Le meeting de Sitor Ndour, samedi dernier a fini de convaincre que les querelles de leadership au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds) à Fatick ne sont pas prêtes de s’estomper. 72 heures après que le directeur du Coud s’est autoproclamé responsable de fait du Pds dans le Sine, le ministre d’Etat Mame Birame Diouf est monté au créneau pour fustiger son attitude et lui donner des leçons de sagesse. L’ancien ministre de la Culture est revenu sur la situation du Pds à Fatick, son compagnonnage avec Me Wade, le Fesman, la crise en Côte d’Ivoire, entre autres.
Vous êtes un des responsables du Pds dans la région de Fatick, plus particulièrement à Diakhao, comment appréciez-vous la situation actuelle de votre parti dans la région ?
Vous me situez déjà à Diakhao, mais j’appartiens au Sine entier, puisque si je suis né à Mboul, j’ai grandi à Ndioudiouf, mais par les fonctions que mon père assurait aussi au niveau du canton de Fatick, j’ai eu à connaître d’autres localités… Pour les appréciations, je voudrais d’abord dire que le Pds vit dans le département de Fatick, par les nombreuses actions déployées par les différents acteurs politiques. Est-ce que le Pds se porte bien dans le sens d’un parti où les différents éléments sont unis, où ils partagent la même vision et les mêmes stratégies, je n’en suis pas certain. Nous sommes traversés par des luttes de tendances et de clans ; ce qui n’est pas de la spécificité de Fatick. Et, c’est dans la nature de tous les partis démocratiques et aussi historiquement pour tous les partis qui sont au pouvoir. C’est pour dire simplement que ce n’est pas une tare mais, il faut le dire, ce sont des limites qu’il faut corriger pour arriver à avoir un parti en ordre de bataille, capable de remporter de grandes victoires, puisque quelle que soit la valeur des hommes qui animent ces structures, si nous n’avons pas un parti organisé, nous risquons de connaître les mêmes revers, vu que le parti a perdu les dernières élections locales parce qu’il a été traversé aussi par ces mêmes maux. Donc, oui le Pds est un parti très fort où il y a des gens engagés, mais aussi un parti où des faiblesses sont en train de gangrener sa vitalité.
Quand vous parlez de faiblesses vous pensez à quoi ?
A tout ce qui se passe aujourd’hui avec au moins une dizaine de sensibilités, où chacun s’installe comme étant le leader et où on oublie ce qui devrait être l’essentiel aujourd’hui, à cette étape ultime de l’histoire politique de notre pays. Je suis de ceux qui pensent que nous ne partageons pas les mêmes objectifs. En tout cas pour ce que je viens de voir et ce que j’ai vu depuis presque plus d’un an, il y a des gens qui s’assument dans des missions qui ne sont pas celles de l’heure. Maintenant, chacun se réfugie derrière l’argument facile qui consiste à dire : «Je veux la réélection de Me Wade.» Mais si on veut sa réélection, il faut créer les préalables, définir les objectifs. On ne peut pas chercher à s’imposer, à déstructurer le parti et vouloir la victoire de Wade. C’est tellement évident et l’exemple que nous venons de vivre il y a une semaine (Ndlr : L’entretien a eu lieu le mardi 11 janvier 2011), le prouve. On n’a pas besoin d’être un magicien, on ne peut pas être seul et dire que vous voulez une victoire ; seul contre tous pourrait être le scénario de samedi dernier.
Sans vouloir le dire vous faites allusion à Sitor Ndour qui, à l’occasion du meeting qu’il a tenu samedi passé au moment où vous étiez à Diakhao, a dit être de fait, le leader du Pds à Fatick ?
Il est libre de faire son appréciation, mais je ne veux pas entrer dans ce débat. Je sais ce que je sais. Ce que je dis est valable pour toutes les parties qui se retrouvent aujourd’hui dans le Pds ; les gens doivent s’unir. Rechercher l’unité ne passe pas obligatoirement par la possibilité de se définir un leadership. Le leadership ne se décrète pas ; le leader est quelqu’un qui est choisi par les populations et il n’a pas besoin de le chanter. La première force d’un leader, c’est son humilité. Je n’ai pas besoin de dire ce que je représente dans le Sine. Je n’ai pas un problème d’identité politique. Mes partisans savent que je suis avec eux. Ma base affective est réelle dans le Sine et, au demeurant, je voudrais évacuer cette question une fois pour toute : le rôle de leader ne m’empêche pas de dormir. Je voudrais, pour l’histoire, rappeler que j’ai été un ancien responsable dans le parti que j’ai quitté (le Parti socialiste) pour aller répondre à l’invite du chef de l’Etat qui, en 2000, m’a convié à travailler à ses côtés. Le Président le disait, il nous avait invités en son temps ; c’était ma première visite à ses côtés et il m’avait dit qu’il y a ce que l’on appelle la majorité d’idées ; il m’avait décliné sa politique et il m’avait fasciné parce qu’il y avait un patriotisme qui était le soubassement de ses actions. Je n’ai pas regretté parce que d’abord on m’avait confiné dans un parti et tout le monde le savait, j’étais majoritaire dans le Parti socialiste dans tout le Sine. J’avais subi des injustices, mais ce qui m’intéressait, c’était de pouvoir m’épanouir, participer au développement du département de Fatick, de mon terroir, de mon royaume d’enfance. Depuis lors, il m’a fait participer à la gestion de son pouvoir politique et je pense avoir modestement contribué à la possibilité de l’aider à réussir cette mission.
