Senghor s’est construit une excellente image de démocrate en quittant le pouvoir volontairement. Abdou Diouf a accepté d’être battu et a félicité son concurrent, avant même les résultats définitifs. Des exemples que Abdoulaye Wade n’est pas prêt à suivre, selon le secrétaire général du Rnd, Madior Diouf. Et les proches Wade qui agitent l’idée d’une loi interprétative ou encore de prorogation de son mandat, ne lui rendent pas service. Parce que, ces procédés sautent aux yeux de l’opposant comme ‘un manque de dignité qui rabaisse la personne devant l’histoire et devant ceux qui l’ont précédé’. Entretien.
Wal Fadjri : Comment accueillez-vous l’idée d’une loi interprétative, agitée par le Pds et ses alliés, pour valider la candidature de Wade par l’Assemblée nationale ?
Madior DIOUF : Abdoulaye Wade sait, et il l’a dit, qu’il ne peut plus être régulièrement candidat. C’est de 1992 que date au Sénégal une réflexion qui a introduit la limitation du nombre de mandats pour la présidentielle. Avant, il n’y en avait pas. Donc, cela ne date pas de cette année, mais bien en 1992. Lors des travaux dirigés de réflexion convoqués par le président Abdou Diouf, nous avions réfléchi au sein des commissions nationales de réforme du Code électoral et on a fini par introduire dans le code électoral cette limitation du nombre de mandats du président de la République. Lorsque Wade a été élu en 2000, le régime de la limitation des mandats était déjà en vigueur. Il est élu en 2000 et, en 2007, il a terminé un mandat et commencé un autre. Peu importe la variation de la durée, nous avons dit deux mandats. Alors, son deuxième mandat, c’est celui qui est en cours. S’il le termine, il ne pourra plus se présenter. Il (Wade) dit : ‘J’ai verrouillé’ la Constitution. Mais ce n’est pas lui qui a verrouillé, c’était une réflexion qui date de 1992 qui a verrouillé.
La limitation existait-elle déjà en 1992 ?
La réflexion de 1992 a abouti à des conclusions qui posent le principe de la limitation des mandats. Et cela a été introduit dans la Constitution. Alors, si quelqu’un doit s’en vanter, c’est plutôt Abdou Diouf, car c’est lui qui avait convoqué la réflexion et déclaré publiquement : ‘Je ne changerai pas une virgule aux conclusions’. Et que les résultats des travaux seront transformés en projet de loi et l’introduire, pour ce qui est constitutionnel, dans la Constitution et le reste dans la réglementation. Wade sait que ce n’est plus possible et ses embarras, la rumeur en dit quelque chose.
Mais de quelle rumeur s’agit-il ?
De la rumeur qui dit que Wade aurait pensé à interroger les membres du Conseil constitutionnel. Mais ces derniers n’ont pas le droit de faire des consultations privées. Et si Wade le fait, c’est comme une tentative de corruption. Il n’a pas le droit. La dernière trouvaille serait qu’ils fassent voter une loi interprétative. Mais pour interpréter quoi ? Dans le droit produit au Sénégal, aujourd’hui, il y a une seule institution qui peut interpréter la Constitution : Le Conseil constitutionnel. C’est la seule institution que nous avons et dont le rôle est d’interpréter la Constitution : dire ce qui est conforme et ce qui ne l’est pas. Wade est un homme de droit, dans les dictionnaires de notion du droit, il a pu apprendre la loi interprétative. Mais elle n’existe pas. Et ce n’est pas parce que sur le plan mondial et partout en francophonie, par exemple, il y a des notions de droit qui ont été élaborées que nécessairement, cela figure dans notre droit positif. Ce n’est pas une loi (loi interprétative) qui a déjà été produite ici, et sur la base de laquelle on peut s’appuyer pour dire, voici comment on fait pour l’appliquer.
Ce qui est constant au Sénégal, c’est que l’Assemblée nationale ou le Parlement produit le droit. Il discute et élabore des lois. Si le Conseil constitutionnel approuve, la loi passe. Et une fois votée et adoptée, elle est publiée. Donc le rôle de l’Assemblée nationale, c’est de produire le droit en votant des lois. Celui du Conseil constitutionnel, c’est d’interpréter la Constitution. Par conséquent, introduire une loi interprétative, pour dire quoi ? Je crois que ça traduit le désarroi de Wade. Parce que, de toute façon, il ne peut pas, par une alchimie juridique, faire admettre qu’une troisième candidature de lui est régulière. Et, si les gens sont déterminés même à faire verser le sang pour qu’on respecte le droit, il (Wade) ne doit pas s’en étonner. Parce que le droit, on le produit avant de l’appliquer. Mais on n’attend pas d’être devant un problème pour dire : ‘Je voudrais être réélu pour une troisième fois. La loi ne le permettant pas, je vais essayer de la faire changer’. On ne produit pas le droit de cette manière.
‘Senghor s’est construit une excellente image de démocrate en quittant le pouvoir volontairement par démission. Abdou Diouf a accepté d’être battu et a tenu, avant même les résultats définitifs, à féliciter son concurrent. Ce qui est une très grande beauté démocratique. Mais qu’est-ce qu’on va admirer demain de Wade ? On ne voit pas’
Pourtant, plusieurs projets de loi que l’opposition a qualifiés d’inacceptables sont passés à l’Assemblée sans bruit.
