En raison de sa mise en veilleuse pour fin de mandat en septembre dernier, le Conseil de régulation de l’Autorité des marchés publics (Armp) n’a pas pu jeter un regard sourcilleux sur les marchés passés lors du Festival mondial des arts nègres (Fesman). Après son rétablissement, son président, l’inspecteur général d’Etat Abdoulaye Sylla soutient que tous les marchés conclus entre-temps seront passés au peigne fin.
Ce sont nos confrères de « la Gazette » qui avaient levé le lièvre dans un article intitulé : « Coûts de folie » paru le 19 décembre dernier. Dans l’article en question, il est fait état des folles dépenses des autorités chargées de l’organisation du troisième Festival mondial des arts nègres (Ndlr : Sindiély Wade et Abdou Aziz Sow). Mais aussi du caractère peu orthodoxe de l’attribution de certains marchés à des entreprises. A titre illustratif, l’hebdomadaire informe que l’agence « Ada Voyage » a hérité à elle toute seule du marché de transport aérien pour trouver des compagnies d’aviation à tous les invités. Qu’ils soient stars interplanétaires, artistes, intellectuels, journalistes, chargés de production, Vip…tous sont passés par « Ada Voyage ».
Comme une heureuse coïncidence, ce festin pour certaines entreprises s’est déroulé dans un contexte particulier. Le Conseil de régulation de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) était dissout car son mandat était arrivé à terme. Et ce n’est qu’en décembre passé qu’il a été réhabilité par les pouvoirs publics. Après que la plupart des marchés juteux ont été passés.
Maintenant qu’elle a repris du service avec le nouveau toilettage du Code des marchés, son président Abdoulaye Sylla soutient que l’Armp est prête à étudier tous les cas litigieux sans distinction.
A la question de savoir si les marchés passés lors du Fesman sont dans leur ligne de mire, sa réponse a été sans appel : « L’Armp n’a pas vocation à cibler des événements ou des marchés. Elle s’assure que les ressources publiques ont été gérées de manière transparente », estime Abdoulaye Sylla. Sans langue de bois, il poursuit et signale « pour la période pendant laquelle le Conseil de régulation n’a pas pu fonctionner, les recours des entreprises qui n’ont pas pu être traités, l’Armp prendra les mesures nécessaires et les traitera particulièrement au moment des audits annuels à posteriori ». La cause est entendue donc !
Le taux de préférence nationale passe de 10 à 15%
Sur un autre registre, le président du Conseil de régulation est revenu avec force détails sur le contenu du nouveau Code. Selon Abdoulaye Sylla, il est plein de vertus. Il apporte des compléments et des réaménagements au décret n°2007-545 portant création du Code des marchés publics. D’abord au niveau de l’efficacité dans la passation des marchés, les délais sont raccourcis dans le traitement des dossiers. « La gestion des délais est rationalisée. Le souci du gouvernement, comme de tous les acteurs d’ailleurs, c’est de raccourcir les délais. Tout le monde était astreint à des délais : l’Armp, la Direction centrale des marchés publics (Dcmp). Les autorités contractantes n’étaient pas astreintes à des délais. Maintenant, on leur impose un délai maximal de traitement des dossiers », explique-t-il.
Toujours dans le même sillage, le directeur général de l’Armp, Youssoupha Sakho signale : « maintenant, une autorité contractante ne peut plus mettre plus de 15 jours entre la date d’ouverture des prix et l’attribution des marchés ».
Ensuite, la préférence nationale dans la passation des marchés revient en force. Désormais, la promotion et la capacitation des Petites et moyennes entreprises (Pme) sont pleinement prises en compte. Avec surtout le relèvement du taux de préférence communautaire qui est passé de 10 à 15%. Il y aussi l’encouragement des groupements conjoints. C’est-à-dire que les entreprises nationales peuvent se liguer avec des boîtes beaucoup plus outillées dans des domaines pointus pour conquérir des marchés.
La défense nationale reste dans le giron de l’Etat
Le seul point sur lequel il n’y a pas eu de changement réside dans les marchés relevant de la sécurité de l’Etat et la défense nationale comme le soutenait « L’As » en révélant en exclusivité le décret. Lorsque la défense nationale et la sécurité publique sont en jeu dans l’attribution de travaux, de fournitures et de services à des sociétés, le nouveau Code stipule qu’il n’est pas nécessaire pour le ministère de l’Intérieur et des Forces armées de respecter ces dispositions. Et, l’entreprise publique peut librement attribuer le marché par entente directe avec le bénéficiaire.
Selon ces modifications, une entreprise publique peut aussi attribuer un marché public à une société privée, sans devoir procéder à un appel d’offres, lorsque le service, la fourniture ou les travaux au bénéfice de l’Etat doivent être faits dans l’urgence. Exemple : les catastrophes naturelles et technologiques. Evoquant les récentes polémiques survenues avec les modifications à outrance du Code et défendues ardemment par le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, Youssoupha Sakho a admis que celui-ci n’est pas figé. Et que de temps en temps, il subit des réaménagements pour l’adapter aux réalités du moment. « Je rappelle puisqu’on a l’habitude de copier la France, que le Code des marchés publics français a été modifié une cinquantaine de fois en quatre ans ». Dans un langage beaucoup plus imagé, il indique que le Code est ce que l’anti-virus est à l’ordinateur. Et que pour préserver l’ordinateur intact, il faut sans cesse le mettre à jour.
Papa Ismaïla KEÏTA
lasquotidien.com