En 2018, 531 000 sénégalais ont souffert de paludisme, 555 en sont morts dont 26% d’enfants de moins de 5 ans. En 2019, le nombre de cas de paludisme s’élevait à 354 708 et le nombre de décès tous âges confondus était de 260 dont 23% chez les enfants de moins de 5 ans.
Les sénégalais continuent d’être profondément affectés par la tuberculose, sa mortalité est de 18 sur 100 000 habitants. Le diabète, le VIH/Sida, les maladies respiratoires, la mortalité maternelle, la malnutrition devraient nous préoccuper au plus haut point.
La gestion des épidémies dans notre pays s’est toujours opérée dans un cadre précis. Le choléra, la rougeole, la fièvre jaune et encore plus récemment Ebola ont été contrôlés grâce au respect des procédures et à l’engagement des différents éléments du système de santé. Pour le coronavirus, sa gestion très centralisée, sort de ce cadre.
La gestion de la pandémie Covid-19, s’est jusqu’ici déroulée dans une théâtralisation extrême, un show médiatique insensé et une mise à l’écart ostentatoire des acteurs stratégiques de la riposte.
Le rôle d’un directeur de cabinet n’est pas de porter un combat sanitaire, un plâtrier ne soigne pas une tuberculose, un professeur d’université est dans la recherche et l’enseignement. Le système de santé sénégalais a toujours été caractérisé par sa solidité et sa résilience car il s’appuyait sur des principes intangibles sous tendus par une planification intelligente. La stratégie définie par le niveau central était transmise au niveau intermédiaire avant que la base opérative ne l’opérationnalise en la contextualisant.
Si aujourd’hui nous voulons combattre de façon décisive le coronavirus, il nous faut revenir aux fondamentaux du système de santé, la gestion d’une épidémie reste soumise aux actions croisées, cohérentes et complémentaires de la Direction de la Prévention, de la Direction de la Lutte contre la Maladie sous le leadership de la Direction Générale de la Santé. On ne peut, ni de jure ni de facto, transférer des gradients de compétences à des stations qui n’ont pas de fonctions fédératives dans un contexte de crise sanitaire.
Les bras armés du système de santé se trouvent au niveau opérationnel ; il s’agit dans le détail des districts sanitaires, des postes de santé, des cases de santé et des sites DSDOM. Ceux qui animent ces aires de responsabilité sont les médecins de santé publique, les agents de santé publique, les agents communautaires de soins, les dispensateurs de soins à domicile et tous les agents communautaires qui, de façon désintéressée, totale et entière s’activent dans la mise en œuvre des réponses systémiques aux fléaux sanitaires.
La réponse sanitaire à une pandémie est d’abord communautaire, elle est suscitée par les professionnels de la santé publique et prend racine dans les tréfonds socioculturels, ce qui garantit son acceptabilité et la préserve de la défiance sociétale. Il nous faut aujourd’hui, si nous voulons achever Covid 19, raccrocher le wagon de la lutte contre cette pandémie à la locomotive du système de santé, accepter de lever le nez du guidon en donnant la plénitude fonctionnelle aux stations conçues à cet effet.
J’ai rencontré d’éminents acteurs de la santé publique dont les lumières nous seraient d’un apport inestimable. Les chantres du penser global et de l’agir local, nous continuons à pleurer Dr Mandiaye Loum, Mamadou Bar DP, Seydou Bodian, Bernadette Ndiaye, Moussa Ndour, Bra Séyé Niang et tant d’autres éminents spécialistes de la santé publique qui reposent aujourd’hui dans les jardins d’Eden. Nous gagnerions, dans ce contexte, à nous attacher les lumières de Dr Papa Coumba Faye, Ibnou Déme, Farba Lamine Sall, Papa Moussa Thior ; des techniciens comme Mamadou Ndiaye, Moussé Diagne, Malamine Sané et des professeurs comme Guelaye Sall, Issakha Diallo ou encore Anta Tal Dia.
A l’heure actuelle il nous faut un recentrage stratégique de la lutte basé sur la sérénité, il nous faut un nouvel étendard de communication qui nous épargnerait de ces lectures hexagonales de communiqués quotidiens. Le système de santé de santé à d’autres chantiers plus pressants encore.
Pour notre part, cette pandémie nous a conforté qu’il est possible de réaliser avec une réelle volonté politique des avancées décisives en matière de santé. L’argent, le nerf de la santé : le tiers des ressources mobilisées (1000 milliards) dans la réponse à la pandémie nous aurait permis d’éliminer le paludisme et de contrôler plusieurs pathologies pour le bien être exclusif des sénégalais et le développement de notre pays.
Maad Ñilan Samba Juf.