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La France et l’Islam : Créer un nouveau territoire de la raison et du respect (Par Amadou Lamine Sall)

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Faudrait-il que ce soient seuls les Français qui aient choisi la liberté de se faire égorger, en s’enchainant eux-mêmes avec les coutelas de leur « liberté d’expression » ? Un choix têtu, insensé et maladif au point de ne pouvoir ni convaincre, ni expliquer à leurs bourreaux, ni aux familles des victimes, ni au reste du monde, ce qu’est leur laïcité et pourquoi ils acceptent de mourir si bêtement en son nom et au nom d’une définition étroite et mortelle ?

L’on dit que les Français sont des moralistes bavards et idéalistes. Ils ne savent pas mourir en silence. La raison invite toujours à rebrousser chemin pour aller couper la route aux bourreaux avec un drapeau blanc et prier avec eux, chacun dans sa religion, dans la paix, le pardon, le respect. Toutes les religions sont belles ! On dit chez nous que s’’agenouiller devant la vérité, ne vous empêchera pas de repartir avec vos jambes.

S’il est un domaine inaccessible à la seule raison , c’est bien la foi. Alors, que chacun respecte sa propre vérité en respectant celle de l’autre, en prenant soin de ne jamais oublier qu’il est des vérités qui se trompent en ne s’arrêtant qu’ à soi-même.

La France doit rompre avec cette aristocratie hautaine du moi-moi et être plus humble, car la France est trop belle pour être maquillée de sang. Son destin est de préparer une « génération de l’espérance ». Nous sommes si triste de la voir si crispée, si atteinte, si défensive, presque haletante et perdue, même si elle sait bien cacher sa peur dans la théâtralité des rhétoriques, des discours interminables, nationalistes et creux. Ses poètes, ses écrivains, ses artistes doivent se lever pour offrir leur cœur, leur plume, leur pinceau, à la paix, la tolérance, la tendresse, l’amour. Le plus beau visage de la France est porté par ces créateurs là qui savent « dégager l’activité intellectuelle de son instrumentalisation par la politique »..

Le visage de la politique est lépreux. Il porte la surenchère et la vanité. Les politiques sont des marchands d’illusions. Ils cherchent toujours à faire des bénéfices. Nous assistons de plus en plus à une désintégration du message fraternel et universel de la France. Ceux qui exercent le pouvoir politique ont hélas dans leur rétroviseur les cris et les démons de l’Extrême Droite. Sans aboyer comme eux, ils remuent quand même la queue pour ne pas trop s’éloigner de la meute. Les voix des électeurs comptent.

Non, la France n’est pas faible. La question est ailleurs : dans le respect sacré de la foi de l’autre. Le prophète Mohammad n’est pas une table de jeu. Ni Jésus. Ni Moïse. Ni même le Pape. Dire que la sacralité de Charles de Gaulle a été décrétée par les tribunaux français qui ont condamné Charlie Hebdo à ne plus le caricaturer ! Et « aux autres », allez vous faire f… ! Comment a t-on pu en arriver là ? Comment a t-on pu imaginer un seul instant porter atteinte à Mohammad, un prophète que des milliards de croyants portent dans leur cœur ? Comment cet homme hors des hommes que les plus grands poètes de la France ont loué et chanté en des vers inoubliables, a t’il pu être insulté, souillé ? Même si nous savons que cette bêtise et cette méchanceté qui sont les mamelles infectes de Charlie Hebdo, ne pourront jamais atteindre cette si Belle et si Grande Étoile de l’Islam !

Les caricatures et les moqueries que l’on a osé porter sur le nom du prophète de l’Islam, sont l’expression la plus basse, la plus honteuse, la plus indigne, la plus infâme que des homo-sapiens, bipèdes hideux, odieux et ignorants, ont pu trouver. C’est une irresponsabilité sans nom et indéfendable ! La belle France ne peut pas faire sienne cette décivilisation, elle qui veut porter le raffinement loin de toute barbarie. Ceux qui aiment la France ont mal, car la France a des valeurs et une âme. Nous faisons partie de ceux qui la chérissent au nom de l’humanisme qu’elle porte, malgré ses hyènes intérieures et si puantes qui la déshonorent et la détachent de plus en plus du wagon de la décence et de la grandeur de l’esprit.

