Un rapport d’audit de la gestion 2008 de la Ville de Dakar a été transmis au Procureur de la République, pour enquête. L’audit du cabinet Bsc qui passe au crible la gestion de l’actuel président du Sénat avait, entre autres, mis en cause des marchés attribués au fournisseur Cheikh Amadou Sall et un gré à gré octroyé à l’entreprise Sattar de Mbaye Diop, suivi de deux avenants, pour la construction de la Place du Souvenir Africain. Au sein de la majorité, tout en constatant la « neutralité » du ministère de la Justice avec l’acte, on demande néanmoins à ce que les audits effectués en 2000 comme celui des Ics, du Fpe…, et qui n’ont jamais fait l’objet d’enquête, soit transmis à la justice. Pour plus « d’équilibre », soutient-on.
Evoquant le placement sous mandat de dépôt de l’ancien directeur de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (Aser), « L’As » soutenait que des dossiers d’audit étaient en instance de transmission devant le procureur de la République. Selon des sources très sûres, un lot de rapports est effectivement parvenu au parquet de Dakar. Parmi les audits transmis, celui relatif à la gestion 2008 de la Ville de Dakar, alors sous le magistère de l’actuel président du Sénat, Pape Diop. Le rapport, à l’origine de la saisine du ministère public, porte l’empreinte du cabinet Bsc. Révélé à l’époque par « L’As », l’audit relevait différents griefs dans la gestion 2008 de la mairie de Dakar.
Il citait notamment les conditions de passation du marché F-01-2008 relatif à l’achat de denrées alimentaires auprès du fournisseur Cheikh Amadou Sall. Ce marché a été passé pour un montant estimé à 100 millions F CFA par entente directe autorisée par la Cnca, en violation des dispositions des articles 76 et 77 du décret 2002-550 du 30 mai 2002 portant Code des marchés publics ; puisque, de par sa nature, cette acquisition ne rentre pas dans le cadre des cas limitatifs énoncés dans l’article 76.
Le paradis de Cheikh Amadou Sall
Un contrôle, selon l’audit, aurait permis de constater que le prix de 325.000 F CFA la tonne, facturé à la Ville de Dakar, était au-dessus du prix subventionné de 296.000 F CFA la tonne de riz parfumé simple et 308.000 F CFA la tonne pour le riz parfumé de luxe. Le rapport mettait aussi en cause le marché qui a été conclu avec la société Sattar pour l’aménagement de la Place du Souvenir Africain, pour un montant de 1.820.366.712 F CFA TTC. Ce marché, selon les auditeurs, a été passé par entente directe autorisée par la Cnca, en violation des dispositions des articles 75 et 76 du nouveau Code des marchés puisque les motifs invoqués à l’appui de la demande d’autorisation de passer un marché par entente directe ne sont pas compris dans les cas énoncés dans l’article 76 du décret 2002-550 du 30 mai 2002. Le rapport d’audit notait aussi des déficiences importantes dans le système de classement et d’archivage des documents de passation des marchés, qui ont conduit à la non-présentation de dossiers demandés pour un montant total estimé à 9.873.197.726 F CFA, ou à la présentation de dossiers incomplets.
Le même fournisseur est indexé dans un marché de 237 millions Fcfa relatif encore à des denrées (riz et sucre). Selon le cabinet Bsc, ce marché passé suite à un gré à gré autorisé par la Cnca comporte plusieurs irrégularités. L’achat de riz parfumé a été effectué avec le même fournisseur qui était attributaire du marché cité plus haut. L’auditeur notait également que le prix de la tonne de riz parfumé est facturé à la Ville de Dakar à 500.000 F CFA. Ce prix est au-dessus du prix du marché, qui, à cette époque (période allant de janvier au 7 août 2008), se chiffrait à 285.000 F CFA la tonne de riz non parfumé (y compris la subvention de 35.000 F CFA payée aux importateurs par l’Etat), 296.000 F CFA la tonne de riz parfumé simple et 308.000 F CFA la tonne pour le riz parfumé de luxe (y compris la subvention de 48.000 F CFA payée aux importateurs par l’Etat).
