Le 28 Septembre 1958, la Guinée, sous la Direction de Ahmed SEKOU TOURE, s’appuyant sur un puissant mouvement syndical, administrait un « NON » historique au Référendum organisé par la France pour demander à ses colonies de prendre leur indépendance ou de rester avec elle.
Ce fut la première leçon de « Dignité » que le peuple de Guinée, avec son mouvement syndical, en quête à la souveraineté internationale, a porté aux peuples d’Afrique et à leurs mouvements syndicaux.
Cet acte héroïque fit de la Guinée, le premier Etat indépendant des colonies de l’Afrique Occidentale et Equatoriale Française (AOF et AEF), tandis que, dans notre pays, ceux qui avaient mobilisé nos populations pour voter « Oui à la France », pour rejeter l’Indépendance, furent ceux- là même que la France avait convié, deux ans plus tard, en 1960, pour leur octroyer ce dont ils ne voulaient pas, à savoir l’indépendance de leur pays.
Mais, après le décès du Chef historique de la lutte pour l’indépendance en Guinée, la prise du pouvoir par le Général Lansana Conté avait plongé ce peuple dans les affres de la pauvreté, de l’arbitraire et de la perte de sa souveraineté si durement acquise.
Dans ces circonstances, c’est le mouvement syndical de Guinée qui a été en première ligne dans la lutte contre le régime dictatorial de Lansana Conté et sa politique anti sociale.
C’est cette lutte qui a accéléré la déconfiture de ce régime, à travers l’organisation de « marches pacifiques », souvent réprimées dans le sang, et une série de « grèves générales et d’opérations de villes mortes », pour obliger le Président Conté à s’ouvrir aux forces vives de la nation guinéenne.
C’est ainsi que le mouvement des Forces vives, avec à leur tête le mouvement syndical, imposait, au Président Conté, la nomination d’un Premier Ministre, issu de ses rangs, avec les « pleins pouvoirs pour constituer un Gouvernement de large consensus national ».
Mais, une fois le calme rétabli, le Président Conté prit du « poil de la bête », pour entreprendre une stratégie de neutralisation de l’action gouvernementale, en se prévalant des pouvoirs que lui confère la Constitution, en tant que Chef de l’Etat.
La Guinée connut alors une période de « Dualité du pouvoir », au sein du pouvoir exécutif où cohabitaient un « pouvoir légal » incarné par le Président de la République, et un « pouvoir légitime » imposé par le peuple.
A la mort de Conté, se produisit un « coup d’Etat militaire », dont le but véritable s’est avéré être la remise en cause des acquis politiques des Forces vives.
Mais les rapports de forces politiques réels obligeaient le pouvoir militaire à naviguer entre les exigences des forces vives, et celles des tenants du régime du défunt Président, jusqu’au massacre du 28 Septembre 2009 à Conakry.
C’est par la suite, que Dadis Camara, Président du CNDD, et Chef de l’Etat, subit un attentat, qui visait, clairement, la déstabilisation de la Guinée, pour donner du crédit aux « cris de Cassandre » de ceux qui, comme la France, prédisaient, en vain, le chaos et le génocide, pour justifier une intervention militaire de la communauté internationale en Guinée.
Les Forces vives de Guinée, avec à leur tête, le mouvement syndical, ont ainsi déjoué les tentatives de la France, qui, manifestement, voulait profiter de ce drame, pour reconquérir la Guinée, à travers l’envoi d’une force militaire internationale, pour, soit disant, empêcher la Guinée de sombrer dans le génocide.
Mais, ce complot, contre la souveraineté du peuple de Guinée, n’a pas pu, aussi, prospérer, que grâce à la vigilance des Forces vives, et à la détermination de la CEDEAO à faire respecter leur exigence d’un « Gouvernement civil de Transition », le « retour des militaires dans leur caserne », et une « enquête internationale sur les massacres du 28 Septembre ».
C’est ainsi qu’en 2010, avec la nomination, par les Forces vives de Guinée, de la Responsable du Mouvement Syndical de ce pays, aux fonctions de « Présidente du Conseil National de Transition », c’est encore le peuple de Guinée et son mouvement syndical, dans sa quête à plus de Démocratie et de justice sociale, qui administre à nos peuples une seconde leçon de « Dignité ».
