XALIMANEWS-L’île de Grande Canarie, petit bout de terre espagnole de 1 500 km2, fait face à un important afflux de migrants, avec plus de 16 000 arrivées depuis le mois de janvier, six fois plus qu’en 2019. La traversée depuis les côtes ouest-africaines est si dangereuse que des centaines de migrants ont disparu en mer cette année. De nombreuses familles, sans nouvelle de leurs proches, sont à la recherche d’un père, d’un fils, d’un cousin, d’un frère.
Sarah Bettache n’a pas hésité une seconde. Cette Française d’origine marocaine a quitté son emploi de boulangère et son enfant d’un an et demi dès qu’elle a appris que son frère se trouvait à Grande Canarie, petit bout de terre espagnole perdu au milieu de l’océan Atlantique. Sans nouvelle de lui pendant 10 jours, elle a imaginé le pire.
« Mon petit frère m’a envoyé un message la semaine dernière pour me dire qu’il était aux Canaries. Je ne savais pas qu’il avait pris la mer depuis le Maroc sinon je l’aurais empêché de monter à bord d’une pirogue », explique la jeune femme de 27 ans, attablée à la terrasse d’un café, tout près du port d’Arguineguin où est retenu son frère depuis son arrivée.
Sarah l’a cherché partout, a remué ciel et terre pour entrer en contact avec lui. « J’ai appelé la Croix-Rouge, la police, les garde-côtes espagnols mais personne n’a pu m’aider. »
« Je voulais le prendre dans mes bras mais la police ne m’a pas laissé l’approcher »
Désespérée, elle se rend au port et montre la photo de son frère de 19 ans à un membre de la Croix-Rouge, qui gère les lieux. Les policiers la repoussent mais Sarah refuse de partir. « Le bénévole est venu avec mon frère, j’ai pu le voir de loin », dit-elle, les mains tremblantes.
« Je ne peux pas expliquer ce que j’ai ressenti. Mon cœur battait à toute vitesse, des larmes coulaient le long de mes joues. J’ai eu envie de le prendre dans mes bras mais la police ne m’a pas laissé l’approcher », raconte Sarah qui ne compte pas quitter Grande Canarie sans son frère à ses côtés.
La femme de Mehdi* n’a pas eu cette chance. Depuis presque un mois, elle recherche son mari et son fils, montés sur un canot depuis les côtes marocaines en direction des Canaries. Jointe par téléphone, elle explique la voix tremblante qu’elle ne peut se rendre dans l’archipel espagnol, faute de visa. Depuis le Maroc, la jeune femme appelle régulièrement la Croix-Rouge et les garde-côtes mais personne ne sait où se trouvent ses proches.
Un migrant sur 24 meurt en tentant de rejoindre les Canaries
Comme elle, ils sont des centaines à se démener pour obtenir des informations sur un membre de leur famille disparu depuis leur départ des côtes ouest-africaines. « On reçoit quotidiennement des avis de recherche mais on ne peut malheureusement pas les aider », souffle Txema Santana, de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR).
Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), une personne sur 24 meurt sur la route en tentant d’atteindre les Canaries. D’après les chiffres officiels de l’agence onusienne, plus de 400 personnes sont décédées dans l’Océan Atlantique depuis le début de l’année.
Ils seraient en réalité bien plus nombreux, affirme Txema Santana. « Beaucoup de migrants meurent en mer sans qu’on ne soit au courant ».
Ceux dont le corps est retrouvé sont enterrés de manière anonyme dans une fosse commune du cimetière d’Aguimes, à l’est de Grande Canarie. Le 15 août, une pirogue est arrivée sur l’île avec à son bord 15 cadavres en décomposition. « Les morceaux de corps ont été mis dans des boîtes et insérer dans un grand mur blanc du même cimetière », précise encore Txema Santana. Une association africaine tente comme elle peut d’identifier les disparus mais la tâche s’avère difficile, tant les informations sont peu nombreuses.
Infomigrants.net