Selon Bsc, « la mise en œuvre de la procédure, a priori concurrentielle, d’appel d’offres ne garantit pas dans le cas d’espèce l’acquisition du riz dans des conditions économiques, puisqu’il y a eu manifestement une surfacturation. Pis, l’auditeur n’a pas pu disposer des offres des autres soumissionnaires pour effectuer une étude comparée des prix proposés par les différents candidats et apprécier leur niveau au regard des mesures d’encadrement du prix du riz. En effet, à cette époque, l’Etat octroyait aux importateurs une subvention sur chaque tonne de riz vendue, afin de maintenir le prix au consommateur à un niveau acceptable.
Sattar en eaux troubles
En 2008, cette subvention était de 35.000 F CFA sur le riz non-parfumé, 40.000 F CFA sur le riz parfumé simple et 48.000 F CFA sur le riz parfumé de luxe. En 2009, le prix du riz non parfumé est de 195.000 F CFA la tonne, le riz parfumé simple est facturé à 290.000 F CFA la tonne et le riz parfumé de luxe se chiffre à 330.000 F CFA la tonne.
Bsc épinglait aussi le marché de gré à gré pour la construction de la Place du Souvenir africain. Au motif que l’Etat a demandé à la Ville de Dakar de donner sa contribution à la prise en charge, à travers le reliquat du coût des travaux confiés à l’entreprise Sattar pour 1.820.366.712 F CFA TTC et un deuxième avenant pour un montant de 442.364.837 F CFA TTC. L’avenant N° 1 de ce marché approuvé le 31 janvier 2008 et qui est sans incidence financière, puisque motivé par un simple changement de compte bancaire pour les paiements en faveur de l’entrepreneur, n’a pas été soumis à la Direction centrale des marchés publics pour numérotation. L’avenant n° 2 à ce marché, équivalant à 24,30 % du montant initial et approuvé le 19 février 2009, n’a pas fait l’objet d’un devis détaillé des travaux ; ce qui a entraîné des observations de la Direction centrale des marchés publics, avant autorisation. Cet avenant N° 2 immatriculé sous le numéro T-0150/99 en date du 23 février 2009, notifié à l’entreprise à la date du 24 février 2009, ne comporte aucune clause indiquant le délai d’exécution des travaux complémentaires estimés à la somme de 442.364.837 F CFA TTC.
Pape Diop n’avait pas reçu le rapport provisoire
À l’époque, l’actuel président du Sénat avait dénoncé le fait qu’il n’ait pas reçu le pré rapport d’audit. Des vérifications de « L’As » avaient confirmé ses déclarations. Le rapport provisoire avait effectivement été transmis à la nouvelle équipe qui devait, continuité de l’administration oblige, faire parvenir l’audit provisoire à Pape Diop. Ce qui n’a jamais été le cas. En tout cas, les autorités judiciaires sont dans une logique radicale de traque de la délinquance financière. Outre la transmission tous azimuts de rapports de contrôles, des sources autorisées renseignent que le ministère de la Justice a bouclé un projet portant création d’un tribunal économique. Ce, sur instruction du président de la République, qui avait évoqué les contours de ce projet lors de la dernière rencontre du conseil supérieur de la magistrature. Pour autant, au sein de la majorité, on indique qu’en s’attaquant à la gestion de responsables libéraux, les autorités judiciaires devraient, par la même occasion, sortir certains dossiers, comme ceux des Ics ou du Fonds de promotion économique (Fpe) (sous le régime socialiste) qui n’ont jamais fait l’objet d’enquête (Voir par ailleurs).
C.M.G
L’Agence de régulation des marchés dans le collimateur
La gestion 2008 de l’Agence de régulation des marchés est aussi dans le collimateur du Procureur de la République. Un rapport d’audit dans ce sens, du même cabinet Bsc, a été transmis au ministère public pour enquête. Le rapport épingle le non-respect des dispositions de l’article 6 du nouveau code des marchés publics, précisées par la circulaire du Premier ministre 003 du 20 novembre 2007, sur la nécessaire inscription dans le plan de passation des marchés des acquisitions de l’exercice. Le marché de fourniture et pose d’un groupe électrogène de 5,5 KW a été attribué, sans consultation d’autres fournisseurs, à Print Organisation pour un montant de 2.714.000 F CFA Ttc.
