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In memoriam : « Président Babacar, la dernière conversation…» (Par Nafissatou Diouf)

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Hier, une fois n’est pas coutume, j’ai veillé tard. Impossible pour moi de trouver le sommeil, avec l’annonce de votre décès.

Président, comme j’aimais vous appeler ces dernières années, l’annonce de votre disparition m’a surprise, me replongeant dans les souvenirs de mes premiers pas de journaliste-reporter. La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était encore pour échanger sur ce qui nous a toujours liés : le métier si passionnant de journaliste. Un métier dont la pratique vous a occupé certainement presque un demi-siècle.

Toute jeune étudiante en journalisme, j’ai eu la chance de côtoyer, il y a plus de vingt ans maintenant, votre bienveillante et rassurante personne un jour de l’an 1999, au cinquième étage de l’immeuble Fahd, au cœur de Dakar. Sud Fm émettait alors à partir de cette prestigieuse tour, un peu comme en écho à sa renommée éclatante : la première radio privée du Sénégal n’était en effet pas seulement première que de nom. L’information crédible, recoupée et impartiale, c’était sur la 98.5 et nulle part ailleurs.

Fraîchement diplômée de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, ma maîtrise de Lettres Modernes en poche, vous m’avez mis le pied à l’étrier avec la belle équipe composée de feu Chérif El Valid Sèye (que vous avez rejoint au ciel), Abdou Latif Coulibaly, Oumar Diouf Fall, Abdoulaye Ndiaga Sylla, entre autres. Me revient en mémoire, l’une de nos premières discussions. J’avais couvert un sujet dont je ne me rappelle, hélas, plus de la nature et, comme la rédaction de Sud Quotidien n’avait pas envoyé de reporter, on m’avait confié la lourde tâche de rédiger un article pour le compte 
des milliers de lecteur dont le rendez-vous avec leur journal préféré était un culte  quotidien.

Le lendemain, nous nous croisâmes dans les couloirs propres et feutrés de la rédaction. Très attentionné mais surtout très psychologue, c’est avec tact que vous m’avez abordée sans m’impressionner : je rencontrais le Président Directeur Général du Groupe Sud Communication. D’un ton bourru vous me félicitiez pour le reportage que vous aviez lu dans les colonnes de votre journal, ne manquant pas de vous interroger sur mon cursus . Je me surpris à entretenir avec vous, le plus naturellement du monde, comme je le ferai avec un confrère de ma génération, une conversation sur l’écriture et ses nombreuses possibilités, sur l’actualité et le journalisme. Une conversation à bâtons rompus pendant laquelle, contre toute attente, je vous entendis m’exhorter à écrire plus régulièrement, car j’avais « une belle plume », disiez vous.

La sincérité qui vous caractérisait ne me laissa pas le temps de douter de l’honnêteté de vos propos. Je me promis, plus à moi-même qu’à vous, de faire miens vos conseils avisés d’alors.

Sans le savoir, je venais de rencontrer, plus qu’un patron, un ami sur le plan intellectuel, un mentor dans le métier et une référence, car je me mis à vous lire un peu plus régulièrement. Dans ces moments où l’on perd un proche, ami ou parent, le chagrin étreint le cœur mais vivifie l’esprit afin de garder intact l’héritage riche que lègue le disparu De votre legs, cher Président, je conserve trois choses essentielles : le professionnalisme, la bienveillance et l’amitié. Dans le premier on retrouve la rigueur inhérente à la pérennité dans la profession et gage de respect et de reconnaissance des confrères d’abord et de l’opinion ensuite.

La deuxième valeur est un don de soi, une baraka, que j’espère avoir entrepris d’acquérir pour vous avoir cotôyé, hélas pas autant, finalement, que je l’aurais souhaité . Dans le métier que nous exerçons, cette disposition permet de savoir séparer la bonne graine de l’ivraie et de travailler avec une passion mesurée et l’esprit alerte.

Enfin, l’amitié, une denrée hélas, qui se raréfie de plus en plus et que j’ai eu la chance d’entretenir avec votre précieuse personne. Alors que ma mémoire renfloue les riches conversations qui ont nourrit nos échanges intellectuels pendant toutes ces années, je ne peux m’empêcher de constater votre constance dans le respect des principes du journalisme, de la pratique de l’éthique, du sens du dialogue et des échanges que vous avez toujours portés en bandoulière. Peut-être que ce souvenir atténuera un peu la douleur de savoir que nous ne converserons plus, même si, comme le disait l’autre, le silence est l’art le plus perfectionné de la conversation. Et, de votre retraite aux cieux, dormez du sommeil du juste Babacar, Président que l’on espère élu de Dieu. 

Votre amie, Nafissatou  Diouf

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