Si l’on se fie à la loi N° 2006-04 du 4 janvier 2006, portant création du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) et le Code de la presse, le président et toute son équipe se sont littéralement fourvoyés. Les articles 26 et 27 du chapitre 5 de ce texte exigent un paquet de conditions avant la «suspension d’un à trois mois de tout ou partie des émissions ». Il n’a pas été question selon ces dispositions de coupure du signal. Dans la décision, des programmes où passent ces pubs sont visés pourquoi, ils n’ont pas été suspendus au lieu du signal qui bloque tout? Qu’est-ce qui motive cet empressement du CNRA à sanctionner sans respecter les étapes prévues par les différents textes visés?
Sur quel texte s’est appuyé le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) pour suspendre le signal de la chaîne de télévision SenTV pour sept jours? Une question qui trouve toute sa pertinence si on parcourt la loi N° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du CNRA ainsi que les dispositions du Code de la presse.
Ce que dit l’article 26
Même si le président Babacar Diagne a servi une mise en demeure au préalable avant de passer à l’acte, il n’est pas allé jusqu’au bout de la logique du droit. En effet, l’article 26 de cette loi prévoit: «En cas de manquement aux obligations prévues par la présente loi, ainsi que par les Conventions et Cahiers de charges, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel fait des observations ou une mise en demeure publique aux contrevenants.
En cas d’inobservation de la mise en demeure, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel peut prendre une sanction qui peut consister en la suspension totale ou partielle d’un programme.
Il est tenu, en fonction de la gravité des griefs, de procéder aux sanctions suivantes :
– suspension d’un à trois mois de tout ou partie des émissions ;
– sanction pécuniaire de deux à dix millions de francs ;
– pénalité quotidienne de retard de cent mille francs à cinq cent mille francs
CFA en cas d’inexécution d’une décision du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel.
Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel peut également proposer à l’autorité ayant délivré l’autorisation une réduction de six mois à un an, de sa durée ou un retrait définitif de ladite autorisation.
Les sanctions pécuniaires bénéficient au Trésor public qui procède à leur recouvrement.
Les sanctions se prennent dans le respect des droits de la défense après notification des faits qui ne peuvent remonter à plus de trois mois. L’intéressé dispose, pour répondre, d’un délai maximum de quinze jours, et en cas d’urgence décidée par le Conseil, de sept jours. Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel dispose d’un délai maximum d’un mois pour rendre une décision motivée et la notifier à l’intéressé.
Les décisions du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel portant sanction peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou d’une demande de sursis à exécution devant le Conseil d’Etat. Ce recours n’est pas toutefois suspensif ».
L’Article 27 du texte de préciser que «les sanctions prononcées par le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel ne donnent droit à aucun dédommagement ».
Le Code de la presse également violé par la décision du CNRA
En plus de la violation des dispositions précitées, le CNRA n’a pas servi de notification à la direction de la chaîne SenTV avant de passer à l’acte. Or, en droit cette notification préalable est obligatoire aussi dans la loi N° 2006-04 du 4 janvier 2006 que dans l’avant projet de loi portant création de la Haute Autorité de Régulation des Communications Audiovisuelles (HARCA) en son article 75 même ce texte n’est pas encore applicable.
D’autres incongruités et violation flagrante de la loi sont notées avec cette décision N° 0001 du 31 décembre 2019. Les dispositions de l’article 210 de la loi N° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la presse sont foulées au pied. L’article 210 du Code la presse dispose en filigrane en termes de sanctions administratives: «(…) en cas d’inobservation de la mise en demeure, l’organe de régulation donne un avertissement ou ordonne la suspension d’une partie ou de la totalité d’UN programme. En cas de récidive et en fonction de la gravité des griefs et de la nature du service, l’organe de régulation prononce l’une des sanctions suivantes et en informe le ministre en charge de la communication; avertissement; suspension d’un (1) à trois (3) mois de tout ou une partie des programmes ; réduction de la durée de l’autorisation d’exploitation de la licence de six (6) mois à un (1) an; sanction pécuniaire de deux à 10 millions de francs CFA.
Ces sanctions peuvent être assorties d’une pénalité de cent mille (100.000) à cinq cent mille (500.000) FCFA par jour de retard en cas d’inexécution d’une décision de l’organe d’autorégulation ».
Numéro de Décision Traitement plainte « maîtresse d’un homme marié »: N°0001 du 29 mars 2019
Le CNRA n’a pas la prérogative de couper le signal d’un média
Par ailleurs, la suspension d’un signal d’une chaîne de télévision ou de radio est une des prérogatives de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) suite à une coordination avec l’autorité de régulation des médias de l’audiovisuel.
Ce qui est le plus intrigant sur cette décision, c’est que tous les préalables pour une si lourde sanction ont été occultés. Il n’y a eu ni avertissement, ni une astreinte financière.
Même numéro des Décisions: « sanction Sen Tv et traitement plainte maîtresse d’un homme marié
Pire encore, il y a une erreur qui n’est pas passée inaperçue. Le numéro de la décision de suspension du signal de SenTV est le même que celui qui porte sur le traitement de la plainte contre le téléfilm «Maitresse d’un homme marié ».
PressAfrik n’a pas jugé nécessaire de joindre l’une des parties. Il a juste tenté de faire une lecture des textes visés par le CNRA pour comprendre la légalité de l’acte.