Soyons vigilants devant les fossoyeurs et les cambrioleurs de nos espaces de paix, de fraternité et du vivre-ensemble. Soyons vigilants devant ceux qui rétrécissent et étranglent nos élans de solidarité. Il s’agit plutôt de fonder et de vivre ensemble une aventure humaine qui nous élève et nous grandit. Ce que « « cette presse française » fait et défend n’honore pas le pays qui l’abrite. Quand en terre de France, on installe l’obscurité, l’insolence, la bave, le rejet, l’impunité, l’irrespect, nous souffrons tous. Des voix de l’église, comme à Avignon avec Mgr Cattenoz, se sont levées pour condamner les propos triviaux et hors de toute sérénité du Président Emmanuel Macron. Il était difficile de ne pas aimer ce jeune lion, décidé, moderne, opportuniste, charmeur, branché, cultivé, orateur. Cela changeait tellement des vieilles carcasses suffocantes qui embouteillaient l’Élysée avec interminablement des Présidents droite-gauche-gauche-droite ! Emmanuel Macron rafraîchissait et renouvelait enfin la façade de la France. On respirait, du moins le croyait-on. Mais rien n’est perdu. La France qui se veut plus grande qu’elle même et écoutée de par le monde, doit savoir porter au-delà de l’émotion, du nationalisme étroit et des calculs politiques dictées par l’Extrême Droite, un message plus équitable, plus juste, plus noble, plus rassembleur, sans rien céder à la fermeté, aux lois de la République, à la sauvegarde de l’unité nationale.

Le pain que Charlie Hebdo continue perfidement de pétrir avec, en plus, la farine que lui apporte l’État français, n’est pas comestible. La boulangerie doit baisser rideau.

Nous croyons qu’il n’est que temps que les mémoires souffrantes laissent place à un avenir apaisant et créateur de nouvelles valeurs ouvertes sur de nouvelles mémoires rassembleurs, surtout là où des blessures ont été ouvertes par l’histoire et qu’aucune femme, qu’aucun homme d’aujourd’hui en France ne saurait être coupable. Ce qui est fait et fait. Pourquoi alors vouloir encore et encore « vieillir sur les mêmes champs de batailles » ? Nous devons nous réunir autour d’un même identifiant humaniste : l’amour !

Créons ensemble ce nouveau temps d’une nouvelle résistance pour vaincre les peurs, les malentendus, les blessures tenaces, les doutes, les vanités, l’orgueil. Rayons les préjugés tenaces de part et d’autre de l’histoire de nos peuples.

Dans tout l’espace islamique qu’une religion d’amour et de paix gouverne, les genoux de nos mères ont été les premières mosquées et les cloches des églises ont toujours sonné à nos oreilles comme l’étonnement des berceuses. Alors prions sur le sceau des prophètes : Mohammad ! Prions sur Jésus et Marie, car ces préférés de Dieu partagent les mêmes Grands Livres, le même cœur de l’humanité. Respectons aussi tous les autres et tous ceux qui ont choisi de vivre une autre foi que la nôtre. Mais rassemblons-nous tous dans la paix et l’amour. Osons le même combat : celui de se respecter, de s’aimer, de vivre ensemble. Fuyons les rejets, la haine, l’intolérance. Fuyons ce chant du malheur qui, depuis Samuel Paty, puis Nice et sa basilique et avant eux tous les autres actes de folie et de vengeance, a endeuillé la France. Fuyons l’apocalypse qu’appelle Charlie Hebdo. Fuyons «les crispations archaïques, identitaires, nationalistes, religieuses, dont le monde donne trop d’illustrations douloureuses (…) C’est sur les territoires de l’esprit que se jouent la paix et le destin des nations ». Que chacun fasse taire les monstres là où ils veulent bâtir demeure : Charlie Hebdo en France, les marginaux du monde islamique de par le monde.

La France, celle que nous aimons et non celle de Charlie Hebdo, doit revenir au respect des autres, à la clairvoyance, la courtoisie. Bref, à la civilité. Mais nous savons que ce n’est pas « toute » la France qui est fétide. Le peuple français sait être grand, juste et digne. La barbarie ne porte pas que le visage des bourreaux. Elle porte aussi le visage des offenseurs. La France ne peut pas être de leur bord. Ses enfants là sont à rejeter. Ils portent un poison mortel et ils l’essaiment en faisant égorger des innocents, alors qu’eux-mêmes, lâches et peureux, revendiquant leurs forfaits en se terrant sans adresse et sous protection policière. La maison de l’intolérance doit être fermée, la première. Que ceux qui ont opté et choisi la mort, s’assument et meurent seuls. Aucune liberté d’expression, aucune, ne saurait justifier des morts, ne serait-ce qu’un seul. Alors revenons au repentir et à la raison. La peur de se faire assassiner parce que l’on a assassiné la foi de l’autre, est le contraire du courage et de la vertu. Charlie Hebdo est lâche et condamnable ! Il fait payer à des Français innocents ses rêves frelatés de liberté. Le premier obscurantisme est de s’attaquer à la foi des autres. Mohammad est si magnifique ! Lisez Lamartine ! Imaginez qu’il est dit et écrit dans le Coran, de ne pas s’attaquer ou rendre l’injure à celui qui attaque votre foi ou nie votre Dieu. Laissez-le faire, vous éviterez ainsi de faire détester votre Dieu ! Admirable leçon de l’Islam ! Admirable toutes les religions qui portent une voix généreuse et apaisée !

