Ces attaques revendiquées par Téhéran surrviennent dans un climat de fortes tensions avec les Etats-Unis, après l’assassinat par Washington, vendredi, du général Soleimani, l’un des hommes forts du régime iranien.
Cinq jours après l’élimination du général Ghassem Soleimani, l’Iran a lancé, dans la nuit de mardi 7 à mercredi 8 janvier, la riposte contre les Etats-Unis en tirant des missiles contre deux bases abritant des soldats américains en Irak.
« Vers 17 h 30 [heure de la côte est des Etats-Unis, 23 h 30 à Paris] le 7 janvier, l’Iran a tiré plus d’une douzaine de missiles balistiques contre les forces militaires américaines et de la coalition en Irak », a déclaré Jonathan Hoffman, porte-parole du ministère américain de la défense, dans un communiqué. « Il est clair que ces missiles ont été tirés depuis l’Iran et visaient au moins deux bases irakiennes hébergeant des militaires américains et des membres de la coalition à Al-Assad et Erbil », a-t-il précisé.
Ces raids, revendiqués par Téhéran, marquent un tournant faisant redouter une escalade régionale ou un conflit ouvert, même si dirigeants américain et iranien ont semblé vouloir calmer le jeu rapidement.
Dans un tweet au ton léger, le président américain, Donald Trump, a annoncé qu’il ferait une déclaration mercredi et laissé entendre que le bilan n’était pas très lourd. « L’évaluation des dégâts et des victimes est en cours. Jusqu’ici, tout va bien ! », a-t-il lancé.
Représailles « proportionnées »
De son côté, Mohammad Javad Zarif, le chef de la diplomatie iranienne, a affirmé que son pays avait mené et « terminé » dans la nuit des représailles « proportionnées ». « Nous ne cherchons pas l’escalade ou la guerre », a-t-il insisté.
L’Agence fédérale de l’aviation américaine (FAA) a interdit aux avions civils américains le survol de l’Irak, de l’Iran et du Golfe. Les cours du pétrole s’envolaient de plus de 4,5 % mercredi matin dans les échanges en Asie.
Ces frappes, survenues en trois vagues, ont été menées avec « des dizaines de missiles », ont annoncé les gardiens de la révolution iraniens, l’armée idéologique de la République islamique cités par la télévision d’Etat iranienne. Téhéran a promis des « réponses encore plus dévastatrices » en cas de nouvelle attaque et menacé de frapper « Israël » et des « alliés des Etats-Unis ».
« Nous conseillons au peuple américain de rappeler les troupes américaines [déployées dans la] région afin d’éviter de nouvelles pertes et de ne pas permettre que la vie de ses soldats soit davantage menacée par la haine toujours croissante du régime » américain, ajoute l’armée iranienne dans un communiqué.
Confusion sur un départ des troupes américaines
Ces tirs surviennent alors que se terminent à peine les funérailles du général iranien Ghassem Soleimani, assassiné vendredi à Bagdad avec l’Irakien Abou Mehdi Al-Mouhandis, leader des paramilitaires pro-Iran désormais intégrés aux forces de sécurité irakiennes.
Si Donald Trump a clairement écarté mardi toute intention de quitter l’Irak, certains des alliés occidentaux des Etats-Unis ont annoncé leur retrait militaire partiel, alimentant les craintes de voir les tensions actuelles saper la lutte antidjihadiste. Le président américain et ses ministres ont tenté de dissiper l’impression de sauve-qui-peut provoqué la veille par un cafouillage.
Un retrait des troupes américaines « serait la pire chose qui puisse arriver à l’Irak », a déclaré le locataire de la Maison Blanche, évoquant le danger que représente à ses yeux pour ce pays l’imposant voisin iranien. « A un moment donné, nous partirons, mais ce moment n’est pas venu », a-t-il assuré.
L’administration Trump avait créé la confusion lundi en transmettant par erreur aux autorités irakiennes une lettre annonçant des préparatifs en vue du retrait de leurs soldats. Ce courrier faisait référence à un vote du Parlement irakien qui a exhorté dimanche son gouvernement à expulser les troupes étrangères du pays après la colère provoquée par l’élimination de Soleimani. Signe d’un dialogue de sourds qui pourrait se prolonger, le premier ministre démissionnaire irakien, Adel Abdel-Mahdi, a confirmé mardi avoir reçu une lettre « signée » et « très claire » du commandement américain annonçant un retrait militaire.
Et pour ajouter au climat d’incertitude, la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI) affiche les premières divergences. Si la France et l’Italie ont fait savoir leur intention de rester en Irak, les Canadiens et les Allemands ont annoncé mardi le redéploiement d’une partie de leurs soldats vers la Jordanie et le Koweït. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a décidé de retirer temporairement une partie de son personnel d’Irak.
Après le vrai-faux retrait total des troupes américaines de Syrie, annoncé par Donald Trump à deux reprises depuis un an avant qu’il ne fasse volte-face, il s’agit d’un nouveau coup porté à la lutte contre l’EI, alors que les experts ne cessent de mettre en garde contre une résurgence du groupe djihadiste malgré l’élimination de son « califat » territorial irako-syrien.
La mort du général Soleimani alors qu’il se trouvait à Bagdad n’en finit donc pas de faire des vagues. A Kerman, sa ville natale, dans le sud-est de l’Iran, pendant l’hommage une foule immense a réclamé vengeance aux cris de « Mort à l’Amérique ! », comme lorsque son cercueil a fait étape, dimanche et lundi, à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes. Mais une bousculade a fait plus de 50 morts et 200 blessés mardi dans la ville de Kerman, selon des responsables locaux cités par des médias iraniens.