Les victimes de bavures policières augmentent encore. Et malgré cela, l’impunité demeure. Les organisations de défense des droits de l’homme y voient une complicité et un silence coupable des autorités compétentes qui doivent déclencher une enquête judiciaire relative à ces affaires. Au Sénégal, depuis quelque temps, il est devenu presque habituel de voir des forces de l’ordre abattre de jeunes citoyens sénégalais, à peine âgés d’un peu plus de vingt ans, sans que la loi ne sévisse contre elles. Cette situation enrage les familles des victimes et désole les organisations de défense des droits de l’homme.
Louis Gomis est la dernière victime des forces de l’ordre. A peine âgé de 19 ans, il a été tué par un violent coup de grenade lacrymogène à la tête, lancé par un policier à l’issue d’un match de football de navetanes au stade Alassane Djigo de Pikine. Mais avant lui, il y a eu la mort tragique de Abdoulaye Wade Yinghou, 26 ans, battu par la Police de Yeumbeul à coups de matraque, au point de l’atteindre mortellement au thorax. Il y a eu aussi le meurtre du pêcheur Moustapha Sarr, alors jeune marié, tué à l’âge de 25 ans par un coup de feu provenant de l’adjudant-chef des Eaux et Forêts Yaya Sonko, qui vient d’ailleurs de bénéficier d’une liberté provisoire.
Ces trois affaires ont un point en commun : l’impunité. Alors que si l’on se fie aux propos de Oumar Diallo, chargé de la protection et de l’alerte d’urgence à la Raddho, «ces dossiers doivent être jugés par la Cour d’assises». Ce sont toujours les mêmes cas qui reviennent, martèle-t-il. En effet, M. Diallo est d’avis qu’il n’y a aucune procédure judiciaire déclenchée par les autorités compétentes pour que ces affaires soient tirées au clair. «Quand il y a mort d’homme, il faut nécessairement ouvrir une enquête car c’est l’infraction la plus élevée. Mais ici au Sénégal, quand il y a mort d’homme, on n’ouvre pas une enquête. Et même au cas où une enquête était ouverte, on fait du dilatoire avec une politique de pourrissement», déplore-t-il.
Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des doits humains (Lsdh), étaye les propos de M. Diallo en disant que la réglementation de la Force publique est très stricte, donc, on ne peut jeter des grenades lacrymogènes sur des personnes désarmées. La Lsdh exige sans délai, l’ouverture d’une enquête indépendante pour éclaircir les circonstances de la mort du jeune Louis Gomis. Me Ndiaye a cependant déploré les cas impunis des affaires Moustapha Sarr et Abdoulaye Wade Yinghou. A l’en croire, il y a une Justice à double vitesse au Sénégal et, a-t-il fait savoir : «Nous allons alerter la communauté internationale.»
Toutefois, même si Yaya Sonko, le présumé meurtrier de Moustapha Sarr a été libéré provisoirement, Me Assane Dioma Ndiaye «espère que cette liberté ne va pas classer le dossier aux oubliettes». «Le droit d’être jugé dans les meilleurs délais et le droit à la justice sont des principes protégés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme», déclare M. Oumar Diallo. Pour lui, «des hommes de tenue commettent des forfaits et ils doivent être poursuivis dans une procédure normale. Mais souvent, celle-ci est biaisée soit par les juges ou les hommes de tenue.»
Le spécialiste de la Raddho rajoute : «Quand un policier est mêlé à une histoire de mort d’homme, il faut tenir une enquête impartiale et prendre en compte toutes les conséquences, comme cela se fait dans les pays développés.» Et de se demander : «Est-ce parce qu’il y a un déficit de personnel des forces policières que les autorités ne montrent aucune volonté à ce qu’elles soient jugées ? Si oui, est-ce une raison ? Pourtant, il y a des autorités habilitées à trancher ce genre d’affaires ; mais il y a un manque de volonté manifeste de leur part.»
Pour Oumar Diallo, «il faut que les autorités cessent d’être complices dans ces affaires» de bavures policières.
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