Il ne s’agit pas de dire que « nous ne céderons sur rien » en embrassant qu’un seul bourreau ! Si Charlie Hebdo n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer ! Il est le 1er bourreau récidiviste ! Personne ne peut accepter de céder le moindre pouce de terrain à l’intolérance, à la peur. Mais il faut toujours céder quand il s’agit de ne pas mourir pour rien. Quand il s’agit d’être juste. Quand il s’agit de réparer un tort. Quand il s’agit de rassembler. Quand il s’agit de ne pas battre le tambour pour les offenseurs et laisser l’offensé dans l’humiliation. Il faut savoir céder quand l’irrespect s’installe et perdure ! Il faut céder pour ne pas donner raison aux premiers monstres ! Si « Charlie Hebdo est libre et indépendant et que le Gouvernement n’a rien à y voir » comme vous le dites Monsieur le Président, alors qu’il se batte seul. Qu’il s’assume seul. Qu’ils meurent seuls au lieu de faire tuer des innocents. Que le Gouvernement ne condamne plus seulement ceux qui se vengent pour défendre la dignité de leur foi, de leur prophète. Non ! ceci n’est pas une réponse acceptable ! C’est prendre parti ! Le Gouvernement français doit arbitrer. Il doit faire preuve de justice et voir comment défendre à la fois le berger, la brebis et le prédateur. Monsieur le Président Macron, avec respect, l’offense à Charles de Gaulle n’a pas eu la même réponse du Gouvernement français. Le Premier ministre du Canada, M. Trudeau, dit que vous n’avez pas raison. Bonne chance dans ce méli-mélo tragique ! Élevez-vous Monsieur le Président. Élevez-vous ! Personne ne vous en voudra d’être juste et rassembleur.

Il est terrifiant de finir par croire que le savoir et l’éducation peuvent conduire à l’obscurantisme, la vanité, l’irrespect, l’humiliation de l’autre. Triste et terrifiant de voir au 21ème siècle dans cette belle terre de France, « des femmes et des hommes cultivés apparaître plus obtus, plus ignorants, que les bédouins » des régions les plus reculées de la terre. « Affirmons l’avenir. Exprimons des possibles invincibles » devant ceux qui sèment la haine, attirent la mort, la division.

Bien sûr que nous savons tous que le terrorisme est devenu un territoire qui fascine des femmes et des hommes blessés, démunis, isolés, hors normes et hors du temps du monde. Tentons d’aller à leur rencontre sans crainte, mais avec courage et sans faiblesse, pour diagnostiquer le mal. Il s’agit, en somme, de dépasser la morphologie pour aller à l’anatomie de ces djihadistes qui ont besoin de nous pour être écoutés, respectés, soignés. Rien n’est plus douloureux et terrifiant que l’exil intérieur. Nous devons aider à étancher ces soifs spirituelles qui se forgent dans des règles et des dogmes les plus tragiques et dont les raisons semblent toujours nous échapper, si nous ne les classons pas tout simplement, par commodité, dans le domaine de la folie, la sauvagerie, l’irraisonnable.

La politique et la liberté de la presse doivent éviter d’avoir le goût des larmes. Ce n’est pas le monde qui est étroit, mais plutôt le cœur et la vision des hommes qui nous gouvernent. Celui qui sème le poivre et de quelque bord qu’il soit, ne saurait espérer récolter du sucre. Les chemins de la connaissance, c’est à dire du respect et de l’acceptation de l’autre, s’acquièrent dans l’interrogation de soi-même et de l’état de nos sociétés égoïstes, furieuses et individualistes.

Chez nous en Afrique, on apprend que quand tu dis à un enfant : « Comment va le mari de ta mère ? », il boude. Dis-lui plutôt : « Comment va ton papa ? ». Nous devons réapprendre à nous attendrir même devant le malheur et l’offense. La douceur, la bonté, le partage, la complicité, l’écoute, l’affection, le respect, guérissent. Il faut apprendre à laisser sa chance à la vie ! nous sommes devenus « péniblement civilisés » ! Notre monde est en grand péril, car il est conquérant et agressif. Des singes savants nous gouvernent. Des fous sereins nous guettent avec des couteaux et des bombes. Changeons cette donne ! Parlons-nous !
Amadou Lamine Sall
Poète Lauréat des Grands Prix de l’Académie française

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