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Débat sur la symbolique coloniale : Iba Der Thiam prône le devoir d’inventaire

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Le Professeur Abdoulaye BATHILY vient, dans un style frais et courtois, de répondre à tous ceux qui désiraient savoir si la statue de Faidherbe mérite d’orner nos rues, nos places publiques et nos édifices. Je voudrais marquer mon accord avec tout ce qu’il a dit et rendre hommage à son érudition et à son expérience. Dans le même sillage, nous posons la question suivante.
Quel bilan provisoire, peut-on dresser de la furie meurtrière et répressive qui s’est abattue sur le Sénégal pendant les années d’épreuves avec la nomination de Faidherbe à la tête de la colonie du Sénégal et les actions menées par lui-même et ses successeurs ? Nous l’avions déjà dit, mais il faut le répéter, parce que c’est, important, André Demaison, hagiographe de la colonisation, exaltant les faits d’armes du Général Faidherbe, évalue à 20 000 morts, en 8 mois, le nombre de victimes de la répression féroce et brutale, que le Gouverneur du Sénégal avait exercée sur les populations1 . Il le compare à Hannibal et le crédite d’avoir conquis 400 000 kilomètres carrés au bénéfice de la France, soit l’équivalent du double de la superficie actuelle du Sénégal. Faidherbe lui-même s’était donné pour modèles les conquistadors européens des Amériques qui furent d’inégalables éradicateurs du pauvre peuple indien d’Amérique.

Le Professeur Mamadou Diouf Ibn Tafsir Baba de Bargny déclare à son tour à la page 67 de son ouvrage que «Il (Faidherbe) avait combattu sauvagement les écoles coraniques édifiées dans les colonies françaises. Aussi avait-il brûlé, démoli et saccagé quarante mille (40 000) écoles coraniques»2 . Ces chiffres, dont l’origine n’a pas été précisée, bien qu’impressionnants, ne prennent certainement pas en compte tous les paramètres des massacres et destructions que les pauvres populations sénégalaises ont eu à subir. Nous verrons qu’en 1903, au moment de l’inventaire des r e s – sources du continent africain, le Dr Barrot crédita Faidherbe d’avoir conquis « 60 0000 kilomètres»3. Si cela e s t vrai, on est en droit de se poser la question de savoir à quel prix cet «exploit » attribué à quelqu’un qui aimait, semble-t-il, les Africains, a-til été réalisé ? Combien y a-t-il eu de morts au total ? Combien y a-t-il eu de blessés ? Combien y a-t-il eu de mutilés ? Combien de villages avaient été livrés aux flammes, avec leurs cases, leurs greniers, leurs infrastructures sociales, leurs lieux de Culte ? Combien de cimetières avaient été ouverts ou profanés ? Combien de puits avaient été empoisonnés, ensablés ou rendus inutilisables ? Combien de populations, ressentant l’humiliation, la défaite, la peur, l’insécurité, avaient préféré déserter la terre de leurs ancêtres, pour émigrer vers d’autres cieux, sans même apporter avec eux, le plus petit baluchon ? Combien de bœufs, vaches, chameaux, taureaux, chevaux, mulets, ânes, moutons, chèvres, volaille, avaient été, soit capturés, confisqués ou perdus à tout jamais, dans le tumulte général ? Combien y a-t-il eu de disettes et de famines, dès lors que le contenu des greniers avait été pillé ou emporté et que le bétail pouvant fournir de la viande avait été fortement razzié ?

Le Pr Mamadou Moustapha Dieng, qui a publié en 2015 à L’Harmattan «Famines, Disettes et Epidémies dans la Moyenne Vallée du Fleuve Sénégal : 1854-1945», signale, entre autres facteurs, les contrastes climatiques et leurs conséquences, mais aussi l’action de l’homme sur la nature en termes de disettes et d’épidémies dans cette partie du Sénégal. Bien que son étude ne couvre qu’une région, elle nous apprend la fréquence des épidémies de variole(page 48), les proliférations d’acridiens, l’absence presque totale de recettes de récoltes, de mil, de certaines années à Matam, par exemple ; les inondations et leurs méfaits, l’action des prédateurs nuisibles aux cultures, comme les phacochères, les singes et les mange-mil, en 1878 et 1881, par exemple, mais aussi, le rôle de l’homme, provoqué par les guerres, les destructions, les incendies, les mouvements de populations, etc… A la page 191 de sa publication, il dresse de 1858 à 1898 un tableau des épidémies de variole en 1858, de fièvre jaune en 1859, de choléra en 1878 à Saint-Louis, Richard-Toll, Dagana, Podor, Saldé et dans le Fouta, en général. Les services sanitaires avaient, en plus, enregistré des épidémies et des maladies contagieuses comme le béribéri, le paludisme, la méningite, la scarlatine, l’influenza, la peste, le tripanozomiase, la diphtérie, etc.

