Le fait semble anodin et banal mais telle une forêt que cache un arbre, de gros enseignements s’imposent pour la postérité. Alors, avant de tourner la page, en attendant un probable rebondissement, parce que le plus important n’a pas encore été dit formellement, arrêtons-nous un peu sur un fait qui, dans un pays normal ne serait jamais arrivé.
D’abord, Mansour Faye n’est qu’un lampion dans cette histoire. Le vrai responsable de ce qu’on lui reproche n’est personne d’autre que Macky Sall. En réalité, la république ne connaît pas de frère encore moins de beau-frère. J’ai toujours dit que si Macky Sall n’était pas devenu Président, Aliou Sall n’allait jamais être le président de l’AMS. Cela montre à la fois le suivisme et les calculs bassement intéressés de nos politiciens et le népotisme au sommet de nos Etats. C’est valable pour Mansour. Il n’allait certainement jamais être dépositaire d’autant d’aussi importantes responsabilités et gérer autant de fonds si le beau-frère n’avait pas atteint le sommet des responsabilités dans notre pays. Alors, étant entendu qu’ils ont géré nos ressources, il faut qu’ils rendent compte aujourd’hui ou demain. Si non, le dangereux précédent restera éternel. Sans cet errement au cœur de la République, Mansour, n’allait jamais instrumentaliser politiquement une demande d’audience entre un citoyen et son président.
Cet épisode révèle aussi beaucoup d’enseignements que Sonko qui a gagné un galon de présidentiable devait méditer. Cette posture lui impose désormais beaucoup plus de modestie et de responsabilités. C’est pourquoi, il doit éviter de réagir de façon épidermique et violente. Il doit aussi enlever ce mot de trop dans sa communication. Ce mot qui grossit de jour en jour, suscite la peur et la méfiance chez beaucoup de personnes. L’immaturité politique lui a privé d’une aubaine qui lui a été présentée sur un plateau d’argent et qui pourrait lui permettre de grandir politiquement un peu plus. Hélas !
Arrêtons-nous un peu sur ce mot de trop qui semble suivre Sonko comme son ombre et qui suscite beaucoup interrogations. Rappel de quelques fragments : « Madiambal moo nakk jom », « Mansour est un ignorant, c’est le plus grand menteur que le pays n’ait jamais connu », « Maitre El Diouf, kouti, le petit du chien et violeur », « Macky n’aime pas la Casamance », « on peut fusiller les anciens présidents du Sénégal sans avoir aucun péché », je ne répondrai pas aux petits députés qui ne connaissent pas comment fonctionne un Etat » etc. On ne change pas le système en utilisant les mots du système. Ce sont des mots dignes de Cissé Lo, Farba Ngom et autres. Les propos et agissement des uns et des autres ne doivent justifier l’usage de ces expressions souvent bannis dans notre société. Si jamais Sonko devient président, il entendra plus et beaucoup plus comme Macky aujourd’hui et Wade hier.
Par ailleurs, ce scénario cache encore de bruyants non-dits qui finiront par être dits tôt ou tard, peut être au mauvais moment, au détriment de Sonko ? Il s’agit de la teneur de cette audience tenue ou avortée. Qu’est-ce que Sonko avait de si important au point de vouloir rencontrer Macky ? Sonko dit que c’est Mansour qui a rampé pendant plusieurs jours pour décrocher une audience aux prés de lui. Mais qui était Sonko en 2013 pour mettre autant de peur dans le ventre des gens du pouvoir ?
L’autre enseignement majeur à tirer c’est la posture incompréhensible des analystes, commentateurs et animateurs. En effet, voilà des gens qui, comme Pape Alé Niang tolèrent, justifient, évitent et expliquent toute dérive commise par un opposant et tirent rageusement sur les gens du pouvoir pour les mêmes faits. Les erreurs et fautes commises par un président sont aussi condamnables que celles d’un présidentiable. On devient président avec les qualités et défauts du présidentiable qu’on aura été.
Exemple : Mansour Faye a transpiré à grosse goutte devant les micros des journalistes. Ce fut un gros scandale pour nos révolutionnaires tropicaux. Et pourtant, Sonko aura fait pire sur le plateau de son ami. Il a tellement tergiversé au point de dire, à demi-mot, que je ne veux pas révéler le nom de ma société. « Dama sonn waay », (Je suis fatigué dira t – il). J’ai oublié le nom de ma société » Au lieu de s’en offusquer, ses partisans applaudirent et les journalistes qui étaient avec lui n’ont fait que pousser un petit sourire amical. Son cas était beaucoup plus grave que celui de Mansour parce que lui aspire à devenir président alors que Mansour n’est là que par la grâce de Dieu et du Président. Pour un présidentiable cela devait susciter de la part de tous les patriotes des interrogations légitimes. Mais ici les opposant peuvent circuler librement. Ils ont reçu un chèque en blanc. Personne ne s’était posé la question à l’époque pour savoir comment lui qui n’était qu’à la tête d’un parti à l’état d’embryon pouvait être si fatigué au point d’oublier le nom de sa propre société ? Serait-il devenu amnésique s’il avait sur ses épaules la charge d’un Etat ?
Ces hommes et femmes de médias et des réseaux sociaux doivent cesser d’être trop exigeants vis-à-vis des tenants du pouvoir et trop indulgents vis-à-vis des opposants. Ils seront demain ce qu’ils ont été hier si jamais ils accèdent au sommet du pouvoir. La jurisprudence est là et nous le rappelle tous les jours. Mais nous préférons laisser l’émotion prendre la place de la raison dans nos cœurs. Il n’existe pas des sénégalais pourris parce qu’ils soutiennent le pouvoir et des sénégalais valeureux et saints parce qu’ils sont dans l’opposition. Il faut rompre avec ce terrorisme politique. La force de l’argument est meilleure que l’argument de la force.
Falilou Cissé, conseiller en Développement communautaire
A Bamako, tel 00223 94 20 66 87 email [email protected]
A méditer.
Merci pour cette réflexion !