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Mahamadou Issoufou vu par la presse étrangère.

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L’accession à la présidence du Niger de Mahamadou Issoufou pourrait être l’occasion d’une authentique « rupture ». Les Nigériens en décideront le 12 mars 2011 !

Il y a eu, dans l’histoire politique du Niger, trois figures marquantes : Hamani Diori (1960-1974), « le père de l’indépendance » ; puis Seyni Kountché (1974-1987), celui qui avait pensé le « libéralisme contrôlé » en un temps où, justement, le libéralisme n’était pas encore en vogue ; enfin, Mamadou Tandja (2000-2010), celui qui voulait « sortir [son pays] de l’éternel recommencement ».

Belle formule qui avait été la sienne dans le discours-programme prononcé lors de la campagne présidentielle 2004. Il ajoutait alors qu’il voulait « recréer la confiance perdue des citoyens en eux-mêmes et en leur Etat. Redonner l’espoir ». Espoir déçu. Il s’en est fallu de peu d’ailleurs.

Tandja aurait pu être celui qui aurait réussi la « rupture » ; il est celui qui a failli. Doublement : dans son engagement vis-à-vis de son peuple ; dans sa volonté de garder éternellement la main sur le pouvoir. Tous les autres, Ali Saïbou, Mahamane Ousmane, Ibrahim Baré Maïnassara, Daouda Mallam Wanké… ne vont que remplir les « vides », parfois à coup de kalach (ou en étant le plus ancien dans le grade le plus élevé), parfois par la voie des urnes. Il faudra accorder une palme spéciale à Salou Djibo qui a permis au Niger d’en être là où il en est après être retombé, à cause de Tandja, dans ses errements du passé.

Mahamadou Issoufou pourrait bien être le quatrième homme à marquer l’histoire du Niger. Parce qu’il est un civil – même s’il n’est pas le premier – et parce qu’il vient des rangs de l’opposition mais pas d’une opposition à géométrie variable comme trop souvent en Afrique. Il n’a jamais été, politiquement, autre chose que le président du parti qu’il avait créé en 1991 : le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) quand tant d’autres n’ont cessé de « nomadiser » sur l’échiquier politique. « Opposant historique », Issoufou ne manque pas, cependant, d’avoir une vision claire et nette de ce qui s’est passé au cours de la première décennie du XXIème siècle. « A partir de 1999, a-t-il déclaré récemment dans un entretien avec Défense, le magazine de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), nous avons connu dix ans de stabilité. Le Niger était sur la bonne voie. Nous avions créé les conditions d’une démocratie apaisée avec des relations régulières et constructives entre l’opposition que j’avais l’honneur de diriger et la majorité du président Tandja. L’exercice avait une portée éminemment pédagogique, notre objectif étant non seulement d’assurer la stabilité politique de notre pays mais aussi de montrer au peuple nigérien qu’être des adversaires politiques ne fait pas nécessairement de nous des ennemis et que nous avions le devoir de nous retrouver de temps à autre pour échanger sur les grandes questions engageant les intérêts vitaux du Niger et des Nigériens ». Il ajoute : « Le président Tandja aurait pu sortir par la grande porte mais la fin de son régime a jeté une tâche noire sur son bilan de dix ans de gestion du pouvoir ». Issoufou est d’autant plus beau joueur en reconnaissant ce que Tandja a fait en dix ans (et défait en quelques mois seulement) que la transition « militaire » rendue nécessaire par le coup de folie politique de Tandja va peut-être lui permettre de conquérir le pouvoir. Ce qui aurait été moins évident si le passage de témoin s’était fait, fin 2009, dans les règles du jeu politique alors en vigueur.