Tout naturellement, les zones rurales subissaient toutes ces calamités de plein fouet. Si la situation décrite dans ces intéressants travaux de monographie régionale était étendue à tout le Sénégal, on aurait une idée exacte des désastres et catastrophes occasionnés par cette furie meurtrière. Combien de champs avaient été délaissés, de cultures abandonnées, de pêcheries désertées ? Combien de familles avaient été disloquées, avec femmes et maris séparés, des enfants orphelins abandonnés, ou simplement perdus, parce que n’ayant plus aucune attache parentale ? Combien de communautés avaient été massacrées, leurs institutions foulées au pied, leur culture bafouée, leur dignité piétinée, leur avenir hypothéqué ? Combien de rêves avaient été anéantis ? Qui pourra, un jour, évaluer toutes les conséquences dans l’économie, la culture, dans les mentalités et les esprits, que ces événements avaient occasionnés par comparaison avec tout ce que la colonisation a réalisé au Sénégal ? Quels traumatismes les populations ont-elles eu à subir ?

Pourra-t-on un jour avoir une idée précise des conséquences exactes que tous ces événements avaient eu sur l’environnement, la faune, la flore, le cadre de vie, les activités professionnelles, la production, les courants d’échanges, le commerce, les diasporas marchandes, les voies de communication, les mines; sur les progrès économiques, sociaux et culturels accumulés depuis des siècles et sur le délabrement du Sénégal au moment de la course au clocher au lendemain de la conférence de Berlin de 1884-1885 ?

Les populations africaines n’avaient comme armes, que des fusils à silex, ou à pistons et rarement des fusils à deux coups, achetés généralement en Gambie là où il en existait, et ne disposaient comme munitions, que de quelques dizaines de balles. Elles n’avaient, ni canons, ni cartes d’Etat-major, ni moyens de communication à longue distance, ni lunettes à longue vue, ni mines, ni fusils à tir rapide, ni artillerie, ni navires de guerre, ni flottille, ni chalands, ni méharies de dromadaires. Tout au plus, quelques arcs, quelques flèches, quelques lances, quelques sabres (voir en annexe la polémique sur cette dernière arme4), quelques couteaux, des gourdins, des cravaches, des massues, des couteaux, des poignards, etc.

Leurs principales armes étaient au nombre de six, dont nous avons déjà parlé. Le Sénégal et la France sont aujourd’hui des pays amis unis par une langue commune, une histoire commune et une fraternité d’armes ; deux pays partageant une coopération multiforme. Ils sont liés par des intérêts multiples et ont le devoir de préserver cet acquis, parce qu’il constitue un legs majeur pour les générations passées, actuelles et futures. Ils doivent préserver leurs bonnes relations dans le respect de l’égale dignité de leur peuple, le respect de leurs cultures respectives et de leurs valeurs réciproques. Pour réaliser ce noble dessein, nous devons faire preuve de capacité de dépassement.

C’est le dépassement qui nous permettra sans rancœur, ni acrimonie de débaptiser certains de nos rues, édifices et lieux publics sur lesquels trônent encore, de nos jours, les noms de colonisateurs horribles, violents, haineux, racistes, choisis par des autorités méprisantes et qu’aucun peuple africain ne devrait célébrer, pour mettre à leurs places, d’authentiques amis de l’Afrique comme le Comte de Volney, Brissot de Warville, Condorcet, William Wilberforce, William Pitt et les autres membres de la Société des Amis des Noirs avec Thomas Jefferson. La Fayette, l’Abbé Grégoire, le jeune Pasteur anglais Clarkson, Mirabeau, Madame Roland, Talleyrand, Clavières, etc., ou bien des Africanistes comme Delafosse, Martin et Becker, Pélissier, Yves Person, Monteil, Jean SuretCanale, Fage, etc.