Ce que nous souhaitons, c’est que le candidat de Wade (pas lui, parce qu’il ne peut pas se présenter) soit battu à la régulière plutôt qu’on soit obligé de nous rassembler pour chasser Wade, comme c’est le cas ailleurs où on a chassé des gens au pouvoir. Ce que je lui souhaite, tout comme c’est le cas de Abdou Diouf et de Senghor, c’est que quand il aura quitté le pouvoir, il puisse rester au Sénégal où y revenir quand il veut. Mais, ce qu’il est en train de tenter, d’abord, ce n’est pas de la grandeur. Ensuite, c’est très dangereux pour lui.
Comment cela peut-il être dangereux pour lui ?
Parce qu’il ne peut pas baliser une vie de paix pour sa famille après son pouvoir en se comportant comme il le fait. C’est dangereux et pour lui et pour le reste de ses proches.
Comment accueillez-vous alors des propositions de prorogation du mandat présidentiel aussi agitées par des députés proches du pouvoir ?
Le manque de grandeur est extraordinaire chez ces personnes. Parce qu’elles cherchent et tout ce qu’elles sortent est plutôt saugrenu. Prolonger simplement pour permettre à quelqu’un de rester au pouvoir, ne resterait-ce qu’une journée, est irrégulier. Et c’est un manque de dignité qui rabaisse la personne devant l’histoire et devant ceux qui l’ont précédée. Senghor s’est construit une excellente image de démocrate en quittant le pouvoir volontairement par démission. Abdou Diouf a accepté d’être battu et a tenu, avant même les résultats définitifs, à féliciter son concurrent. Ce qui est une très grande beauté démocratique. Mais qu’est-ce qu’on va admirer demain de Wade ? On ne voit pas. La position de Senghor et Abdou Diouf est admirable et ce n’est pas les Sénégalais qui le disent, mais on en parle de l’extérieur. Avec Wade, c’est zéro.
Mais il y a forcément quelque chose à retenir après 10 ans de pouvoir…
On peut retenir la démocratie, l’argent et la gestion informelle. Voilà trois thèmes sur lesquels on ne peut rien citer de grand. Véritablement, c’est quelqu’un qui a été un accident malheureux dans notre histoire. Nos deux premiers présidents habitent la grandeur, la dignité et le sens de l’honneur. Mais avec lui, non seulement il y a un échec politique, mais également la manière de s’accrocher au pouvoir fait que tout ce à quoi il pense est antidémocratique.
‘Que nous continuons à travailler ensemble (à Benno) est une excellente chose. Mais que nous continuons à dire ensemble, quelle sera la répartition du pouvoir des institutions de la République, c’est encore mieux’
A un an de la présidentielle, Bennoo Siggil Senegaal a toujours du mal à vider la question de la candidature. Où se situe le blocage ?
Je comprends les impatiences, car la majeure partie de nos concitoyens souhaiterait que bien avant même que Wade ne proclame sa candidature, nous ayons cherché et trouvé un candidat. Et que l’on subordonne le travail à ce choix. Seulement, celui à qui nous avons affaire et qui fait feu de tout bois en ce qui concerne ses ambitions, a déclaré sa candidature à l’extérieur, tout en sachant qu’il ne peut pas être candidat. Ce qu’il voulait, c’est que les gens discutent de sa déclaration beaucoup plus que du principe même de sa candidature. L’opposition en est actuellement au stade des affirmations de candidature à la candidature.
C’est-à-dire ?
Les partis qui pensent que leur leader devrait se présenter sont en train de le dire, ce qui est tout à fait normal. Mais ça, c’est le stade des candidatures à la candidature. A quel moment, nous allons résoudre le problème ? On n’est pas tellement pressé. Il faut simplement que nous n’arrivions pas à un moment où le non choix jusqu’à cette date ne pose des difficultés.
N’êtes-vous pas arrivé à ce stade ?
Ce n’est pas encore le cas actuellement. Que nous continuons à travailler ensemble est une excellente chose. Mais que nous continuons à dire ensemble, quelle sera la répartition du pouvoir des institutions de la République, c’est encore mieux. Parce qu’en 1962, nous avons vécu une dyarchie à la tête de l’Etat et il a fallu des événements violents pour la régler. La Constitution en vigueur n’avait pas prévu comment régler cette question. Aujourd’hui, il faut se donner le temps de travailler la Constitution de sorte que les responsabilités soient totalement réparties, très équilibrées et que nos objectifs soient atteints : un président qui a des pouvoirs, une Assemblée nationale qui est au centre de la vie politique et une création de structures qui obligent les institutions à collaborer. Voilà une construction nouvelle et, on ne doit pas mettre en avant la dénomination des régimes (…)
Quand comptez-vous alors terminer ce travail ?
On est arrivé pratiquement à terme. Il reste la dernière navette vers les partis membres puis après, le groupe de travail sur la Constitution va faire la synthèse. Et en définitive, on va se mettre d’accord.
Sur le candidat, je pense que quelque mois encore, ce n’est pas tellement mauvais. Non pas d’ailleurs que je sois superstitieux, mais il ne faut pas qu’on cible trop tôt celui qui aura été choisi (rires). L’important, ce n’est pas qu’un seul ait été choisi, mais c’est le fait qu’il doit être chef d’orchestre et fasse travailler tout le monde pour le bien du pays.
Propos recueillis par Yakhya MASSALY
walf.sn
ALERTE INFOS.L’AEROPORT DE DAKAR YOFF EST LE NID DES VOLEURS.NE FAITES CONFIANCE A PERSONNE,AUSSI BIEN A L’INTERIEUR QU’A L’EXTERIEUR.C’EST PARREIL EN VILLE,C’EST LE BORDEL PARTOUT.FAITES PASSER LE MESSAGE.