamira. « Les agents ont retrouvé quatre détenus morts par asphyxie dans deux des compartiments » des fourgons, a expliqué le secrétariat à la Sécurité de l’Etat du Para dans un communiqué, sans fournir de détail sur la circonstance des décès.
Bain de sang dans une prison au Brésil #AFP pic.twitter.com/yqj0cV8AAU
— Agence France-Presse (@afpfr) July 30, 2019
L’Etat brésilien impuissant
Interrogée par nos confrères du Monde, Aiala Couto, géographe professeur et chercheur à l’université du Para, explique qu’il s’agit là d’une « énorme faille de l’Etat« . « Les morts asphyxiés dans le camion signent la suite de cette bataille (…). La police pensait transporter des prisonniers appartenant tous au même gang. Les autorités n’ont en réalité aucun contrôle de la situation« , poursuit-elle.
Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a réagi ce mercredi sur Twitter : « J’ai assisté aux scènes d’horreur dans la prison du Para, mais j’ai aussi vu les scènes macabres provoquées (avant leur entrée en prison) par ceux qui sont morts (durant la mutinerie) et qui visaient des personnes humbles et sans défense« .
Le dirigeant d’extrême droite, loin d’évoquer une faille d’Etat, estimerait presque que l’assassinat des prisonniers est une bonne nouvelle, lui qui assure qu’ « un bon bandit est un bandit mort« .
– Assisti as cenas de horrores no presídio do Pará , mas também vi cenas macabras praticadas por esses que morreram contra pessoas humildes e indefesas. Fora dos presídios também uma guerra onde praticamente só um lado está armado… pic.twitter.com/q01l32AlFw
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) July 31, 2019
Un bain de sang
Lundi 29 juillet, des détenus issus d’une section de la prison réservée aux membres d’une faction criminelle ont fait irruption dans une autre zone où se trouvaient des prisonniers appartenant à un gang rival, avant d’y mettre le feu. De nombreux prisonniers seraient morts asphyxiés alors que d’autres ont été tués à coups de machettes. Certains corps, parfois enflammés, avaient été exposés sur le toit de la prison.
Après la mutinerie, les têtes des détenus décapités ont par la suite été disposées à l’extérieur de l’établissement par les policiers, afin que les familles procèdent à l’identification des victimes.
Avec un bilan total de 62 morts, le massacre est le plus sanglant de l’histoire du Para, et l’un des pires de l’histoire du pays, depuis la mutinerie de 1992 à Sao Paulo qui avait fait 111 morts.
Fin mai, 55 détenus ont été tués en deux jours lors d’affrontements dans plusieurs prisons de l’Etat d’Amazonie, également dans le nord du pays. Des massacres attribués par les autorités aux affrontements entre factions rivales de narcotrafiquants, pour qui le nord du Brésil est une zone stratégique du transport de cocaïne en provenance de pays producteurs voisins comme la Colombie, le Pérou ou la Bolivie.
Avec plus de 726.000 détenus recensés en 2017, selon les derniers chiffres officiels, le Brésil compte la troisième population carcérale du monde, souvent secouée par des drames.