XALIMANEWS- Alors que commence ce jeudi 1er octobre le mois consacré au cancer du sein, les associations proposent davantage de rendez-vous virtuels.
« Puisqu’il faut utiliser le mot vague en ces temps de coronavirus, on va faire une vague rose sur le GR75, en marchant dimanche 5 octobre, avec 17 autres patientes et nos familles, tout de rose vêtus, déclare Isabelle Cassard, 47 ans, ancienne patiente de l’ Institut Curie. C’est notre façon à nous de résister au Covid. » Comme elle, beaucoup de patientes, anciennes patientes, proches touchés de près ou de loin par le cancer du sein, n’ont pas l’intention qu’ Octobre rose soit éclipsé par l’épidémie. Car ce mois de rendez-vous sportifs et ludiques reste essentiel à la fois pour la convivialité, la recherche et les associations.Mais en cette année plombée par le Covid-19, les associations ont dû se réorganiser pour proposer des événements adaptés sans mettre en péril les premières concernées.
Sensibiliser et échanger
Pour qui les rendez-vous proposés au cours d’Octobre rose sont des occasions d’échange, de soutien, d’informations. Certains événements, sensibilisation à l’autopalpation, sophrologie notamment, pourront se tenir en individuel ou petit groupe. « C’est important ces retrouvailles en réel, pour les maladies, mais aussi les aidants », confie Isabelle Cassard.Mais globalement, beaucoup de rendez-vous ont été annulés, modifiés ou resteront virtuels. « Cette communion, ça manque beaucoup cette année, regrette Anne Bergougnoux, directrice d’Odyssea, qui organise des courses depuis 2002. On sent que les gens ont besoin de se retrouver. Mais c’est aussi pour se préserver. Certaines de ces femmes sont immunodéprimées… »
Un crève-cœur non seulement pour les patientes, mais aussi pour les associations qui les accompagnent. « Pendant le traitement et après, ces patientes ont besoin d’être très entourées, de parler avec des femmes qui vivent la même chose », reprend Anne Bergougnoux.
De l’aviron à l’« avirose »
Mais Octobre rose, c’est également la possibilité de découvrir ou pratiquer une activité physique. Pour Isabelle Cassard, diagnostiquée en décembre 2017, la rencontre avec l’aviron en octobre 2018 a été une révélation. « C’est drôle, j’avais une appétence pour le sport dans l’eau, natation ou aquagym, mais pas sur l’eau ! » avoue cette licenciée du club d’aviron de Meaux. Qui ne tarit pas d’éloges. « Cette sensation de coordination qui va des pieds à la tête, de glisse, l’ensemble du corps travaille, la concentration… » De nombreux clubs d’aviron proposent désormais des sections santé, notamment pour les femmes opérées d’un cancer du sein. « L’aviron est un sport complet et totalement adapté, explique-t-elle. Après l’opération, la peau, les nerfs, les muscles sont touchés, on est limité dans nos mouvements. Pour la reconstruction, on a besoin de retrouver un mouvement qui ne nous blesse pas, qui fasse bouger un ensemble de muscles, parfois cachés. Or l’aviron, qui glisse sur l’eau, permet de tout travailler en douceur. »
Cette année, Isabelle avait prévu de relever un défi rattaché à Octobre rose : participer à la Traversée de Paris (randonnée en aviron de 28 km sur la Seine). « Mais on n’a pas pu se préparer avec le Covid, regrette-t-elle. Le club a fermé de mars à septembre. Malheureusement, quand on a été opéré, on ne peut pas se lancer un défi de 30 km en aviron sans entraînement… même si on est plusieurs ! » Coup dur qui a été compensé par « Avirose ». En effet, la Fédération Française d’Aviron a permis à 16 anciennes patientes de participer à la Traversée dimanche 20 septembre grâce à des rameurs indoor connectés. Arnachées à quatre machines, ces anciennes patientes, au pied de la Seine, ont donc ramé chacune 6 km, chronomètre et parcours sur la télévision en ligne de mire.
