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La leçon de dignité du Pr Djibril Samb à la jeunesse africaine. (première partie, par Dr Babacar Diop)

Date:

 Il n’y a pas de dessein transcendant à l’histoire, il n’y a que les desseins des humains qui font l’histoire maintenant », D. Samb, L’heur de philosopher, III, 2019, pp.109-110.
La lutte actuelle de la jeunesse sénégalaise pour une gestion transparente des richesses
nationales est une lutte pour la dignité. 
La spoliation des ressources naturelles participe au processus d’aliénation des peuples opprimés qui subissent « un assassinat des masses » et « un suicide collectif » (E. Dussel, L’éthique de la libération, 2002, p.241). Cette noble lutte est un moment de prise de conscience d’un peuple qui se découvre lui-même, comme exploité et opprimé et qui s’engage dans un nouveau « projet de libération » pour retrouver sa
dignité et sa liberté. Ce mouvement populaire, rempli de jeunesse et d’indignation, a besoin 
d’un fondement philosophique et idéologique.

RENOUVELER LES RÉFÉRENCES
Au début des indépendances la jeunesse africaine lisait passionnément Les damnés de la terrede Franz Fanon, Nations nègres et culture de Cheikh. A. Diop, Discours sur le colonialismed’Aimé Césaire, Les âmes du peuple noir de William E.B. Du Bois, Le manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Le Petit Livre rouge de Mao Tsé-toung. Ces auteurs constituaient une source morale et philosophique pour toute une génération de jeunes africains. La lutte politique nécessite au préalable un fondement idéologique.
En ces nouveaux temps obscurs, L’heur de philosopher de Djibril Samb doit faire partie des nouveaux livres de chevet de la jeunesse africaine.
En effet Djibril Samb revitalise la politique dans les cœurs des jeunes déçus. La politique doit 
être réhabilitée au sens de politeia. L’enrichissement illégal et la corruption sont des déviations de la politique au service des intérêts particuliers d’un individu ou d’un clan. C’est pourquoi, il considère que « l’engagement politique n’est que sacrifice et sacerdoce » (L’heur de philosopher, II 2018, p.102), au service de l’intérêt général de la communauté politique. Ilne cesse de le rappeler aux jeunes qui occupent les places publiques (place bardo à Tunis en 2011, place de la nation à Ouagadougou en 2014, place de la Victoire à Kinshasa en 2015, place de l’Obélisque à Dakar entre 2011 et 2012) pour protester contre une classe politique corrompue. Afin que le peuple recouvre toute sa dignité, il fait un rappel dont la portée demeure instructive : « La volonté du peuple est la loi suprême, la loi de la loi » (Samb, 2018, p.147). L’exercice de tout pouvoir légitime doit avoir pour première et ultime référence la communauté politique.
Après l’esclavage et la colonisation, les Africains doivent repousser énergiquement le 
« brouillard néocolonial » pour une Seconde Émancipation. La lutte pour la libération des 
peuples opprimés est toujours actuelle. La domination du centre (les pays du Nord) sur la périphérie (les pays du Sud) est une réalité de la mondialisation dans sa version néolibérale
qui profite aux multinationales au détriment des peuples. La domination de certaines nations sur les autres a pour conséquence l’exploitation économique et l’aliénation culturelle. C’est la raison pour laquelle, Djibril Samb écrit : « Aujourd’hui encore en dépit de son évolution, elle [l’Afrique] reste capturée par d’étranges puissances financières dans des figures imposées avec, il faut le concevoir clairement, la participation active de l’État néocolonial, notion trop vite révisée, mais plus actuelle que jamais » (L’heur de philosopher, III, 2019, p.243). Par conséquent, la solidarité des nations dominées est nécessaire pour un nouvel ordre mondial plus juste et plus égalitaire.
Djibril Samb souscrit au respect scrupuleux des libertés de base qui sont inaliénables et 
imprescriptibles. Chaque personne possède une inviolabilité fondamentale. Aucun État n’a le droit de violer les libertés de base des citoyens sous quelque prétexte que ce soit, même au nom du bien-être de la société. Toujours, dans le même ordre, le philosophe de l’insubordination écrit : « Lorsque qu’un État ne respecte pas les droits constitutionnels de 
ses citoyens, il devient lui-même un facteur de trouble à l’ordre public, mais, s’il les respecte, 
il assure la tranquillité publique en même temps qu’il conforte, en toute hypothèse, la 
confiance des citoyens dans la légitimité de la puissance publique » (Samb, 2018, p.130). 
Lorsque les gouvernants prennent des décisions arbitraires d’interdiction de manifestations publiques, reconnues par la Constitution, c’est un devoir pour les citoyens de faire face à de telles dérives afin de sauver les libertés fondamentales garanties par la charte fondamentale.
Un peuple digne doit être intransigeant face à l’arbitraire. Professeur Samb fait l’éloge des 
peuples insoumis, jaloux de leur liberté et de leur dignité. C’est la raison pour laquelle, il écrit: « Un grand peuple est un peuple indocile, de même qu’une belle jeunesse est une jeunesse indocile » (Samb, 2018, p.178). Ces sublimes propos doivent être inscrits sur les banderoles des mouvements de protestation qui occupent les places publiques. 
Devant une situation d’oppression et de violation flagrantes des droits du peuple, la 
désobéissance devient un acte de liberté et de dignité. Lorsque l’autorité interdit les 
manifestations des citoyens sans motifs valables, lorsqu’elle choisit d’user de la violence de la Police pour réprimer sévèrement et injustement des manifestants, c’est un devoir pour les citoyens de résister face l’arbitraire afin de défendre leurs droits inaliénables. Les démocraties survivent par la seule volonté des citoyens de vivre dans la liberté et la dignité.
Également, le Professeur D. Samb parle à la jeunesse en lui rappelant ses responsabilités : « Devant toute oppression, en tout temps et en tout lieu, la désobéissance et la résistance, 
pour retrouver la liberté et la dignité, deviennent autant que des devoirs, des droits 
imprescriptibles » (Samb, 2018, p.147). Le vieux et sage de Saint-Louis soutient sans 
concession : « Tout État qui viole ses propres lois, les détourne ou les contourne pour 
assouvir des ambitions temporelles, ouvre le droit à la révolte et donne à celle-ci le caractère d’une réaction légitime. Il est légitime de se révolter contre tout État ou toute institution qui ne respecte pas ses propres lois » (Samb, 2019, p.309).
De tout ce qui précède, on peut soutenir que le Professeur Samb est une source inépuisable
d’inspiration pour la jeunesse africaine. Il considère que les jeunes et les femmes sont lesdeux groupes sociaux sur qui l’Afrique doit compter pour précipiter la révolution
démocratique tant attendue. C’est la raison pour laquelle, la voix de la jeunesse doit toujours être audible et forte, surtout dans une période sombre marquée par la corruption du politique. Cet environnement de corruption, d’accaparement et de prédation se manifeste par la mise en avant des intérêts particuliers d’un individu, d’une classe ou d’une caste au détriment de l’intérêt général de la communauté…

PID

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