Accepteriez-vous aujourd’hui que le Pds à Fatick soit dirigé par Sitor Ndour ?
Je n’ai pas besoin de leader, comme moi je ne me définis pas comme leader. Ce sont des questions que je considère comme secondaires. Ma préoccupation, et je l’ai dit devant le chef de l’Etat, c’est de l’aider à réussir. Il ne faut pas se leurrer ; la victoire de Abdoulaye Wade ne passera pas par des problèmes de leadership. Nous devons parler aux populations, vivre leurs préoccupations. Est-ce qu’une seule fois le problème de la victoire de Wade à travers son programme a été décliné samedi ? On a parlé d’individus, comme si c’est cela qui devait donner la victoire à Abdoulaye Wade. Est-ce qu’on a besoin de Mame Birame forcément ? Est-ce qu’il ne s’agit pas de décliner des politiques ? Nous avons d’autres qui sont en face de nous et nous, nous avons un enjeu particulier. Quoi que l’on puisse dire, nous avons Macky Sall. Alors on a semblé s’installer comme leader, qu’est-ce qu’on a fait contre Macky ? A ce jour, Macky est le maître de Fatick commune. Ce n’est pas un mensonge ; c’est connu de tout le monde. Vous êtes journaliste et vous vivez à Fatick. Qu’est-ce qu’on fait ? On va se battre, s’entretuer ? C’est cela aider Me Wade ? Montrer à Abdoulaye Wade que c’est moi le leader ? Sur quel étalon de mesure on peut se baser pour dire que c’est Mame Birame, Coumba Ndoffène, Niokhobaye qui est responsable aujourd’hui ? Cela veut dire quoi ? Est-ce que c’est le leader qui donne la victoire au parti ?
Donc, pour vous la victoire de Me Wade en 2012 passe nécessairement par l’unité ?
Je n’ai pas besoin de le dire, je le vis.
Sitor Ndour, à l’occasion de son meeting, vous a lancé un appel pour que vous veniez travailler avec lui…
(Il coupe…) Je ne peux pas me mettre à parler de ce monsieur. J’ai dit simplement que je n’ai jamais été associé à un meeting. Je ne vais pas aller répondre à un meeting dont je ne suis pas partie prenante. J’ai organisé, pour l’histoire, il y a un an, le plus grand meeting réalisé dans le Sine. C’était à Diakhao puis à Samba Dia. Mais est-ce qu’on est venu répondre à mes invitations ? Et vous vous inquiétez de savoir pourquoi je ne suis pas allé ? C’est parce que je n’étais pas là, c’est tout ! Et ça, c’est secondaire. En tout cas lors des meetings que j’ai tenus, j’ai parlé du Président. J’ai une proximité permanente avec ma base. Demandez à ceux qui doivent rendre compte qui est le plus fréquent dans son département parmi les hommes politiques. Je vis dans mon département et mon épouse fait cinq jours sur sept dans son fief politique. Nous n’avons pas besoin des leçons des autres. Et je vous ai dit que le travail que je fais est un travail sacerdotal pour moi. Ce n’est pas aux autres, encore moins à des jeunes qui viennent d’arriver, de me donner des leçons. Je me suis engagé pour mon peuple depuis trente ans, sinon plus. J’ai essayé avec un parti, ça n’a pas marché ; j’ai pris le train et j’ai vu ce que Abdoulaye Wade est en train de faire. Je connais sa perspective politique et c’est cela que j’essaie de montrer à mes parents pour qu’ils puissent continuer à être dans le train. Le département de Fatick a enregistré beaucoup d’actions positives. La route Diakhao-Fatick jusqu’à Gossas est l’œuvre de Abdoulaye Wade. C’est la plus belle route de l’Alternance. La route Niakhar-Bambey est en voie d’achèvement. On a programmé Ndiosmone-Ndangane, Joal-Samba Dia-Palmarin. Il y a aussi les adductions d’eau, etc. C’est cela qui doit être décliné. Je ne suis pas dans la même vision que certains d’entre eux.
Tout récemment, le Comité directeur de votre parti a proposé l’exclusion de Idrissa Seck parce qu’il considère que la candidature de Me Wade pour la Présidentielle de 2012 est irrecevable. Comment appréciez-vous cette proposition ?
