XALIMANEWS- L’Inserm lance aujourd’hui une plate-forme d’évaluation des candidats vaccins. Les essais cliniques prévus sont d’une ampleur inédite en France.
L’histoire s’en souviendra peut-être comme de l’appel du 1er octobre. « Devenez volontaire pour tester les vaccins Covid ! », proclame le site Covireivac sur sa page d’accueil. Pour la première fois en France, un appel à volontaires est lancé pour participer à des essais cliniques de candidats vaccins. Un hashtag a même été créé pour l’occasion : #jetestelevaccincovid. Pilotée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à la demande des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, la plate-forme Covireivac s’appuie sur un réseau de 24 centres d’investigation clinique (CIC), installés dans des centres hospitalo-universitaires à travers le pays.
Avec ce site, inspiré des campagnes de recrutement menées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l’institut espère convaincre 25 000 hommes et femmes de plus de 18 ans à « participer à un défi historique au côté de la communauté médicale et scientifique ». « De nombreux essais cliniques ont déjà été réalisés en France pour d’autres vaccins comme la grippe saisonnière ou le VRS [virus respiratoire syncytial, bronchiolite], mais jamais nous n’avions développé une plate-forme de ce type. Il faut dire que nous n’avions jamais connu de situation sanitaire justifiant de réaliser des essais cliniques avec un aussi grand nombre de sujets, sur une période aussi courte », explique l’infectiologue Odile Launay, qui coordonne le CIC Cochin Pasteur, le réseau français de recherche clinique en vaccinologie (I-Reivac) et, désormais, la plate-forme Covireivac.
L’internaute est invité à remplir un questionnaire (âge, état de santé, hôpital le plus proche…), qui permettra aux chercheurs de sélectionner les volontaires en fonction de leurs besoins. Les essais cliniques prévus devraient démarrer d’ici à la fin de l’année et s’étaler sur deux ans. A ce jour, l’Inserm ne sait pas quels candidats vaccins seront testés – les discussions sont encore en cours avec « les fabricants auprès de qui l’Union européenne a passé des pré-commandes », précise l’infectiologue. Les vaccins russes et chinois ne seront pas concernés. Le laboratoire anglais AstraZeneca, dont le protocole a été suspendu quelques jours en septembre en raison d’une maladie inexpliquée contractée par un patient, pourrait en revanche faire partie de l’évaluation.
Plusieurs protocoles pourraient être menés en parallèle
Lancé par l’Inserm, avec l’AP-HP, le premier essai clinique présenté par Covireivac devrait être un essai de phase 2 (les tests de vaccins comptent trois phases jusqu’à la mise sur le marché), centré sur les sujets âgés, dont le système immunitaire est généralement affaibli. « Avant de vacciner les personnes les plus âgées, nous voulons pouvoir étudier la réponse immunitaire obtenue avec ces vaccins sur cette population, qui est la plus à risque de formes graves et de décès », développe Mme Launay.Pour ce faire, Covireivac va mobiliser 200 participants, qui seront répartis en deux catégories : une centaine de personnes âgées de plus de 70 ans, et un groupe contrôle plus jeune. Tous seront vaccinés par le même candidat vaccin. Des prises de sang régulières permettront de comparer la réponse des deux groupes. Si plusieurs industriels acceptent de jouer le jeu, différentes études (une par vaccin) pourraient être lancées sur ce modèle.
C’est pour le second type d’essais cliniques que la plate-forme a besoin d’un nombre de volontaires inédit pour la France. Ces essais de phase 3 sont « à promotion industrielle » : la personne morale qui en prend la responsabilité et en assume le financement n’est pas une entité publique, mais un industriel. Là encore, si non pas un, mais deux ou trois laboratoires souhaitaient mener une partie de leurs essais de phase 3 dans l’Hexagone, plusieurs protocoles pourraient être menés en parallèle (sans comparaison possible entre les candidats vaccins, les fabricants refusant en général d’être mesurés à leurs concurrents par le biais des essais cliniques avant la mise sur le marché). L’objectif de ces études est de déterminer si le vaccin est sûr et protège de la maladie. Tous les participants se verront administrer une ou deux doses qui correspondront soit au candidat vaccin, soit à un placebo. Aucun d’entre eux, ni les médecins chargés de leur suivi d’ailleurs, ne sauront qui a reçu quoi. C’est le principe des études « randomisées en double aveugle » adopté pour les phases 3.
Surveillés pendant plus d’un an, les volontaires seront pris en charge en cas d’effets indésirables, dont la survenue peut exceptionnellement conduire à la suspension de l’essai. A l’arrivée, l’efficacité du vaccin sera calculée en comparant le nombre d’infections dans les deux groupes. « Pour le Covid-19, aucun essai de phase 3 n’a encore été réalisé en France, car quand les laboratoires étaient prêts, la circulation du virus n’était pas suffisante. La situation est en train de changer », analyse Mme Launay. Les résultats de l’ensemble des essais de Covireivac seront communiqués aux autorités de santé, qui s’en serviront comme base pour leurs recommandations de vaccination.
Malgré la défiance qui entoure les vaccins en France, la plate-forme a déjà reçu de nombreuses sollicitations de la part de volontaires ayant entendu parler du projet. La réglementation française interdisant la rémunération dans le cadre d’essais cliniques, les volontaires de Covireivac seront simplement défrayés et indemnisés, de quelques dizaines à 200 ou 300 euros.
Le Monde