Quand on dit qu’un Etat a fait faillite, c’est quand l’état n’est plus en mesure de faire face à ses engagements. Vu que techniquement, l’Etat ne peut pas arrêter de fonctionner, on parle alors de défaut de paiement sur la dette souveraine. D’après plusieurs sources, entre 1975 et 2005, plus de 70 pays ont eu à faire défaut sur leurs dettes souveraines. On peut faire défaut de paiement carrément ou de manière froide en demandant à ce que sa dette soit restructurée. Le Sénégal a failli faire défaut de paiement en 2017 et la situation ne fait que s’empirer. Va-t-on vers la faillite ?
Le président Sall a finalement admis que les dépenses de l’Etat étaient injustifiées et dans sa volonté de vouloir rationaliser ces dépenses, le président a commencé par les dépenses liées au téléphone. Une économie d’une dizaine de milliards, dit-on, mais peu importe, le montant est dérisoire et la rationalisation devait commençait à la présidence où des milliards de fonds politiques sont logés. Toute cette flopée de ministres conseillers avec leurs salaires et d’autres avantages, le HCCT, le CESE, le budget exorbitant de la présidence entre autres doivent être réévalués. Pour mieux comprendre comment le Sénégal en est arrivé à ce stade, il faut analyser le septennat de folies. Lequel des investissements de prestige a créé des emplois ou un retour sur investissement ? Est-ce qu’une réélection en valait la peine Monsieur le président ?
Quand on parle de crise des finances publiques, on parle de période de ralentissement de la croissance économique d’un pays, avec des périodes de récessions. Pour soutenir une économie, les gouvernements utilisent des leviers budgétaires. Une leçon que même les étudiants de première année connaissent est que quand on n’accroit pas les recettes, il faut réduire les dépenses ou dépenser de manière efficiente. On arrête les dépenses somptuaires et on réduit les subventions et les avantages de certains pour les obliger à devenir plus efficace.
Depuis l’indépendance du Sénégal, tous nos exercices ont été déséquilibrés. La situation se détériore d’année en année et il y a eu un moment ou le Sénégal n’avait plus un franc dans ses caisses. Le Sénégal a souvent tendance à consommer les ressources avant la fin de l’année. Durant l’ère des libéraux, le gouvernement a procédé à une émission d’obligations, il a pu lever 65 milliards de FCFA pour pouvoir payer les arriérés du secteur privé. Sur les fonds levés, 35 milliards ont été utilisés pour redresser la SENELEC, entre paiements des salaires et budget de roulement. Le gouvernement du président Wade avait demandé de l’argent à la France, qui voulait l’imposer à payer les entreprises françaises établies au Sénégal avec cet argent. Est-ce que le président Sall a pu avoir plus de chance durant ses vacances en France ?
Durant l’ère des républicains, l’Etat du Sénégal était dans l’obligation d’émettre des euro bonds pour un financement budgétaire, c’était la deuxième année consécutive que le Sénégal émettait des euro bonds alors que nous nous endettions inutilement. En 2017, le Sénégal a émis des euro bonds pour un montant de 1,2 milliards et de 2,2 milliards en 2018. Il faut quand même reconnaître qu’une partie de l’argent a été bien utilisé, en rachetant 40 % des euro bonds émis en 2011, qui étaient plus chers en termes relatifs.
Quand on nous dit que les recettes publiques ont augmenté, cela n’a pas trop d’importance tant que les dépenses augmentent plus vite. Cette persistance de déficits publics est due à une augmentation plus rapide des dépenses publiques. En 2013 la dette représentait 45,7% du PIB et en 2017 elle était de 61,44 %. Cet endettement massif mal alloué est la cause de nos problèmes actuels.
Toutes ces erreurs ont créé les tensions budgétaires que nous traversons. Nous ne pouvons pas compter sur les euro bonds, nous avons émis des euro bonds tous les trois ans depuis 2011. Une partie des euro bonds reçus a été mise de côté pour les besoins de l’année en cours, mais, avec toutes les dépenses qui sont devant nous, est-ce que cela sera suffisant pour boucler les fins d’années. Notre déficit budgétaire risque d’augmenter à cause de mauvais choix en vue d’une réélection. À quoi a servi cet endettement massif ?