Mais, le Président du Burkina, choisi par la CEDEAO, comme médiateur dans cette crise, pour créer les conditions de mise en œuvre des exigences des Forces vives, entreprit des manœuvres pour faire maintenir les militaires au pouvoir pour assurer une transition pacifique.
Mais il échoua, face à la détermination des Forces vives à faire aboutir leur exigence de transition civile.
En effet, c’est dans ces conditions que les forces vives de Guinée furent convoquées par le Médiateur au Burkina, donnant ainsi l’occasion à de nouvelles manœuvres lors des concertations pour constituer un « Gouvernent civil de Transition », que le Médiateur voulait mettre sous le contrôle des « pions Guinéens » de la France.
Mais les Forces vives ont rejeté ce projet anti patriotique, pour imposer un » Premier Ministre » issu de leurs rangs, en rejetant tous ceux qui ont eu à participer dans les différents gouvernements de Conté, et ceux qui sont basés en France pour y mener leurs activités politiques ou économiques.
Même l’offre du poste honorifique de Vice Premier Ministre, qui a été faite à la Présidente du « Conseil National de Transition » destinée visiblement à la neutraliser, n’a pas pu prospérer.
Le mouvement syndical de Guinée, en sa personne comme » Présidente du Conseil National de Transition » et un « Premier Ministre » choisi par cette instance, vont veiller, à côté d’un « Président de la République« , nommé de façon consensuelle par les forces vives, pour veiller au bon fonctionnement des institutions de la Transition, vont présider sur les destinés de la Transition, grâce à une » Commission Nationale Electorale Indépendante » (CENI) dont le Président est issu du mouvement syndical, pour organiser des élections libres, démocratiques et transparentes, pour restituer au peuple, la souveraineté pleine et entière sur le choix de ses dirigeants.
Ce faisant, le mouvement syndical de Guinée venait de donner, de très belle manière, au mouvement syndical Africain, en général, et Sénégalais en particulier, une nouvelle véritable leçon d’engagement républicain, démocratique, d’équité genre, et d’indépendance nationale.
En effet, la Guinée venait ainsi de réaliser sa » Révolution Nationale et Démocratique » pour relever les défis de son développement souverain dans la justice sociale et l’équité, dans la stabilité et la paix civile, portant, de cette manière » un démenti formel aux » cassandres » qui prévoyaient une guerre ethnique, pour justifier une mise sous tutelle de ce pays.
Il ne restait plus à la Guinée, que la formalisation dans une nouvelle Constitution, la fin du régime présidentiel et l’avènement d’un régime parlementaire incarné par les institutions de la Transition.
Mais un pays aussi doté en ressources naturelles et minérales que la Guinée, avec sa position géostratégique dans le Golfe de Guinée, ne pouvait pas être laissé assumer son destin, par les grandes puissances et leurs multinationales, notamment européennes et étasuniennes, dans un contexte de vive compétition mondiale, et surtout en terre africaine, avec la Chine et la Réussie.
C’est ainsi, qu’à travers leurs ONG présentes en Guinée sous couvert d’appui au retour à la Démocratie et à l’Etat de Droit, les grandes puissances occidentales, notamment la France et l’Union Européenne, sont parvenu à restaurer le régime présidentiel dans le projet de Constitution, introduire le financement public des partis politiques, et le » Statut du Chef de l’opposition ».
C’est ainsi que le « Chef de l’opposition » en Guinée, bénéficie d’un « budget de 396 millions de Frs CFA » par an, suscitant la colère des Agents de l’Etat, notamment les Enseignants, qui ne peuvent pas accepter que l’argent public aille aux politiques et non à l’amélioration des conditions de leur travail et de leur rémunération.
Ce reflexe corporatiste avec son corollaire, l’anarcho syndicalisme, a affaibli le mouvement syndical de Guinée qui s’est historiquement imposé au niveau national, par son approche de classe et de masse dans ses luttes pour prendre en charge à la fois ses intérêts spécifiques et son devoirs national.
L’absence d’une composante marxiste organisée dans le mouvement des forces vives s’est avéré être son tendon d’Achille.
La seule Gauche organisée qui se revendiquait des forces vives, était incarnée parle Président Alpha Condé à partir de la France, qui est social-démocrate apparentée au Parti Socialiste Français, et membre de l’Internationale Socialiste.
