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Troisième candidature : le débat doit-il être juridique, politique ou éthique ? (Par Moustapha Wade dit Mara).

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En écrivant un article intitulé « Que vaut la parole devant le droit ? », article que j’avais publié le 14 mars 2019, je n’avais nullement l’intention, n’étant pas juriste, de donner un avis d’expert sur la question. Loin s’en faut. Mon intention était plutôt de donner un signal fort et prévenir la résurgence des dangers vécus entre 2011 et 2012 sous le magistère du Président Abdoulaye Wade ; ces dangers peuvent porter atteinte à la paix sociale et mettre en péril notre démocratie et notre République.
Le débat se pose encore aujourd’hui avec de plus en plus d’acuité et les actes posés par le camp présidentiel ne sont pas de nature à dissiper les doutes quant à l’existence d’un projet caché de troisième candidature du Président Macky SALL.
Sur le plan juridique las avis sont partagés.
Certains juristes pensent que le président peut prétendre à une troisième candidature ; d’autres soutiennent le contraire.
Ceci repose le problème de l’interprétation de l’article 27 de la Constitution qui stipule :
« La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Cet article est constitué de deux alinéas qui semblent indivisibles.
Si la durée du mandat est de cinq ans, alors tout « mandat » qui n’est pas de cinq ans ne devrait pas être considéré comme un mandat.
Alors le mandat de sept ans ne serait pas considéré comme un mandat.
Aussi ne serait-il pas comptabilisé dans le décompte des mandats.
Par voie de conséquence, le mandat de 2019 serait le premier mandat du Président Macky SALL.
Cette interprétation a repris du poil de la bête après les récentes sorties de caciques du pouvoir tels Mouhammed Boun Abadallah DIONNE et Mbaye NDIAYE.
Cette interprétation pourrait avoir l’assentiment du Conseil Constitutionnel qui, dans sa Décision n°1/C/2016 du 12 février 2016, avait répondu à la saisine du Président Macky SALL sur la possibilité de la réduction du mandat que : « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle » ; en conséquence, avait-il ajouté dans son argumentaire que : « la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président ne peut pas s’appliquer au mandat en cours. »
Pourra t-il s’appliquer au nombre de mandats ? Rien n’est moins sûr.
L’autre interprétation de l’article 27 met l’accent sur le second alinéa de l’article :
« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Pour ceux qui sont pour cette interprétation, « nul », adjectif indéfini, signifie personne, aucun ne peut exercer plus de deux mandats successifs sans aucune référence à la durée des mandats.
Cette thèse soutenue par les tenants du pouvoir, comme Ismaila Madior FALL, Seydou Gueye, Mimi TOURE et d’autres éminents juristes, ne laissait place à aucune interprétation de l’article qui semble, selon eux, très clair.
Ce point est d’autant plus intéressant qu’il donne l’avis de ceux-là mêmes qui avaient rédigé les propositions soumises à la révision constitutionnelle référendaire de 2016.
C’est dans cet esprit que le législateur avait jugé nécessaire de faire figurer l’article 27 de la Constitution issue du référendum de 2001, modifié par la loi constitutionnelle n°2008-66 du 21 octobre 2008, dans les quinze points soumis au référendum de 2016.
Ainsi le quinzième point avait-il trait à :
« l’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’Etat, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du président de la République. »
C’est ce qui motiva le changement de l’article 27, en son alinéa deux qui était :
« Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être revue que par loi référendaire» devenu :
« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Ce changement de l’alinéa qui consacra depuis 2001 le principe de la limitation des mandats à deux n’avait-il pas pour objet de le verrouiller définitivement ?
Au regard de tout ce qui vient d’être dit, le problème d’interprétation demeure.
Ne devons-nous pas donc, au-delà de la lettre, convoquer l’esprit dans le contexte de la révision constitutionnelle qui devait, une fois pour toutes, régler la question du nombre de mandats après les débats houleux qu’elle avait suscités sous Wade.
Montesquieu ne disait-il pas dans De l’esprit des lois(1748) : « Il faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire. »
Alors, pour cette fois, éclairons la loi par l’histoire qui ne voulait ad vitam aeternam plus de débats sur la question d’une troisième candidature.
Ceci devrait nous faire quitter le terrain du débat juridique pour atterrir sur le terrain politique où la sacralité de la parole donnée est mise à rudes épreuves avec la série de « wax waxeet » à laquelle nous ont habitués nos hommes politiques qui ont fini de faire sienne l’aphorisme : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. », propos prêtés au Président Jacques Chirac mais renvoyant plus précisément au barbier qui avait mis devant son échoppe une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Demain, on rase gratis». Mais notre barbier, pas totalement idiot et près de ses sous, l’y laissait tous les jours.
Par conséquent, le benêt, qui le lendemain du jour où il avait vu la pancarte, venait se raser et qui s’étonnait de devoir payer, s’entendait répondre : « Oui mais il y a écrit que c’est demain que c’est gratuit. ».
Au total, le Président Macky SALL, gardien de la Constitution, garant de la paix sociale et de la préservation de nos acquis démocratiques, devra siffler la fin de la récréation et clore définitivement ce débat, non en demandant un avis du Conseil Constitutionnel, ce qui reposerait encore le débat juridique, mais en déclarant qu’il va respecter toutes les promesses faites, parmi lesquelles celles de ne pas briguer une troisième candidature qui est loin d’être synonyme d’un troisième mandat, dont seul le peuple souverain est dépositaire.

Fait à Dakar le 03 mars 2020
El Hadji Abdou WADE dit Mara.

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