Dans un discours historique, prononcé en arabe dialéctal avec un ton humble, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali a annoncé qu’il ne se représentait pas en 2014 et qu’un vaste plan de démocratisation allait être mis en oeuvre. Liberté de la presse, reconnaissance de tous les partis d’opposition et du droit de manifester… La Tunisie vient-elle de tourner définitivement la page sur 23 ans de régime oppréssif ? S’ils manifestent leur joie, tous les Tunisiens n’en sont pas convaincus.
Ce 13 janvier fera date dans l’histoire de la Tunisie. Le président Zine el-Abidine Ben Ali, après quatre semaine d’émeutes dans le pays et une répression sanglante qui a fait des dizaines de victimes, vient de tenir le discours que les Tunisiens attendaient depuis des années.
Démocratie, liberté de la presse et des associations, droit de manifester, élections libres… Toutes les libertés sont désormais acquises et garanties avec pour seules restrictions les limites imposées par la loi. À cette ouverture, à laquelle il souhaite contribuer jusqu’en 2014 en promettant qu’il ne briguera pas un mandat supplémentaire après 23 ans de pouvoir, il appelle à la participation des Tunisiens, comptant sur « l’effort de tous ».
Il a par ailleurs annoncé la baisse des prix des aliments de base (pain, lait, sucre, huile….) ainsi que la mise en place d’une commission anticorruption réellement indépendante, en s’engageant à ce que les sanctions qu’elle prendra soient effectivement appliquées.
Un président presque touchant
Au préalable, il a fait part avec beaucoup d’émotion de son refus de la violence et des saccages. « Plus jamais de cartouches », sauf en cas de réelle agression, a-t-il juré. Soulignant qu’il avait œuvré cinquante ans pour le pays, il a également reconnu avoir été parfois induit en erreur. L’homme qui s’est exprimé ne ressemblait plus vraiment à celui qui, le 10 janvier, traitait les manifestants de terroristes…
Le président est apparu serein, humble, presque touchant. Les ressemblances avec l’homme qui avait apporté de l’espoir aux Tunisiens, le 7 novembre 1987, était frappante. L’engagement solennel pris par le chef de l’État devant les Tunisiens doit être suivi de mesures qui seront annoncées prochainement.
Belles promesse ? Il ne fait aucun doute que le peuple tunisien ne s’en laissera désormais plus compter. D’abord par téléphone, puisque le couvre feu n’est pas levé, on se congratule et on entonne l’hymne national – symbole de toutes les revendications. Puis les gens sortent dans les rues, montent dans leur voiture et klaxonnent. C’est l’euphorie.
Émotion nuancée
Mais l’émotion est mêlée de doutes. Le peuple n’oublie pas ses morts et reste sceptique. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit l’adage. Certains disent que le discours de Ben Ali, s’il joue sur la corde sensible de l’émotion, intervient « trop tard ». D’autres affirment qu’il doit tenir ses promesses sur le champ, et soulignent que le site You Tube est encore censuré alors que la liberté est en théorie désormais totale. On s’interroge sur la rapidité de la mise en place des mesures annoncées. Sur Facebook, les jeunes lancent des appels pour que Ben Ali « dégage ».
Le régime a cependant fait un geste fort en libérant jeudi soir les deux cybernautes qui avaient été arrêtés : Slim amamou, Aziz Hamami. Mais l’appel à la grève générale est maintenu. Demain à 14 heures, les promesses de Ben Ali seront mises à l’épreuve de la réalité…
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