C’est la société démocratique que l’on affaiblit quand le travestissement des opinions devient la règle dans la formation de l’opinion publique. Depuis hier, en tronquant les faits, par la manipulation, la falsification et le mensonge, certains tentent d’instrumentaliser le dossier judiciaire de Khalifa Sall (ou ce qu’il en reste), pour redéfinir les contours de la règle de droit relative au droit de grâce.
La CCR voudrait rappeler relativement aux propos du Président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall, dans le cadre de l’entretien qu’il a bien voulu accorder au journaliste Michel Arseneault de Radio France Internationale (RFI), hier 24 août 2019 : « D’abord, la décrispation ne saurait être réduite à une dimension de grâce. La grâce est un pouvoir constitutionnel du président de la République. Ça ne dépend que de lui, et de lui tout seul, et de son appréciation. Donc je ne peux pas discuter de ce que dit la presse par rapport à la grâce. Le jour où j’en aurai la volonté ou le désir, je le ferai comme j’ai eu à le faire. Annuellement, plus de cent personnes, voire un millier de personnes par an en moyenne bénéficient de la grâce. Justement, nous voulons revoir notre système pénal pour réduire le nombre de personnes en prison dans ce cadre-là ».
La CCR souligne toute la pertinence des propos du Chef de l’Etat car la grâce, un élément de la politique pénale du Sénégal, est une prérogative constitutionnelle discrétionnaire du président de la République. Le Président l’accorde ou ne l’accorde pas à sa seule appréciation. Elle n’est toutefois pas une réhabilitation de la personne condamnée car elle n’efface point la condamnation pénale. Au surplus, tous les condamnés à des peines privatives de liberté, ont le droit de solliciter la mansuétude du Président de la République à travers une demande de grâce introduite par eux-mêmes ou leur conseil. Ainsi tous les ans, ce sont des milliers de nos compatriotes qui en bénéficient de manière individuelle ou collective, sur leur demande. Comme tous ces compatriotes, Khalifa Sall garde tout son droit de formuler une demande de grâce.
La CCR voudrait toutefois rappeler les faits qui ne doivent être ni oubliés, ni travestis : Khalifa Sall a fait l’objet d’une condamnation pénale pour, entre autres délits, escroquerie sur deniers publics à une peine de 5 ans et une amende devant le Tribunal de grande instance de Dakar. Cette condamnation, confirmée par la Cour d’appel et la Cour suprême, est définitive. C’est sur cette base que le Conseil constitutionnel a rejeté sa candidature à la dernière présidentielle. Rejet confirmé par la Cour de justice de la CEDEAO. Le rejet du rabat d’arrêt par la Cour suprême a clos le débat judiciaire.
Aussi, dans le contexte actuel d’ouverture et de dialogue, il est essentiel de s’entendre sur le fait que la mise en œuvre de la grâce présidentielle ne saurait être une condition ou un élément des Termes de références du Dialogue national. Dura lex, sed lex.
Fait à Dakar, le 25 août 2019