Omar Sy, Aya Cissoko, Eric Fassin, Rokhaya Diallo… Intellectuels ou personnalités de la culture ou du sport, ils dénoncent ceux qui « stigmatisent les musulmans, souvent “au nom de la laïcité” ».
« Monsieur le président, dites stop à la haine contre les musulmans de France. » Dans une tribune parue dans « le Monde » daté du 16 octobre, 90 personnalités interpellent Emmanuel Macron. Elles lui demandent de condamner l’agression dont a été victime une mère de famille voilée, en pleine enceinte du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
Parmi les signataires, figurent les acteurs Omar Sy, Marina Foïs, Mathieu Kassovitz et Géraldine Nakache, l’animatrice Alessandra Sublet, la réalisatrice Tonie Marshall, les artistes DJ Snake, Nekfeu, Hakim et Mustapha Amokrane (du groupe Zebda), la championne de boxe Aya Cissoko, l’ancien footballeur Vikash Dhorasoo, l’universitaire Pascal Boniface, les sociologues Eric Fassin, Zahra Ali et Sylvie Tissot, la journaliste et réalisatrice Rokhaya Diallo, l’humoriste Guillaume Meurice, ou encore la députée La France insoumise Danièle Obono… Ils écrivent :« Nous, personnalités d’horizons divers, unies par la devise de notre République, “liberté, égalité, fraternité”, attachées au principe de laïcité tel qu’inscrit dans la loi, demandons urgemment […] à Emmanuel Macron, de condamner publiquement l’agression dont cette femme a été victime devant son propre fils. »
Vendredi à Dijon, l’élu du Rassemblement national Julien Odoul (extrême droite) a violemment pris à la partie une femme voilée, qui accompagnait un groupe d’enfants venus assister à une séance du conseil régional. Les signataires de la tribune écrivent :« Cette scène, ces mots, ce comportement sont d’une violence et d’une haine inouïes. Mais par notre lâcheté, par nos renoncements, nous avons contribué, petit à petit, à les laisser passer, à les accepter. »
Ils déplorent aussi que « l’émotion légitime qui devrait s’exprimer dans l’opinion est aux abonnés absents ».
« Stigmatisés »
Les 90 personnalités poursuivent leur adresse à Emmanuel Macron, lui demandant « de dire, avec force, que les femmes musulmanes, portant le foulard ou non, et les musulmans en général ont toute leur place dans notre société ; de refuser que nos concitoyens musulmans soient fichés, stigmatisés, dénoncés pour la simple pratique de leur religion et d’exiger solennellement que cessent les discriminations et les amalgames envers une partie de notre communauté nationale. Il en va de l’avenir de notre pays. »
Les signataires font allusion au formulaire adressé par l’université de Cergy-Pontoise à ses personnels, leur demandant de détecter des « signaux faibles de radicalisation ». Ils poursuivent :« Ne nous y trompons donc pas. L’extrême droite a fait de la haine contre les musulmans un outil majeur de sa propagande, mais elle n’en a pas le monopole. Des membres de la droite et de la gauche dites républicaines n’hésitent pas à stigmatiser les musulmans, souvent “au nom de la laïcité”. »
Macron « ne veut pas de loi »
Le sujet divise au sein de La République en Marche. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré que le port du voile n’était « pas souhaitable dans notre société », ce qui lui a valu les critiques du député LREM Aurélien Taché.
Les prises de position d’Emmanuel Macron lui-même sont restées rares.
La semaine dernière, le chef de l’Etat avait appelé « la nation tout entière » à « faire bloc » pour combattre « l’hydre islamiste », lors d’un hommage aux quatre fonctionnaires tués à la Préfecture de Police. Il avait appelé à bâtir « une société de vigilance ».
Durant un entretien avec Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, le 15 avril 2018, il avait écarté le recourt à une nouvelle loi. « Je ne veux pas de loi qui interdise [le voile] dans la rue, ce serait contre-productif. La société, elle n’est pas laïque et doit leur permettre de porter leur voile. Ce que je veux, c’est qu’aucune femme ne soit obligée de porter le voile. C’est une bataille pour l’émancipation », avait déclaré le président.« Elles sont citoyennes, elles ont leur identité, elles sont là et la société, elle n’est pas laïque et leur permet d’avoir le voile. »
Le principe de laïcité s’applique en effet aux seules personnes travaillant dans le cadre d’un service public.