Le chercheur qui voudrait s’intéresser aux origines du sous-développement du Sénégal et aux causes du retard, des complexes, des frustrations et traumatismes socio-culturels que ses populations ont accumulés ou subis, trouverait dans le tableau incomplet qui vient d’être esquissé, des mines de renseignements qui n’épuisent, hélas, nullement une problématique multisectorielle, large et complexe. La part de responsabilité que nos ancêtres avaient dans les situations décrites et dans la plupart des guerres qu’on leur a imposées contre leur gré, était, malgré tout, considérable. Devons-nous continuer d’occulter les fautes graves qui incombent à certains des acteurs sénégambiens de cette époque et mettre tous les torts, tous les massacres, toutes les destructions que ces évènements douloureux ont provoqués du côté des seuls colonisateurs ? Ne devons-nous pas regarder la réalité de face et faire courageusement et honnêtement notre autocritique ?
En se livrant à des querelles internes, à des affrontements fréquents pour des motifs qui n’en valaient pas toujours la peine et à des actes de prédations injustes au détriment des faibles, des sans défense et des démunis, au lieu de cultiver l’unité, la paix, la réconciliation, le pardon et la cohabitation pacifique et fraternelle, les populations locales avaient prêté le flanc à ceux qui ne cherchaient qu’à les diviser et à instrumentaliser leurs frustrations, leurs querelles et oppositions pour mieux les dominer et les exploiter.

En pratiquant à l’intérieur de certaines sociétés négro-africaines, l’esclavage qui, quels qu’en soient la forme et les modalités, a toujours été une privation de liberté et de dignité exercée par les plus forts sur les plus faibles ; en pratiquant l’injustice, la répression, l’exclusion, la marginalisation, la spoliation, le népotisme, la discrimination, le mépris, au détriment de certaines couches sociales pour des raisons que rien, ni personne ne peuvent valablement justifier ; en recourant systématiquement à la violence dans le traitement de certains différends, plutôt que de faire appel au dialogue et à la concertation, dans la paix et la sérénité ; en refusant de sceller l’entente et la solidarité pour des raisons d’intérêts personnels et d’égo à des moments où les forces du colonisateur ne pouvaient être vaincues que par la mobilisation optimale de toutes les ressources humaines sénégambiennes, n’avons-nous pas donné à ceux qui voulaient conquérir le Sénégal, l’occasion de réaliser leurs objectifs, des raisons de s’ingérer dans nos affaires intérieurs, de s’ériger en protecteurs des exclus et des faibles, au point que ces derniers préféraient vivre sous leur magistère, plutôt que sous celui de leurs propres frères ? Nous avons perdu notre souveraineté, parce que le rapport de forces était, certes, fortement en notre défaveur, mais aussi, parce que nous avons commis certaines fautes et excès. Nous avons pour cela, pendant des années, subi la domination et l’oppression de forces extérieures animées d’une volonté de conquête ferme, féroce et résolue. Ces évènements si douloureux soient-ils, renferment donc des leçons que les générations actuelles doivent méditer pour le présent et pour le futur.

Pour résister à l’agression extérieure, un peuple a besoin d’unité, de cohésion, d’intégration et de participations inclusives qui ne peuvent prendre racines que dans une atmosphère de paix, de calme, de confiance réciproque, de fraternité agissante et de respect mutuel de tous ses fils et de toutes ses filles.

 1-C’est pourquoi, nous devons, désormais, considérer que tous ceux et toutes celles, qui ont lutté contre la colonisation extérieure pour l’indépendance et la souveraineté de leur patrie, la dignité de leurs populations et la préservation de leurs valeurs religieuses, culturelles positives comptent parmi les authentiques résistants du XIXe siècle.