Je suis un militant discipliné et si je dois en parler, j’en parlerais dans mon parti d’abord. Je n’ai pas d’avis extérieur à donner parce que je considère que c’est un débat à l’interne et que les instances seront convoquées dans ce sens là.
Etes-vous oui ou non d’accord avec l’exclusion de M. Seck ?
J’ai une opinion interne et quand le parti convoquera, je m’adresserai à l’interne. Je ne suis pas de ceux qui divulguent ou qui parlent pour parler.
Vous avez été ministre de la Culture, puis ministre d’Etat chargé initialement de l’organisation du 3e Festival mondial des arts nègres. Quel bilan pouvez-vous tirer de cette manifestation ?
Si on part de la philosophie première qui a motivé l’organisation de cette troisième édition, on ne peut pas ne pas féliciter le président de la République. Malheureusement, peu de Sénégalais voire d’Africains ont compris le message de Abdoulaye Wade et c’est dommage. J’ai regretté profondément d’entendre les gens évaluer à coup de milliards ce qui s’est passé ou alors à porter leur attention uniquement sur les manifestations culturelles, à savoir la musique ou la danse. Non, le festival, c’est d’abord un message politique. Le Président a interpellé les Africains, ses concitoyens et ceux de la diaspora pour montrer aujourd’hui la capacité de l’Afrique à participer à la civilisation de l’universel. Ce ne sont pas que des mots. Aujourd’hui, l’Afrique est à la traine, dans le cadre de la coopération mondiale, elle est en retard et j’ai été étonné que des intellectuels, pour des intérêts bassement politiques, aient essayé de dévaluer le message de Abdoulaye Wade. Ceux-là qui sont aujourd’hui en train de critiquer le message ou le festival, étaient les premiers à exprimer leurs frustrations devant un discours qui a été prononcé ici par un chef d’Etat (Ndlr : discours de Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007) et qui a dit que l’Afrique n’a jamais participé et ne participera jamais à l’Histoire, pour reprendre quelqu’un comme Hegel. Aujourd’hui, le Président est en train de mettre des balises pour le développement de l’Afrique. Il a voulu montrer que l’Afrique est suffisamment solide, qu’elle a un passé brillant et un avenir sûr. C’est cela qui a échappé à certains intellectuels.
Oui, certains critiquent l’organisation du Fesman, peut-être pas en termes de bilan financier, mais par rapport à son opportunité actuelle, dans un contexte où les Sénégalais, ceux du monde rural notamment sont confrontés à de grandes difficultés économiques.
Vous êtes en train de me dire la même chose. On construit l’avenir et vous dites que non, ce n’est pas bon. Entre ce que vous avez dit et ce que je viens de vous décrire, il n’y a pas photo en matière de retombées. Vous savez ce que l’on peut gagner en étant avec l’Inde ou avec le Brésil sur le biocarburant ou d’autres formes d’investissement ?
Pourtant le Président Lula n’a pas daigné répondre à l’invitation que lui avait faite le Président Wade ?
Non, le Brésil est venu en tant que pays invité d’honneur. Au moment où le festival était en train de se dérouler, le Président Lula était en train de faire sa passation de services avec son successeur. Mais son pays était là avec plus de 300 artistes et la présence du Brésil ne peut pas mieux se justifier.
Vous avez déjà publié deux ouvrages ; l’un consacré à votre ethnie sérère et l’autre à l’ensemble des discours culturels que vous avez eu à prononcer du temps où vous étiez ministre de la Culture. Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
Je vous remercie d’avoir souligné un travail intellectuel que j’ai effectué d’une part, sur le plan universitaire ; ce fut d’abord mon mémoire de maîtrise que l’Université a publié et qui concerne les relations sociales entre individu et société ; l’autre est un corpus qui consacre les discours culturels entre 2005 et 2009, c’est-à-dire mon passage au département de la Culture. A présent, je me consacre à une étude importante sur les différentes politiques culturelles sous Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade et dont le titre provisoire est : De Léopold Sédar Senghor à Abdoulaye Wade ou l’itinéraire d’un militant de la culture. Ce travail me paraît extrêmement important pour procéder à l’évaluation des différentes politiques que le Sénégal a connues.
Aujourd’hui la Côte d’Ivoire, est dans une situation dramatique. Qu’est-ce que vous préconisez pour aider les Ivoiriens à sortir de cette impasse ?
En tant que démocrate, c’est très simple : il y a quelqu’un qui a été battu au deuxième tour de l’élection présidentielle ; la règle la plus élémentaire, c’est qu’il rende le pouvoir au vainqueur. Pour ce que représente ce pays dans la géopolitique de l’Afrique occidentale, il faut trouver un moyen de régler rapidement ce problème.
Etes-vous du même avis que ceux qui préconisent la solution militaire pour faire partir le Président Gbagbo ?
Je n’ai pas de recette, mais il faut arriver à faire en sorte que celui qui a gagné les élections gouverne. Si c’est la dernière solution, pourquoi pas.
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