Né en 1952 à Dandadji, non loin d’Illéla (au Sud de Tahoua et à l’Est de Niamey), Issoufou a décroché son bac série C en 1971 et a rejoint le Centre d’enseignement supérieur de Niamey puis l’université pour y préparer une licence de mathématiques. Engagé politiquement depuis l’époque où il militait à l’Union des scolaires nigériens, il va subir la répression qui, dans les années 1970, alors que Hamani Diori venait d’être renversé par les militaires, frappait les « contestataires ». C’est à Montpellier qu’il obtiendra sa maîtrise en mathématiques et à Paris qu’il préparera un DEA de probabilité et statistiques avant d’obtenir le diplôme d’ingénieur de l’Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne. En 1980, il revient au Niger, fait un stage à Arlit au sein de la Somaïr, obtient le poste de directeur des mines au ministère des Mines et de l’Industrie puis, de 1986 à 1993, de secrétaire général, directeur des exploitations, directeur technique de la Somaïr, filiale de la Cogema (aujourd’hui AREVA).

Sa vie professionnelle ne freine pas ses activités politiques. Sous Kountché, il a créé un groupe clandestin, le G 80, qui va structurer l’opposition dans les milieux intellectuels et universitaires. En 1990, à la veille de la conférence nationale (juillet-novembre 1991), il va fonder et présider le PNDS-Tarayya. Quand Mahamane Ousmane, candidat de l’Alliance des forces pour le changement (AFC) dont est partie prenante le PNDS de Issoufou, va remporter la présidentielle de 1993 face à Tandja, Issoufou (qui terminé en troisième position pour sa première participation à cette élection nationale) va se retrouver à la primature. Mais les relations seront difficiles entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement.

En 1994, Issoufou se retirera de la majorité présidentielle et va rejoindre les rangs de l’opposition aux côtés du MNSD de Hama Amadou. En 1995, le MNSD et ses alliés (dont le PNDS) vont obtenir la majorité aux législatives. Hama Amadou est premier ministre ; Issoufou président de l’Assemblée nationale. Il verra du même coup son sort lié à celui de Ousmane et Hama Amadou quand les militaires décideront de reprendre le pouvoir le 27 janvier 1996 (au lendemain de la rédaction de la lettre de Issoufou au président de la Cour constitutionnelle relative à « l’incapacité de Mahamane Ousmane à assumer les fonctions présidentielles ») ; alors qu`ils ont demandé à la « communauté internationale » de ne pas marginaliser le Niger à la suite du coup d’Etat, ils vont se retrouver en résidence surveillée (Issoufou constatera que « Dieu merci, cela aurait pu être pire… »).

En 1999, il sera candidat à la présidentielle et se retrouvera, au second tour, face à Tandja. Mais alors que Issoufou avait choisi de soutenir Ousmane face à Tandja en 1993, voilà que Ousmane va soutenir Tandja contre Issoufou. « La leçon à tirer, dira Issoufou, c’est qu’il faut toujours s’attendre dans à la vie à ce que certaines hommes rendent le bien par le mal », reconnaissant cependant que si Ousmane « a refusé de nous renvoyer l’ascenseur », le PNDS a été dans « l’incapacité [de] mobiliser la majorité de la base de son parti qui nous était favorable ». Le PNDS, membre de l’Internationale socialiste depuis 1996, est pourtant considéré comme « un des partis de la gauche démocratique le mieux structuré d’Afrique de l’Ouest ».

Député sous Tandja, Issoufou s’affirmera comme le chef de file de l’opposition qu’il va tenter de rassembler dans la Coordination des forces démocratiques (CFD), le Front pour la défense de la démocratie (FDD) puis la Coordination des forces pour la démocratie et la République (CFDR). Sa ligne de conduite est toujours la même depuis le coup d’Etat de Maïnassara en 1996 : « Lorsqu’un régime viole la loi, il n’y a pas de raison pour que le peuple respecte la loi. Nous ne pouvons pas servir de caution à une autocratie. A partir du moment où la démocratie est à ce point niée, il n’y a plus qu’une réponse : la rue […] On occupe la rue parce que l’on ne nous permet pas de nous exprimer autrement ». Qualifié pour le second tour de la présidentielle 2004, il sera une nouvelle fois battu (plus nettement qu’en 1999 : 34,47 % des voix contre 40,10 %). Mais le deuxième mandat de Tandja va mal finir. En 2005 débuteront les manifestations contre la vie chère puis ce sera le combat juridique puis politique contre les « tazartchistes » qui prônaient la prolongation du mandat présidentiel. On connaît la suite.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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