2- Mieux, nous avons le devoir de reconnaitre que les résistants contre la colonisation extérieure sont tous des héros et des modèles et doivent être traités comme tels par les générations africaines actuelles et futures.
Ndiaga Isseu Dièye Diop, Djilé Fatim Thiam, Thierno Bachir, Maba Diakhou Ba, El Hadji Omar Foutiyou Tall, , Sidiya Ndaté Yalla Diop, Lat Dior Ngoné Latyr, Demba War Sall, Ahmadou Cheikhou de Ouro Madiwou, Amari Ndack Seck, Mohamed Amar, Limamoulaye Thiaw, Sounkari Camara, Alpha Molo Baldé, Alboury Ndiaye, El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, Baïdy Katié, Ndiouma Diatt, El Hadji Abdoulaye Niasse, Fodé Kaba Doumbouya, Ibrahima Ndiaye, Fodé Sylla, Thiéba, Samory Touré, Alpha Yaya, Béhanzin, Moussa Molo Baldé et Souleymane Bayaga, etc., se battaient pour sauvegarder leur dignité et la souveraineté de leur pays. Ils n’étaient des adversaires, ni de l’Afrique, ni du Sénégal, mais du système colonial, qui cherchait à leur arracher leur patrie comme certains Européens l’avaient déjà fait au détriment d’autres peuples dans d’autres continents et à leur imposer une autre religion et une autre culture, au nom, disaient-ils, de la civilisation, du progrès, de la paix, de la justice et de la démocratie à l’Européenne ; des peuples qu’ils disaient, à tort, « arriérés », parce qu’ils n’avaient pas atteint leur niveau technologique, scientifique et militaire. Ces pages sombres de notre passé ne doivent plus continuer à nous diviser perpétuellement. Nous devons les dépasser.

Poussant plus loin la réflexion, ne devrions-nous pas faire notre introspection et réfléchir au rôle qu’on a fait jouer aux Spahis et aux Tirailleurs dans l’Histoire africaine, prendre l’initiative courageuse de dire à tous ceux dont ils ont été les adversaires dans les guerres coloniales africaines : « Nous nous sommes combattus dans un contexte de dépendance, où nous n’étions pas maîtres de notre destin, alors que nous appartenions, quelquefois, au même continent et à la même race. Nous avions les mêmes familles, les mêmes traditions, les mêmes coutumes, les mêmes valeurs, les mêmes langues, les mêmes religions. Mais, nous reconnaissons que vous avez été des résistants courageux et dignes de respect ».

3- Le moment n’est-il pas venu de solder ce passé et de réfléchir comme la France et l’Allemagne l’ont fait, sur ce lourd passif qui risque, sinon de hanter à jamais notre présent et notre avenir, du moins d’empêcher toute réconciliation sincère entre Africains d’une part, entre le Sénégal et les anciennes autres colonies françaises dans le monde, d’autre part ? C’est pourquoi, nous pensons que si la description des violences contenues dans certains actes d’irresponsabilité, d’égoïsme déjà évoqués, ou bien de compromission honteuse réveille en nous des souffrances légitimes, nous ne devons pas nous en arrêter à ces états d’âme, encore moins instruire des procès ou vouer aux gémonies tel ou tel acteur mis en scène.

L’Histoire n’est pas un tribunal. Ceux qui agissaient ainsi étaient des hommes de leur temps. Ils évoluaient dans un contexte colonial dont les mécanismes et le contrôle échappaient, quelquefois, à leur autorité, à leur pouvoir et à leur volonté.
Dans l’Ecole, dans l’Administration, dans l’Armée, on les avait soumis à un processus de décérébration et de recérébration pour formater leurs consciences et façonner des sujets totalement soumis au colonisateur, à sa vision, à ses valeurs et à ses intérêts. Tous ceux qui s’opposaient aux autorités établies étaient considérés comme des ennemis à abattre et traités comme tels. Mais, plus d’un siècle et demi après les douloureux événements décrits plus haut, le temps est venu de nous poser certaines questions, pour régler définitivement tous ces douloureux problèmes comme l’ont fait l’Allemagne et la France, tourner la page, fraterniser, nous aussi, même si nous n’oublions pas.

Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, la nation africaine doit se serrer définitivement la main, le cœur libéré de toutes les rancunes du passé, pour œuvrer, désormais, à l’unisson, sincèrement et loyalement, à l’édification d’un monde de réconciliation, de dépassement, d’amour, de fraternité, de solidarité, de paix et de coopération entre nous d’abord, puis entre nous et le reste de la planète.