Des courses virtuelles
Longtemps, Odyssea, qui organise des courses dont les bénéfices sont reversés à l’hôpital Gustave Roussy, espérait maintenir la course à Paris et avec seulement 5.000 personnes… contre 40.000 l’année dernière. « Mais fin août, on s’est dit alors que ce n’était plus possible et on a bien fait au vu des dernières mesures ! », souffle Anne Bergougnoux. Alors est née l’idée de proposer aux Français une course virtuelle avec la possibilité de marcher ou courir 5 ou 10 km du 1er au 4 octobre, selon leur possibilité. Le midi au travail, en petit groupe ou seul, dans la forêt le week-end… Histoire de participer, malgré tout, à une course collective et financer la recherche pour le cancer du sein. Car chaque participant peut télécharger son dossard sur le site. Et ce jeudi, l’association propose de se retrouver devant son écran pour un échauffement collectif, un webinar pour parler des avancées de la recherche et une séance de yoga.
Même topo du côté du Centre Ressource d’Aix-en-Provence, qui propose toute l’année des soins complémentaires (ostéopathie, réflexologie, sophro…) aux personnes souffrant de cancer et leurs proches. Avec un traditionnel point d’orgue: pour Octobre rose la Foulée ressource réunit jusqu’à 1.700 coureurs. Cette année, 500 personnes ont acheté leur dossard et s’engagent à aller courir 5 ou 10 km où et quand ils le souhaitent ce week-end. « Cette année, on ne peut pas faire un rassemblement physique, mais on veut faire un rassemblement de cœur », positive Ahmed Rachid, directeur du centre. Qui ne cache pas sa déception. « Au-delà de la course, c’est une journée de fête, reprend-il. Un peu comme une kermesse avec des structures gonflables, du maquillage, des cours de danse… Cette année, annuler cette journée, c’est la double peine pour les bénéficiaires. » Car après les mois de confinement, ces personnes qui souffrent parfois de solitude ne pourront pas se retrouver pour un moment de partage, de défi, de fierté aussi. « Le virtuel, ça ne casse pas l’isolement, reprend-il. Pour certains, cette course, c’est l’objectif d’une année ! »
Notamment pour ceux s’encouragent entre patients à aller en chimio et faire du cardio. Quand on sait que l’activité physique est particulièrement recommandée pendant et après un cancer, cet accès freiné est d’autant plus regrettable. Entre les salles de sport qui ferment (à nouveau) dans plusieurs villes et les défis sportifs d’Octobre rose moins suivis, c’est un bien-être en moins pour les patientes. « Des études récentes ont montré que faire du sport est essentiel dans la guérison et pour éviter la récidive dans le cancer », rappelle Anne Bergougnoux. D’ailleurs, de plus en plus d’hôpitaux proposent de l’activité physique adaptée, du yoga, du taï-chi… « Il est plus important que jamais d’informer sur les bienfaits de l’activité physique, renchérit Isabelle Cassard. Avec le Covid et le défaut d’activité physique, j’ai senti le retour de douleurs que j’avais juste après l’opération et même une perte de poids. » Un constat partagé avec ses coéquipières d’aviron.
Difficultés financières
Pour ces associations qui ont dû se réadapter, ces compétitions représentent un enjeu financier. D’habitude, les courses Odyssea réunissent plus de 40.000 personnes et collectent près de 600.000 euros pour la recherche contre le cancer. « On a 5.000 participants connectés, mais ça monte tous les jours, rassure Anne Bergougnoux. On sait que les bénéfices seront très modestes cette année. L’objectif c’était surtout de ne pas rester sur cette année blanche et de montrer symboliquement qu’on est debout. » Les pertes sèches liées au confinement et l’inquiétude liée à la crise économique ne poussent ni les entreprises, ni les citoyens à verser leur obole aux associations. Au point que certaines, les plus petites et fragiles, voient leur équilibre financier vaciller. Au centre Ressource d’Aix, les signaux sont au rouge. « On a des salariés et 900 m² ça a un coût ! synthétise son directeur. D’habitude, la Foulée rapporte près de 35.000 euros. Cette année, on espère atteindre 25.000. Mais c’est au quotidien qu’on se démène pour la survie du centre. Comme on se bat pour les bénéficiaires, et on sait combien ils ont besoin des soins complémentaires, on a de l’énergie ! ».
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