De par sa géo-localisation et de ses rapports avec le Parti Socialiste Français, le Parti, du Président Alpha Condé, était considéré comme faisant partie des « pions de la France » par les forces vives en Guinée.
Dans ces conditions, les forces vives ont manqué de parade efficace contre le projet de financiarisation de leur vie politique, qui a porté un coup fatal à leur « Révolution Nationale Démocratique ».
Cette financiarisation de la vie politique a non seulement affaibli le mouvement syndical en Guinée, mais aussi, la composante société civile du mouvement des forces vives, avec des organisations et des personnalités de la société civile qui se sont jetées dans une conversion frénétique en partis politiques.
L’expérience du régime présidentiel, accompagné de financement public des Partis politiques, a montré partout où il est en vigueur, ( Mali, Congo Brazzaville et Guinée), qu’il n’a pas permis, dans ces pays, d’assurer aucune alternance démocratique dans la paix civile et la stabilité, ni renforcer et élargir les libertés démocratiques.
Au contraire, l’on assiste à une tentative de remplacer à coup d’argent, le système multi partisan acquis après de lourds sacrifices du peuple, par une bipolarisation de la vie politique au tour du Président de la République et du « Chef de l’opposition » dans une guerre des Chefs qui rythme la vie politique dans ces pays, qui risquent d’imploser à tout moment.
En Guinée, cela a conduit, sous le règne d’un social démocrate, à des dérives ethniques porteuses de troubles , qui vont faire le lit à la confiscation de la souveraineté de ce peuple, comme c’est le cas aujourd’hui avec le peuple Malien, sous le règne d’un autre social- démocrate, membre de l’Internationale Socialiste, et qui est aussi adepte du « financement public des Partis politiques » et l’institution d’un « Statut de Chef de l’opposition » doté d’un budget de 500 millions par an, jetant ainsi, comme en Guinée, les syndicats des Agents de l’Etat dans une lutte corporatiste destructrice du service public à tous les niveaux.
Le régime présidentiel et la financiarisation de la vie politique en Guinée, ont porté la crise du » troisième mandat« , à un niveau jamais égalé, même au Sénégal du temps de Wade.
En effet, au Sénégal, du début à la fin de la crise du » troisième mandat » , l’on a comptabilisé une dizaine de morts, alors qu’en Guinée, l’on compte déjà par centaine les morts, sur fonds d’une grave crise inter ethnique l
La solution à cette grave crise en Guinée ne peut donc faire l’impasse de la fin définitive du régime présidentiel en faveur d’un régime parlementaire, et de la financiarisation de la vie politique, avec la suppression du » Statut du Chef de l’Opposition ».
Les républicains démocrates pan africains de la CEDEAO se doivent, dans cette perspective, d’encourager les Guinéens à sursoir à toute consultation électorale et/ou référendaire, pour mettre sur pied, un Gouvernement d’Union Nationale, pour réviser la Constitution pour instaurer un régime parlementaire, et mettre fin à la financiarisation de leur vie politique, afin de renouer avec les acquis historiques de leurs Institutions de Transition que le peuple lui même a mis en place contre vents et marrées!
Ni les grandes puissances occidentales et leurs ONG qui ont pignon sur roue en Guinée, ni la CEDEAO actuellement configurée, ne peut les accompagner dans cette œuvre nationale de portée stratégique, qui renoue la Guinée avec ses nobles traditions de lutte.
Le Sénégal a tout intérêt pour qu’il en soit ainsi, pour sa propre sécurité et la préservation de sa stabilité et de sa convivialité légendaire.
C’est pour cela que les acteurs du » Dialogue National » encours au Sénégal, devrait méditer sur l’expérience de la Guinée et du Mali, pour éviter à notre peuple, les affres du régime présidentiel et de la financiarisation de notre vie politique qui sont à son ordre du jour, avec l’appui d’ONG en liaison avec des Fondations des grandes puissances occidentales et leurs multinationales, et même ouvertement par l’Union Européenne.
La découverte du pétrole et du gaz chez nous, fait de notre pays une proie âprement convoitée, qui, sans un sursaut national, risque d’être un cauchemar pour notre peuple, comme il l’est déjà au Mali et en République de Guinée.
Ibrahima SENE PT/SENEGAL
Dakar le 18 février 2020