Si la France et l’Allemagne, après avoir perdu en 1914-1918, 8 500 000 morts et en 1939- 1945, 30 millions de morts, sans compter les mutilés et les dommages économiques, psychologiques, moraux, sociaux, culturels ou autres, ont pu transcender les ressentiments, la haine et la vengeance, au point de constituer aujourd’hui les deux locomotives de l’Union Européenne, à travers une coopération exemplaire s’exprimant par une amitié et une confiance inoxydables et par des manifestations de fraternisation, des inaugurations d’ouvrages de réconciliation, le jumelage des écoles et des villes et l’édification de projets communs, l’érection de stèles, de nécropoles, de musées, de monuments, des actes et symboles de paix (toutes choses qu’il faut saluer et dont il faut se réjouir) ; si elles ont élaboré une coopération fondée sur le dépassement, la réconciliation sincère et la solidarité agissante, n’est-il pas temps pour les Spahis et Tirailleurs sénégalais ou leurs descendants de faire autant vis-à-vis de tous les peuples et pays qu’ils ont eu à combattre pendant les XIXe et XXe siècles au service de la colonisation française?

Le moment est bien venu de réfléchir sereinement à tout ce qui nous a, jadis, séparés. Le moment est venu de faire preuve de dépassement. Le moment est venu de tourner la page (nous le répétons à dessein), non pour oublier mais pour relativiser et pour œuvrer, désormais, à un monde de réconciliation, d’amour, de fraternité, de solidarité, de paix et de coopération fraternelle. 4- C’est dans la réconciliation et le dépassement que nous édifierons un monde de paix, d’amour, de fraternité, de confiance retrouvée et d’unité. Les affrontements et violences qui nous ont, dans le passé, opposés ne doivent-ils pas être, désormais, considérés comme des motifs nouveaux et des raisons supplémentaires de bâtir ensemble ce monde de réconciliation, de paix, dont l’humanité actuelle a tant besoin ? C’est à nous, héritiers, par notre africanité des Spahis et des Tirailleurs sénégalais, hommes politiques et responsables administratifs de nos peuples, qu’incombe la mission historique de déconstruire ce que nos ancêtres ont construit, jadis, pour bâtir une humanité enfin réconciliée avec elle-même et unie dans la fraternité et la paix.

En ce qui concerne le rôle que les Spahis et les Tirailleurs Sénégalais ont joué dans les deux guerres mondiales, celle de 1914-1918 et celle de 1939-1945, rôles qui leur ont valu d’être distingués comme des acteurs authentiques dans l’avènement du Monde Libre, en participant à la défaite du fascisme, du nazisme et du militarisme, il doit continuer d’être magnifié.

Le sacrifice des soldats tombés au champ d’honneur ne doit jamais être oublié. Parce qu’ils s’étaient investis dans des causes justes, en contribuant aux combats destinés à libérer un peuple dominé et envahi injustement, pour qu’il retrouve son indépendance et sa dignité, les Tirailleurs et les Spahis Sénégalais devraient continuer à les célébrer avec tout l’éclat qui convient. Cette situation est totalement différente des guerres coloniales qui, dépouillées de tout humanisme, poursuivaient des objectifs de domination, d’occupation et d’exploitation. Il est temps que nous fassions la part de choses. Le Sénégal, une fois encore, aurait assumé sa vocation de précurseur qui ouvre la voie aux générations actuelles et futures et aurait, ainsi, donné une nouvelle leçon d’humanisme, de responsabilité, de réconciliation (nous le répétons à dessein), de dépassement, de fraternisation, pour tout dire, de paix et de pardon au monde entier.

Le tableau qui vient d’être dressé sur le rôle que Faidherbe a joué dans l’Histoire du Sénégal est loin d’être complet. Il ne prend pas en compte ni son action administrative, ni son action culturelle et politique, ni son action économique, ni son action militaire. Il n’était pas fait pour cela. Faidherbe avait exercé les fonctions de Gouverneur pendant onze (11) années. Mais, sa présence au Sénégal qui avait commencé en 1852, avait duré au total 13 années. Lorsqu’il quitta le pays où il avait passé moins de temps qu’en Algérie, (où il séjourna pendant 15 années), la ligne politique qu’il avait définie et mise en œuvre était si forte, si puissante et si profonde, qu’elle resta en vigueur bien après son départ, comme nous l’avons déjà dit, à cause du mythe qu’il avait créé sur sa personne, de l’expertise et de la vision du Sénégal dont on le créditait dans les hautes sphères de la colonisation. Elle continua de guider et d’inspirer tous ceux qui lui avaient succédé. Nous le répétons à dessein, parce qu’il s’agit d’une idée forte.

Pr Iba Der THIAM 

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