Nonobstant le prix facturé qui se situe au-dessus des tarifs habituels pour un groupe électrogène de même puissance, le dossier ne comporte pas de procès-verbal de réception dûment signé par les personnes habilitées, pour attester la réalité de la prestation et son exécution conforme à la commande. Par ailleurs, la Tva n’a pas été entièrement précomptée au fournisseur. Enfin, le chèque n° 8858154 du 8 décembre 2008 d’un montant d’un million de F CFA, a été anormalement émis au nom d’une personne physique en règlement partiel de la facture présentée par Print Organisation. Le chèque n° 8858140 du 13 octobre 2008 d’un montant de 2.750.000 F CFA, tiré sur le Crédit du Sénégal a été émis au profit de Keur Dabakh Multiservices en règlement de travaux de réparation de deux véhicules (Nissan Patrol Ad 7693 et Hyundai Ad). À l’appui de ce règlement, l’Arm a produit une facture pro forma du fournisseur.
Par ailleurs, l’audit relève que la souche du chèque porte la mention « règlement de fournitures de bureau », ce qui correspond bien à la compétence de cette entreprise dont la mécanique automobile n’est certainement pas l’activité principale. La liasse présentée par l’Arm pour justifier une consultation comprend une deuxième facture pro Forma émise par le Garage Diamalaye pour 3.005.000 F CFA. Outre le simulacre de consultation réduite au strict minimum, un règlement ne doit pas être effectué sur la base d’une facture pro forma. Enfin, la facture a été intégralement payée au fournisseur Ttc, alors que ce dernier n’est, a priori, pas autorisé à la facturer puisque ne disposant pas de… Ninea.
Le chèque Cls N° 8676063 en date du 12 février 2008 d’un montant de 2.500.000 F CFA a été émis au profit de Sene Service pour l’achat de fournitures de bureau. À l’appui de la sortie de trésorerie, aucune des pièces requises, c’est-à-dire les lettres de saisine des fournisseurs consultés, les factures pro forma présentées, la fiche de dépouillement des offres, le bon de commande, le bordereau de réception, la facture…n’a été retrouvée. Le même constat a été fait pour le paiement par chèque N° 8858152 du 5 décembre 2008 d’un montant de 2.699.840 F CFA au profit de Socdis pour l’achat de fournitures de bureau ; et pour le chèque n° 8858145 du 17 octobre 2008 d’un montant de 1.500.000 F CFA émis au profit de Belel International automobile, pour la révision des véhicules Nissan et Hyundai.
Il convient de noter qu’entre le 13 octobre et le 17 octobre 2008, des paiements respectifs de 2.750.000 F Cfa (la facture pro forma est datée du 13 octobre) et 1.500.000 F Cfa ont été effectués au profit de deux garagistes différents pour les mêmes véhicules. En l’absence d’attestations de service fait, il subsiste une incertitude sur la réalité des prestations. Tout semble indiquer qu’elles sont fictives. Plusieurs paiements ont été effectués au profit de trois prestataires, pour la construction de magasins de stockage. Lesdits paiements ne sont pas attestés par des pièces justificatives probantes et se chiffrent à 10.500.000 F CFA pour l’entreprise Touba Madyana, 5 millions F CFA pour Atex et 5 millions F CFA pour Entrase. Aucun document relatif à la sélection des prestataires n’a été mis à la disposition des auditeurs. Une vraie insulte aux règles primaires de passation…
L’affaire des licences de Pêche réactivée ?
« C’est Gilles Hervio qui a demandé qu’on vide tous les dossiers. Commençons donc d’abord par le commencement ». Tel est le sentiment défendu depuis l’arrestation de Modibo Diop, par des pontes du régime qui font allusion aux dossiers d’audit sous l’ancien régime. Des sources judiciaires renseignent qu’il n’est pas écarté que le dossier dit des licences de pêche soit réactivé, pour se « conformer à cette directive ». Déjà, une commission avait été formée, renseignent les mêmes sources, et l’Assemblée nationale avait été saisie. Pour dire que la procédure avait été entamée et qu’il ne reste plus qu’un pas à franchir pour l’ouverture d’une enquête.
C.M.G
lasquotidien.info
Il faut auditer l’ANOCI ensuite,et après le FESMAN.