La Banque mondiale avait refusé le financement du TER, car elle avait demandé, quand le président Sall venait au pouvoir, de réhabiliter l’axe ferroviaire Dakar-Bamako. Pour des raisons électoralistes, le président Sall va voir la BAD et la France entre autres pour recevoir le financement de ce TER électoraliste. La Banque mondiale a insisté sur la réhabilitation urgente de cette ligne de chemin de fer longue de 1 233 km. Le président parle maintenant de la réhabilitation de ce chemin de fer sept ans plus tard. Ce qui fait mal, c’est que c’est fait exprès et pendant ce temps la population est mourante.
Comme si ce n’était pas suffisant, ce gouvernement a commencé un autre projet, celui du Bus Rapid Transit (BRT). Cette fois-ci, la Banque mondiale qui avait refusé de financer le TER, car l’ayant jugé non-rentable, a principalement financé le BRT à hauteur de 200 milliards de francs CFA. Le gouvernement regarde ce qui sera financé et s’y lance et sans étude approfondie sur la rentabilité. L’étude du CETUD n’a jamais calculé l’impact du BRT sur le transport en ce moment et les emplois à perdre. Une étude superficielle a été menée par la Banque mondiale tout en déférant cette responsabilité au gouvernement. À nos jours, cette étude n’a pas vu le jour. Quand la Banque mondiale demandait de manière urgente la réhabilitation de la ligne Dakar-Bamako, elle avait aussi suggéré l’introduction de bus rapides qui devait circuler sur des voies réservées. Elle avait même garanti le financement pour la construction des infrastructures dans le même sens.
Avec ce projet, il y aura une concurrence défavorable directe entre les BRT et les moyens de transport de tous les jours comme les taxis, les bus Tata et les Ndiaga Ndiaye. Combien d’emplois directs et indirects seront perdus ? Tous les petits commerces liés au transport en commun seront affectés. Nous mettons toujours la charrue avant les bœufs ; nul n’est contre le développement, mais il y a une manière plus réfléchie de le faire. Ce n’est pas parce que la Banque mondiale recommande de mettre en place le BRT qu’on doit automatiquement sauter sur l’occasion. Pourquoi alors n’avons-nous pas écouté la Banque mondiale sur le TER ? Nos fonctionnaires peuvent faire l’étude pour savoir le rendement, car il faut juger entre mobilité et emplois perdus.
Et notre chère autoroute Ila Touba ? Aucune étude préalable n’a été réalisée pour la réalisation de cette autoroute alors qu’il s’agit d’un prêt de 416 milliards de francs CFA. Aucune étude. Depuis la restauration des relations diplomatiques en octobre 2005, la Chine a promis un soutien financier au Sénégal, ce qui fait d’elle d’ailleurs l’un des principaux partenaires financiers du Sénégal. Elle est le second partenaire financier du Sénégal après l’Union européenne.
Cette croyance selon laquelle les investissements publics dans les infrastructures telles que les routes, les autoroutes, est un moteur indispensable de la croissance économique a toujours fortement influencé la décision des leaders dans nos pays pauvres. Et pourtant, selon plusieurs études faites, ce type de modèle de croissance qui repose sur l’investissement public est lent et démodé. On conseille plutôt de minimiser l’importance du secteur public, et des infrastructures en donnant la priorité au capital humain et aux reformes et surtout la bonne gouvernance.
Maintenant, nous savons tous que ce gouvernement a montré ses limites. Le sénégalais lambda est celui qui va payer les pots cassés, car c’est lui qui souffrira de l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, c’est lui qui souffrira de l’augmentation de l’électricité, de l’essence. Si les opposants veulent atténuer la souffrance du sénégalais lambda, ils n’ont qu’à aider ce gouvernement à finir le quinquennat pour éviter les tensions sociales.
Les caisses paraissent vides, mais le train de vie du gouvernement semble prouver le contraire.
« Rien n’est plus choquant quand on dirige un pays au bord de la faillite que de bénéficier d’un train de vie de milliardaire ». Philippe Bouvard
Mohamed Dia